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Rohani dans la main de Khamenei

Publié le 22 juin 2013 par Laurentarturduplessis

Khamenei le satrape

Beaucoup d’Occidentaux se sont émerveillés de l’élection surprise du « modéré » Hassan Rohani, le 14 juin dernier, avec 50,68% des voix. Ils y ont vu l’annonce de l’ouverture du régime à l’Occident. Donc de son renoncement à la course nucléaire et balistique.
C’est une chimère. La réalité du pouvoir est détenue par le Guide suprême de la révolution islamique, Ali Khamenei. C’est de sa volonté que dépend la poursuite du programme nucléaire et balistique iranien, pas de celle du président de la République. Rohani n’est d’ailleurs pas favorable à un arrêt de l’enrichissement de l’uranium, comme il l’a dit lui-même. Certains observateurs croient le contraire parce que Rohani, chargé des négociations sur le nucléaire sous la présidence du réformateur Mohammad Khatami de 2003 à 2005, suspendit l’enrichissement de l’uranium durant cette période. Il ne faisait que répercuter la volonté du Guide suprême, désireux d’éviter une attaque américaine de l’Iran dans la foulée de celle qui venait de renverser Saddam Hussein en Irak. En 2005, sitôt Mahmoud Ahmadinejad élu, l’enrichissement reprit (sous les applaudissements de Rohani) parce que l’enlisement des États-Unis en Irak  rendait ces derniers inoffensifs pour l’Iran.

Rohani, illusionniste de talent

Rohani fut l’un des huit candidats présélectionnés par le Conseil des gardiens de la Constitution, qui est dans la main du Guide suprême : il a donc la confiance de ce dernier. Cet ancien séminariste de Qom âgé de 64 ans, qui fut un révolutionnaire de la première heure contre le Chah, ne conteste pas le régime théocratique. Le 12 juin il déclara qu’un vote « pour n’importe quel candidat est un vote pour la République islamique ». Concernant le nucléaire, il fera ce que lui dictera Khamenei : amadouer Israël et l’Occident pour obtenir un assouplissement de l’embargo économique, multiplier les habiletés diplomatiques dilatoires dans lesquelles il excelle, et ne pas céder sur le fond. Sa politique intérieure mettra l’accent sur l’assouplissement des interdits islamistes pour aider la population à supporter les privations. Tout cela n’aura qu’un but : masquer les visées nucléaires et balistiques du Guide suprême Ali Khamenei et de sa garde prétorienne, les Gardiens de la révolution. Il ne lâchera pas non plus la Syrie et le Hezbollah.
La présidence Rohani rappellera celle du réformiste Khatami, de 1997 à 2005 : il prônait le « dialogue des civilisations » tout en cachant aux Occidentaux l’existence du programme nucléaire iranien, jusqu’à ce que celle-ci fût révélée, a l’été 2002, par l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien (OMPI), une organisation de résistance au régime théocratique de Téhéran.
Quant à la proposition faite par Rohani d’un dialogue direct avec les Américains, elle n’est pas nouvelle : Ali Khamenei a dit la même chose en mars dernier.

Victoire de la théocratie

Cette élection présidentielle est une victoire de la théocratie iranienne : l’essentiel, pour elle, était d’obtenir un taux de participation honorable pour retrouver une légitimité démocratique. Ce fut chose faite avec 72,7% des inscrits (contre 85% en 2009), malgré la disqualification du seul candidat « modéré » de grande envergure, l’ayatollah Ali Hachemi Rafsandjani, par le Conseil des gardiens de la Constitution.
Grâce à un impressionnant déploiement de forces de sécurité, à la censure d’Internet et des réseaux sociaux, et au souvenir de la terreur exercée contre le Mouvement vert en 2009, le régime parvint à éviter une réédition des émeutes de cette année-là, qui l’eût mis en péril.
Que le gagnant fût Rohani (seul candidat « modéré » après le retrait de Mohammad Reza Aref) avec les voix des jeunes, des femmes, des citadins, et non pas Saïd Jalili ou Ali-Akbar Velayati, victimes de la dispersion des voix conservatrices, ne gêne pas vraiment le Guide suprême : le régime présente cette victoire comme un gage de démocratie. Une fois de plus, Khamenei aura prouvé son talent manœuvrier dans la tempête…



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