Partir à Cuba, c’est partir plein de rêves, le goût de l’évasion
insulaire et révolutionnaire dans la bouche, des couleurs sous les
paupières, surtout le bleu de la mer et du ciel tropical, avoir la
sensation du soleil sur la peau et le sentiment d’entrer dans un rythme
plus lent
Autant d’ingrédients qui nous font défaut dans nos capitales
européennes activistes qui ne parviennent même plus à voir venir le
printemps !
Alors que sous le soleil de Cuba, vous pouvez tendre l’oreille à
d’autres sons, préparer votre palais à la langouste et au rhum, humer
les odeurs de cigares en voyant défiler le long du Malecon de vieilles
américaines des 50’s tout en caressant le tissu léger de votre
guayabera…
Pourtant, au delà de ces vapeurs cubaines que reste-t-il de ces images entretenues comme d’incontournables symboles ?
La Havane, la plus grande ville des Antilles,
lovée
dans son immense rade, à l’abri de l’océan Atlantique est peuplée de
plus de 2 millions d’habitants, sans compter l’agglomération. Baptisée
San Cristobal de La Havana lors de sa découverte, elle fut fondée en
1514, à 30 km de l’autre côté, sur la mer des Caraïbes. Reflet d’un
riche passé colonial, La Havane révèle son histoire nationale au fil des
accumulations architecturales mais se résume pour beaucoup autour des
4km2 du quartier de la “Vieja Habana”, appellé plus communément La
Havane qui semble être sa quintessence.
Lieu éminament
touristique, ce centre névralgique truffé entre autres de grands hôtels,
de restaurants et de bars est aussi l’oeuvre patiente d’un homme chef
d’orchestre qui s’est imposé comme l’historien officiel de La Havane,
Eusebio Leal. Chargé de la rénovation des vieilles demeures coloniales
espagnoles, des monuments, etc, il tente de restaurer -avec la
bénédiction de Fidel, les bénéfices touristiques et le soutien de
l’Unesco (reconnue Patrimoine mondial de l’Humanité depuis 1982, comme
beaucoup d’autres sites à Cuba)- ce quartier sans lui hôter son âme.
Difficile défi ! Ainsi, pour ne pas que la vieille Havane devienne juste
un musée à ciel ouvert, il tente d’y maintenir une vie de quartier avec
des commerçants, des habitants et même une Université.
Se promenant Plaza de Armas, Calle Obispo
(rue
très vivante et commerçante), Plaza de la Catedral ou encore sur la
récemment rénovée Plaza Vieja, on finit inévitablement par apercevoir la
fondation Alejo Carpentier (l’immense romancier Cubain connu pour sa
vision du réel merveilleux) la fameuse Bodeguita del Medio
d’Hemingway et le Musée du Rhum ! Au détour des rues, vous découvrirez
des Cubains qui se sont lancés dans la micro-entreprise. Eh, oui ! Même à
Cuba, cela existe et ce n’est pas interdit ! Encouragé même… Notamment
depuis la publication de la liste des 178 métiers autorisés… Depuis que
l’état doit réduire le nombre de ses fonctionnaires -en 2010, les
autorités parlent d’un excédent d’un million d’employés soit un
travailleur sur cinq et le 13 septembre 2010 le syndicat annonce un
licenciement de 500 000 employés sur 6 mois. Ainsi se multiplient les
promeneurs de chiens, les modèles à photo en tous genres pour touristes
ou les vendeurs de Granma, le journal officiel du PCC (Parti communiste cubain)… Autre surprise autour du Havana Club,
omniprésent sur l’ïle. Un musée, pourquoi ? Sans doute pour oublier le
Bacardi qui fut la marque de l’une des plus riches familles cubaines,
forcée à l’exil après la Révolution et qui désormais livre une guerre
commerciale, juridique et politique insatiable à son rival. Quant à la Bodeguita,
l’exiguité du lieu malgré sa réputation, a tendance a être un peu
délaissée au profit d’autres lieux emblématiques des 20’s, plus vastes
et au service impeccable tel le Sloppy Joe’s (Calle Animas).
D’autres surprises vous attendent aussi sur l’île où les B&B à la
mode cubaine fleurissent, où les restaurants en “casa particular” se
multiplient légalement, où il est possible de louer des voitures t des 2
roues et où la flotte de bus touristiques est importante. Quant aux
vieilles Buic, Cadillac ou Pontiac, plus ou moins rutilantes, elles
restent les seules voitures (avant 1961) qui peuvent se vendre. Voilà
pourquoi les Cubains déploient des trésors de science empirique pour
réparer la mécanique des “Almendrones” (grosses noix brésiliennes).
D’autant que les transports publics ne sont toujours pas très
développés.
