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L'illusion régulatrice

Publié le 23 juin 2013 par Copeau @Contrepoints

Au lieu de comprendre que les régulations de l’économie par l’État sont à l’origine des crises et sont le problème, on persévère dans l’erreur qu’elles sont la solution.
Par Francis Richard, depuis la Suisse.

L'illusion régulatrice

Le monde est imparfait. Il y a deux attitudes possibles : soit faire avec, soit vouloir le corriger pour le rendre parfait. L’illusion régulatrice relève de la deuxième attitude.

La semaine passée j’ai assisté, lors de rencontres professionnelles à une conférence faite par un éminent économiste de l’université de Lausanne, dont je tairai le nom par charité. Cette conférence avait pour thème : comment dans le long terme les économistes pensent les crises. Il faut reconnaître à cet éminent économiste qu’il s’est montré humble et a reconnu que lui et ses semblables ne pouvaient expliquer que ce qu’ils constatent : après coup, on est toujours très fort pour donner de bonnes explications.

Selon cet économiste, l’économie de marché est toujours changeante. Les modèles ont donc bien du mal à en rendre compte. Bref la théorie court après la réalité.

Le conférencier fait remonter les débuts de l’économie de marché, telle qu’on la connaît, à 250 ans. Il distingue trois grands courants :

1. Les écoles classique et néoclassique avec Adam Smith, Walras, Pareto, Say, Ricardo, Stuart-Mill (de 1770 à 1870)
2. Marx
3. La macro-économie avec Keynes et successeurs

Auxquels il ajoute un courant 3bis :

3bis. L’école des nouveaux classiques (1970-2000) qui a subi un démenti avec la crise de 2008

(Pas une fois, pendant sa conférence, il n’emploie le mot, sans doute tabou, de libéral, et ne cite Bastiat, Mises, Hayek ou Rothbard…)

1) Pour les écoles classique et néoclassique, les crises ne sont qu’accidentelles : tout repose sur le mécanisme autorégulateur du marché (la main invisible), avec pour hypothèses l’équilibre budgétaire et la monnaie liée à l’étalon-or. Cette théorie s’est traduite finalement par la crise de 1929…

2) Pour Marx, la crise est inhérente au système capitaliste. Le capital ne produit rien. Seul le travail apporte un surplus dans l’économie. Quand le capital accapare une partie de ce surplus, il y a exploitation. Si le capital augmente, le rendement baisse et le taux d’exploitation augmente. C’est pourquoi les crises hâteront la fin du système…

3) Keynes est le père fondateur de la macro-économie. C’est un héritier du modèle classique qui a remplacé la main invisible par l’équilibre général entre l’offre et la demande. Le plein emploi n’est plus garanti par un marché flexible. Il faut donc intervenir et il y a deux instruments pour lisser les fluctuations du marché : la politique budgétaire et la politique monétaire.

3bis) Avec les nouveaux classiques (1970), il y a un retour à une vision autorégulatrice du marché. Il faut minimiser l’intervention de l’État, mais ces nouveaux classiques échouent parce que les dépenses publiques continuent d’augmenter, parce que les baisses d’impôts creusent les déficits, parce qu’il n’y a pas de régulation du système bancaire (subprimes).

S’il ne le dit pas explicitement, la préférence du conférencier va au troisième courant qu’il situe comme un moyen terme entre deux extrêmes…

En conclusion, cet économiste reconnaît que les économistes sont toujours en retard d’une guerre et que les créanciers seront les victimes de la crise actuelle. L’offre massive de liquidités pour empêcher l’explosion des taux d’intérêts se traduira par une combinaison d’inflation et de renonciation au paiement des dettes (autrement dit par du vol).

À aucun moment le conférencier ne s’est demandé si ce ne sont justement pas les États et leurs interventions qui sont à l’origine des crises. Or qu’il s’agisse des crises de 1929 ou de 2008, on retrouve l’accroissement du périmètre des États et leurs interventions pour corriger les marchés...

La crise de 1929 est due à l’étatisation des économies après la Première Guerre mondiale par la fiscalité, par la réglementation, par les monnaies à cours forcé. La crise d’alors s’est prolongée par des interventions de l’État : contraction de la masse monétaire, protectionnisme, hausse des impôts et des salaires réels etc.

La crise de 2008 est due entre autres aux législations américaines favorisant l’octroi de crédits à des personnes quasiment insolvables, à la politique monétaire de la Fed qui a trop baissé ses taux d’intérêt entre 2001 et 2005 favorisant une bulle immobilière qui a fini par éclater. La crise de 2008 se prolonge dans tous les pays occidentaux parce que les États devenus obèses et surendettés augmentent les impôts sans réduire drastiquement leurs dépenses et continuent d’intervenir dans l’économie, notamment via les politiques monétaires des banques centrales.

Au lieu de comprendre que les régulations de l’économie par l’État sont à l’origine des crises et sont le problème, on persévère dans l’erreur qu’elles sont la solution.

C’est pourquoi, face à l’illusion régulatrice, il convient d’avoir toujours à l’esprit le principe des calamités de Michel de Poncins :

Une calamité d'origine publique conduit toujours à une autre calamité pour soi-disant corriger la première.

C’est pourquoi, aussi, les hommes de l’État sont bien prétentieux quand ils croient pouvoir corriger les effets des marchés qu’ils jugent néfastes : les marchés sont d’une telle complexité que personne ne peut les appréhender dans leur totalité (c’est l’erreur macro-économique) et d’une telle complexité que chacun peut seulement les appréhender tant bien que mal dans sa sphère d’intérêts propres, à coup d’échecs et de réussites.

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