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La cueillette des cerises

Publié le 25 juin 2013 par Rolandbosquet

cueillette_de_cerises

   J’écrivais il y a quelques jours que les moyens modernes de communication font rage jusqu’au fond des campagnes. C’est incontestablement un progrès considérable. Notamment avec internet et son fameux "buzz". C’est ainsi que nous avons appris avec stupeur l’aventure survenue à Gordon Mac-Gregor, gentleman-farmer dans les Highlands. Allant visiter ses troupeaux dans son magnifique "Cross-over" dernier cri, il aperçut un mouton noir. Intrigué, il s’approcha et découvrit un agneau de l’année gambadant joyeusement avec cinq pattes. De retour à son pub, il alerta ses amis. Après quelques pintes de bière et peut-être aussi quelques whiskys, ceux-ci s’empressèrent de rapporter la chose, photo à l’appui, sur les "réseaux sociaux". Quelques minutes suffirent alors pour que la planète entière fût au courant. Il fallut, par contre, presque une semaine pour connaître la péripétie que la malchance réserva au Grand Louis. Quatre-vingt treize printemps mais toujours bon pied bon œil, le Grand Louis est le dernier habitant de son village de Montmasvieux. Ses poules, ses lapins et son jardin potager sont ses principales occupations avec la sieste de l’après-midi. Constatant que les cerises bigarreaux du cerisier centenaire planté en bordure de son courtil étaient déjà bien roses, il grimpa sur son escabeau pour en cueillir un petit panier à l’intention de son arrière petite-fille Chloé. Il lui ferait parvenir, dès le lendemain, par l’intermédiaire de son facteur habituel qui le confierait à son cousin qui habite à la ville. Las, une maladroite tentative pour attraper une branche bien fournie mais éloignée lui fit perdre l’équilibre et il chuta lourdement sur le sol. Il s’assit et grommela à son encontre quelques vertes invectives que l’on ne peut hélas reproduire ici. Puis il s’ébroua et tenta de se relever. Une violente douleur à la cheville l’en empêcha. Qu’a cela ne tienne, bougonna-t-il dans son plastron, je ne vais tout de même pas moisir ici ! Il se traîna jusqu’à sa cuisine et s’assit. Ça va bien passer, grogna-t-il en massant délicatement le pied endolori ! Bien entendu la souffrance ne "passa" pas. Mais le hasard fit que, ce jour là, un vendredi, son facteur fut remplacé par un vacataire qui, n’ayant rien à déposer dans l’unique boite aux lettres du village, l’ignora superbement. Notre ami Louis dût attendre le lundi suivant, soit quatre jours entiers, pour être secouru par son aide-ménagère. Vous auriez dû téléphoner, lui reprocha-on au Service des Urgences de l’hôpital ! Téléphoner ? Vous n’y pensez pas ! Je n’ai pas le téléphone ! Sa cheville foulée se remet aujourd’hui aussi bien que possible. La période des transhumances d’été approche. Combien de Louis se retrouveront-ils ainsi isolés ? Ces migrations se pratiquent d’abord en direction des campagnes. Les secours seront peut-être plus rapides grâce à quelque randonneur soucieux de rencontrer les autochtones vivant en bordure des chemins. Mais si cela demeure encore bien hasardeux, qu’en sera-t-il des Louis habitant dans la grande ville ? Ils ne croiseront probablement que bien peu de visiteurs. Alors, s’il vous plaît, ne les oubliez pas comme on oublie encore trop souvent un chien sur une aire d’autoroute.

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