Quant aux célèbres cigares cubains,
que
ce soit les Cohiba, Montecristo, Romeo y Julieta, les Bolivar… On ne
peut occulter que derrière ce commerce se trouve l’une des principales
culture de l’île, le tabac. L’autre étant le sucre. Et pour reprendre
les termes de l’anthropologue Fernando Ortiz : “Sire Tabac et Dame
Sucre”, l’on s’aperçoit d’un machisme criant dans le sens où les valeurs
associées sont antagonistes –liberté/esclavage, mains/bras,
finesse/rugosité…- et où l’on se rend à l’évidence que si le tabac a
joué un rôle social préponderant c’est le sucre qui a assuré le
développement économique. Aujourd’hui, la production est en chute libre
après avoir été le premier exportateur mondial en 1989. Cuba doit même
en importer de Colombie pour sa consommation personnelle et en fonction
de ses engagements internationaux. L’enjeu dorénavant étant de relancer
l’agriculture vivrière.
Continuant à explorer nos idées reçues, le sport national de Cuba
n’est pas comme on pourrait le croire le foot, comme dans la majorité
des pays latins mais le “beisbol” hérité bien sûr des voisins d’en face
et qui permit à l’époque de se démarquer des colons espagnols et de
leurs traditions (corridas, etc). La première partie officielle remonte
au 27 décembre 1874 et se déroula à Matanzas, dans le stade “Palmar de
Junco”.
Par ailleurs, plus de trace du pouvoir “vert olive” des compagnons de Fidel et du Che dits les “Barbudos”,
ni
des discours fleuve du Comandante sur la Place de la Révolution qui
rend hommage au héro national, José Marti. Raul, son frère a pris le
relai dès le 24 février 2008 et adopte un tout autre style, plus
collegial tout en étant dans la continuité. Néanmoins, depuis 1997 c’est
à Santa Clara, que l’on trouve l’imposant Memorial du Che,
musée-mausolé, avec ses restes et ceux de plus d’une trentaine de ses
“companeros”.
Enfin, terminons ce tour d’horizon non exhaustif, en soulignant que
le dollar n’est plus la monnaie forte de l’île, notre euro est largement
préféré ! Et depuis 2004, le CUC (Currency Convertible) a été mis en
circulation mais ne reste convertible que sur l’île, d’où son surnom de
“chavito” (monnaie des jeux d’enfants).
Quant à l’avenir économique de l’île, puisque Chavez, l’essentiel
“banquier” a disparu, le salut pourrait venir –outre ce qui est mis en
place à l’intérieur du territoire, du commerce avec le géant Chinois
(autobus, équipements électro-ménagers et prêts à long terme pour Cuba),
“d’en face” ou d’une hypothétique exploitation pétrolière opportune…
Sinon, le tourisme reste une priorité pour Cuba, comme l’a encore
démontré la dernière manifestation de FITCuba* et s’inscrit depuis le
début des années 90’s dans un développement constant. Avec le
deploiement hôtelier le long des 20 km de plages de sable fin et d’eaux
translucides de Varadero (on est loin des hôtels pour les travailleurs
méritants d’avant) et des hôtels “all inclusive” mais aussi avec
l’impulsion d’Eusebio Leal (dans la Vieja Habana) et également à travers
une offre qui se diversifie tant au niveau des chaines hôtelières
présentes sur l’île (Sol Melia Cuba, Cubanacan, Iberostar, Memories,
Accor…), qu’à l’initiative de ses habitants.
Des structures méconnues surprennent comme le Varadero Golf Hôtel
Mansion Xanadu, ancien manoir du multimillionaire Dupont de Nemours ou
le tout récent Marina Gaviota Varadero qui ouvre en partie cette année
(Hôtel 5*, 407 chambres, 16 suites, 1300 anneaux et une partie
résidentielle réservée à la vente locative dont une section VIP).
Apparemment, c’est un marché destiné aussi aux Américains. Sachant qu’en
2012, concernant le tourisme américain ou cubano-américain, les
chiffres publiés dans la presse internationale évoquaient 300 000
personnes.
Par ailleurs, les groupes hôteliers diversifient leur gamme, du 5* aux hébergements de types bungalows.
Et les liaisons aériennes se multiplient, par exemple, en juillet
prochain va être inaugurée une ligne directe Sao Paolo-La Havane (cette
année le Brésil était le pays invite à la feria internationale du
tourisme).
Quant à la France, elle reste privilégiée, la preuve en est qu’elle
sera en 2014, le pays invité à FITCuba ! Qu’on se le dise ! Et La Havane
se fait belle pour accueillir l’événement qui y prendra ses quartiers
!!
