Après avoir passé plus de 1000 jours aux Etats-Unis, nous avons désormais largement dépassé les 1000 jours depuis notre retour en France. Il se dit souvent qu'il est plus difficile de revenir que de partir, aussi je ne contredirai personne à ce sujet.
Si j'ai déjà exprimé quelques unes de mes plus grandes frustrations concernant la vie d'un expat de retour au pays, je ne saurai trop vous recommander la lecture des avis de Laëtitia et de Nath, qui sont des modèles du genre, tout comme cet excellent article du journal Le Monde. Le cadre étant posé, il est désormais temps de vous exposer mon bilan de ces 1000 jours en France.
Le 2 mai dernier, j’étais invité par une amie prof d'anglais à présenter notre expatriation aux Etats-Unis à sa classe de 3ème du collège de Roulans, dans le Doubs. C'était ma troisième intervention de la sorte, la seconde dans ce collège, et il faut avouer que cela me plait toujours autant : Avoir une vingtaine de personnes les yeux et oreilles grands ouverts, curieuses d’en savoir plus et désireuses de poursuivre une aventure similaire à l’étranger, c’est vraiment grisant et cela fait un bien fou (amis enseignants, n'hésitez pas à me contacter au besoin, je viendrai vous voir avec plaisir !)
Lorsque j'ai demandé aux élèves de cette classe si certains d'entre eux avaient l'intention de partir tenter une expérience à l'étranger de façon plus ou moins définitive, la totalité des mains se sont levées. J'étais surpris car je ne m'attendais pas à un tel score. Pas plus tard qu'hier, j'ai appris qu'une bachelière venait de décrocher son bac S avec une moyenne de 20,5 / 20. Au delà de l'exploit, ce qui a retenu mon attention plus que toute autre chose est son choix de scolarité : Elle va partir étudier aux Etats-Unis dès septembre prochain !
Il faut donc croire que le triste et amer constat n'est plus l'apanage de ceux qui ont voyagé au delà de nos frontières : La jeunesse de notre pays a également compris qu'elle n'a plus grand chose à attendre de notre pays. Ce pays à l'éducation élitiste, au système social reconnu comme étant le plus abouti au monde, avec cette belle devise "Liberté - égalité - fraternité", que lui est-il donc arrivé ? Pourquoi tout le monde voudrait-il le quitter ?
Mars 2013 : Adeline a porté le petit Thomas dans son bidon jusqu'à Barcelone ! Nous continuons de voyager et de découvrir un peu plus l'Europe. Il fallait rentrer en France pour le faire !
Le truc, c'est que personne ne vous met en garde lorsqu’on vous « vend » l’expatriation : On vous parle de votre CV, de la richesse de l’expérience, de toutes ces choses absolument vraies qui font de cette aventure quelque chose d’exceptionnel et d’unique. Ce qu’on ne vous dit pas, c’est que revenir au pays après cette expérience, revenir avec tout ce vécu, ce regard nouveau, cette espèce de détachement, c’est un peu comme revenir avec une maladie incurable.
On connait la culture, les gens, les lieux, mais on ne s’y reconnait plus vraiment, on a le sentiment de ne plus faire partie du club. Je me sens souvent comme un extra-terrestre au milieu de conversations, ne sachant pas vraiment quoi dire. On me prend probablement pour un débile, mais peu importe. C'est incroyable de voir à quel point il est plus facile de s'intégrer aux USA que dans notre propre pays. Maintenant, je comprends ce que peut ressentir un immigrant qui arrive en France : Il rame !
Le vrai problème est qu'avec le recul que nous avons acquis, tout devient prévisible, à la limite du cliché. Et ce n'est pas drôle du tout. On sait que 3 mois après son élection, le nouveau président sera au plus bas dans les sondages et que tout le monde le critiquera, quelque soit son parti. On sait que tout le monde demandera du changement avant de le refuser en bloc, grèves et manifestations à l’appui (mariage pour tous, flexibilité du travail…). Notre peuple se complaît tellement dans la protestation et la contradiction que les cadres votent à gauche, les ouvriers à droite, et je prévois même que nous allons réélire Sarkozy en 2017 pour le détester 3 mois plus tard. Comme d’hab, quoi… Quelle tristesse !
Janvier 2013 : Un autre voyage et un autre rêve de réalisé - voir un match de foot à Liverpool au milieu de la passion d'Anfield. Il fallait rentrer en France pour le faire !
En fait, même si certains essaient de comprendre les raisons de l'exil en cours, les meilleures analyses de notre pays sont souvent faites par ceux qui l'observent... de l'extérieur ! Je suis donc tombé sur cet excellent article canadien (en anglais) qui s'étonne que malgré une culture exceptionnelle, des grands vins, 35 heures de travail par semaine et l'une des nations les plus riches au monde, les Français sont bien moins heureux que la moyenne ! Autant que les Ghanéens et moins que les Nigérians, dont le niveau de vie n'a pourtant rien d'enviable par rapport au notre.
Alors si ce n'est pas l'argent, qu'est-ce qui fait défaut à notre pays ? Serait-ce la langue le problème ? A priori non, car les Québécois sont francophones et seraient les plus heureux des Canadiens selon l'étude. L'article pointe un "manque de confiance envers les autres, envers l'économie, envers les gouvernements". L'école publique est également montrée du doigt, avec le fameux 10 / 20 que personne ne nous envie, et qui contribue à tous nous rabaisser dès notre plus jeune âge.
Juin 2013 - Le petit Tom à la maison. Il fallait rentrer en France pour le faire !
Au final, si nous sommes nostalgiques de notre vie Nord-Américaine, et si tout n'est pas rose de ce côté-ci de l'océan, les quelques illustrations de cet article montrent que nous n'avons finalement aucun regret d'être revenus. Et pourtant, nous avons connu notre lot de désillusions, de discriminations et d'échecs durant ces 1000 jours en France. C'est comme ça qu'on apprend, et je peux vous dire que la leçon est apprise et retenue. L'idée était de revenir, agrandir la famille... en famille, profiter de notre temps ici pour visiter l'Europe, et même l'Afrique, puis nous installer définitivement là où nous voulons voir grandir nos enfants. Ce sera au milieu de sourires et sous un ciel bleu. Et avec un palmier dans le jardin si possible. All we want is smiles and a blue sky. Deux conditions très simples que notre pays ne réunit pourtant pas... Heureusement, il suffit d'un billet d'avion, une clé de voiture et l’évasion est de nouveau au rendez-vous !