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Les délocalisations

Publié le 22 juin 2013 par Raphael57

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S'il a beaucoup été question des délocalisations ces dernières années, c'est surtout pour grossir à l'extrême les rares relocalisations en France :

Le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, vient d'ailleurs de présenter vendredi 14 juin 2013 son plan de relocalisation des entreprises en France. Celui-ci comprend la mise en place d'un logiciel - baptisé Colbert 2.0 -, qui sera accessible sur Internet et permettra aux entrepreneurs, sur la base d'un questionnaire, de déterminer leur "potentiel de relocalisation".

Mais avant d'évoquer les relocalisations, peut-être faudrait-il d'abord se demander pourquoi les entreprises délocalisent ? Pour répondre à cette question, commençons par définir précisément ce que l'on entend par délocalisation.

Qu'est-ce qu'une délocalisation ?

Au sens large, il s'agit d'un transfert total ou partiel d'une activité vers une société implantée à l’étranger (appartenant ou non au groupe). Il peut donc ou non y avoir réduction de cette activité en France. C'est pourquoi, dans une définition plus restrictive, on appelle délocalisation uniquement les transferts d'activités avec réduction concomitante de la production en France.

La délocalisation doit être distinguée de l'externalisation qui consiste, pour une entreprise, à faire appel à une société extérieure au groupe pour réaliser une activité réalisée jusque-là en interne. La comptabilité est ainsi très souvent externalisée.

Pourquoi les entreprises délocalisent-elles ?

Dans mon dictionnaire révolté d'économie , j'avais qualifié les délocalisations de révolution dans la géographie des coûts salariaux permise par les politiques de libre-échange, la réduction des coûts de transport et le développement des télécommunications. Plus généralement, les délocalisations participent de l'éclatement au niveau mondial du processus de production et de la chaîne de valeur, dont j'avais parlé dans ce billet.

Notons qu'à la différence de la localisation, qui consiste à ouvrir un centre de production à l'étranger afin de bénéficier de coûts moindres permettant de conquérir le marché local, les délocalisations sont essentiellement motivées par l'eldorado d'une réduction des coûts (salariaux et/ou de production), qui permettra dès lors de casser les prix en France en important cette production. Et la recherche d'une rentabilité extravagante pour satisfaire les actionnaires n'est pas étrangère ce phénomène...

Pourquoi le coût salarial est un mauvais indicateur ?

Or, le coût salarial est un très mauvais indicateur puisqu'il ne tient pas compte de la productivité des salariés qui est, par exemple, plus basse en Chine qu’en France. Il est donc préférable d'utiliser le coût salarial unitaire, c’est-à-dire le coût salarial pour une unité produite.

Mais c'est encore insuffisant, puisqu’il existe des coûts lorsqu’on délocalise une unité de production (coût de gestion à distance, coûts cachés,…). C'est ce qu'explique bien l'industriel dans la vidéo ci-dessus. Ces coûts sont appelés coûts de transaction et sont souvent très élevés. Par conséquent, pour être en mesure de choisir ou non de délocaliser, un dirigeant devrait s’intéresser à l’évaluation de l’ensemble de ces coûts – que l’on appelle le coût total – et non pas seulement au coût salarial.

Quels sont les secteurs concernés ?

Très longtemps, les délocalisations ne concernaient que les secteurs à faible technologie de l’industrie manufacturière comme le textile. L'inquiétude est montée d'un cran lorsque le phénomène a commencé à toucher également les industries à plus forte intensité technologique comme l'automobile et les NTIC. La liste des salariés potentiellement confrontés aux dangers de la délocalisation dépasse dès lors le cadre des seuls emplois peu qualifiés pour s'élargir aux emplois qualifiés voire très qualifiés.

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[ Source : INSEE première N°1451, juin 2013 ]

Selon l’enquête Chaînes d’activité mondiales, au cours des trois années 2009 à 2011, 4,2 % des entreprises employant au moins 50 salariés ont délocalisé une partie de leur activité.

Vers quels pays ont délocalisé les entreprises françaises ?

L'enquête citée plus haut montre que, contrairement à l'idée que l'on se fait, 55 % des sociétés ayant délocalisé entre 2009 et 2011 l’ont fait vers l’Union européenne (cliquer sur le tableau pour l'agrandir) :

Delocalisations2.jpg

  [ Source : INSEE première N°1451, juin 2013 ]

Les délocalisations vers la Chine, l'Afrique et l'Inde représentent respectivement 18 %, 24 % et 18 %.

Quelles conséquences sur l'emploi ?

La mesure de l'impact des délocalisations sur l'emploi reste difficile en raison de l'absence de définition précise, de la complexité du phénomène, du manque d'informations fiables, du manque d'enquêtes publiques,... Quoi qu'il en soit, mesurer les délocalisations à partir des investissements directs à l'étranger (IDE) - méthode employée par Jean Arthuis pour son rapport de 1993 - ne conduit à rien de pertinent sinon au catastrophisme. On se souvient ainsi du vent de panique provoqué par la conclusion du rapport du sénateur Arthuis : "84 % des effectifs salariés de l'industrie (hors IAA ), correspondant à 81 % de la valeur ajoutée du secteur, sont délocalisables".

L’enquête Chaînes d'activité mondiales estime à environ 20 000 le nombre de suppressions directes de postes en France dues aux délocalisations entre 2009 et 2011. Près des deux tiers de ces suppressions se rapportent au coeur de métier des sociétés, c'est-à-dire pour faire simple à l’activité principale de la société. Mais attention, à ces postes supprimés directement dans les entreprises qui délocalisent il faut ajouter ceux perdus chez les sous-traitants, tout en tenant compte des emplois créés en France lorsque des entreprises étrangères délocalisent sur notre sol. Bref ce n'est pas simple à mesurer, mais on peut affirmer avec certitude qu'au niveau d'un bassin d'emplois une délocalisation provoque inévitablement un séisme économique et social...

Cette semaine, j'ai profité de mon passage sur Mirabelle TV pour évoquer cette question des délocalisations. C'est à voir dans le Grand rendez-vous du lundi à partir de la 18e minute :

Mirabelle-17-juin-2013.jpg

[ Cliquer sur la photo pour lancer la vidéo ]


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