Et maintenant, place à un itinéraire possible à la rencontre de
l’authenticité cubaine qui repose tant sur ses richesses naturelles que
sur son patrimoine historique, culturel et artistique…
La région de Pinar del Rio révèle le fief des Vegueros (planteurs de
tabac) où les Vegas en palmes (lieu de séchage des feuilles de tabac)
évoquent la culture phare, tandis que les agrumes ont été en partie
décimés par les derniers ouragans.
Si fumer est un héritage des Amérindiens et s’associe alors à des
pratiques méditatives ou chamaniques, le mot viendrait du maya “zikar”
et la plante aurait été nommée cohiba par les indigènes Taïnos (seul un
héritage linguistique persiste depuis l’anéantissement des communautés
indiennes). Et le cigare serait une invention espagnole ! Pour le
bonheur des fumeurs de Habano (cigares cubains) composés artisanalement
de la tripe, de la sous-cape et de la cape.
Et afin de s’extirper des volutes de fumée, quoi de mieux que de
plonger à Playa Maria La Gorda ? Maria pour la légende était une jeune
Vénézuelienne aux formes généreuses dont les marins firent la
reputation.
Quant au Lac d’Hanabanilla (40 m de profondeur, 15 km2, à 364 m au
dessus du niveau de la mer), du nom de la jeune princesse indienne,
fille du Cacique Arimao, il offre un écrin ideal pour les amoureux de la
nature. Balades sur le lac, randonnées ou déplacements en lanchas
(barques à moteur), vous pourrez parcourir le Rio negro ou le Jibacoa.
Mais le plus vaste domaine et le plus riche pour sa faune et sa flore
reste sûrement le parc “Topes de Collantes” dans la Sierra de
l’Escambray (200 km2 dans la province de Sancti Spiritus, près de
Trinidad) où vous pouvez faire des excursions en camions (anciens
camions de l’armée réhabilités) pour découvrir la “Casa del Café”, les
“Jardin del los Gigantes” ou Kurhotel où des séjours curatifs sont
proposés.
Autre merveille naturelle, la Vallée de Vinales avec son Mirador de
los Jasmines, la “Cordillera de Guaniguanico”, ses Bougainvilliers, ses
Flamboyants et Mogotes (pignons rocheux, en réalité d’anciennes collines
calcaires découpées par l’érosion) comme celle des Deux Soeurs et sa
Fresque de la Préhistoire (120x80 m), l’oeuvre de Leovigildo Gonzales
(constamment restaurée depuis 1961), disciple du célèbre muraliste
Mexicain Diego Riveira.
A quelques kilomètres de Vinales la grottes “Cueva del Indio”
(redécouverte en 1920), refuge des Indiens arawaks au XVIè s. chassés
par les Espagnols depuis les plaines de Camaguey. Lesquelles se visitent
avantageusement en barque sur la rivière souterraine…
Ensuite, cap sur la charmante Trinidad, la 3è plus vieille ville de
l’île, aux superbes façades colorées … Et sa Cachanchara où l’on sert
encore un breuvage à base de miel et d’eau-de-vie qui pour la légende
servit aux rebelles séparatistes de l’Armée de Libération cubaine pour
calmer la soif et la faim ou sa Plazuela del Jigüe, l’une des plus
jolies places avec un très bon restaurant, la Plaza Mayor et enfin une
Casa de la Musica digne de ce nom avec de la Salsa et d’authentiques
musiciens.
La Valle de los Ingenios, elle, truffées de ruines de moulins à
broyer la canne (ingenios) est traversée du ”Tren de Trinidad” qui
s’achemine jusqu’à Manaca Iznaga (16 kms), une plantation sucrière du
XVIIIè s. Avec sa tour de guet de 44m qui servait de mirador à esclaves
du temps du propriétaire de l’hacienda convertie aujourd’hui en bar
restaurant.
Et pour boucler ce tour, pourquoi ne pas découvrir Cienfuegos, la
“Perle du Sud” à 75 kms de là, l’un des plus grand port sucrier du
monde.
Libre à vous de continuer le voyage vers l’Est, vers Santiago de Cuba
ou de choisir l’un des 5 archipels des 4195 cayos, dont l’Ile de la
Jeunesse ou l’île des Pins qui reste dans les mémoires comme projet
éducatif pilote de la révolution (travail des champs et travail
intellectuel).
Autant dire que tout est possible ou presque à Cuba, à vous de definir votre itinéraire pourvu qu’elle soit singulière…
Une authenticité à préserver : Outre l’humour, la théâtralisation à
la cubaine, l’auto-dérision, la musique, la danse, la poésie &
l’écriture, la peinture, le cinéma cubain sont des joyaux à ne pas
galvauder afin de conserver le diamant brut à l’abri de toute
déambulation touristique & mutation politique !
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