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L’année du voyage dans le temps?

Publié le 24 avril 2008 par Raymond Viger
Agence Science-Presse

2008: l’année où des visiteurs du futur débarqueront. Voilà, à n’en pas douter, une histoire de «premier contact» inédite. De toutes les théories, farfelues ou apocalyptiques, à avoir tourné autour des superaccélérateurs de particules, celle-ci est sans doute la plus originale.

Le Large Hadron Collider (LHC), qui doit normalement commencer cette année, près de Genève, en Suisse, à faire se percuter des protons à une vitesse proche de celle de la lumière, pourrait accidentellement ouvrir une porte vers un tunnel dans l’espace-temps, ont calculé deux mathématiciens russes. Faisant de l’année 2008 le «point d’arrivée» d’une machine venue d’un lointain futur.

On s’en doute, ce n’est pas le but premier du LHC. Cet anneau de 27 kilomètres de diamètre, construit à grands frais sous la terre, près de la frontière franco-suisse, est un «appareil» conçu pour «voir» plus loin que jamais auparavant dans l’infiniment petit; l’espoir de ses concepteurs est qu’il contribue à résoudre quelques-unes de ces énigmes qui passionnent les physiciens théoriques, comme l’existence du boson de Higgs.

L’apocalypse, version mathématique
Sur le LHC et les autres projets de ce calibre qui furent sur les tables à dessin depuis 10 ans, tout a été dit, ou presque. Il y a quelques années, un physicien a calculé que ces collisions entre protons, en raison de l’extraordinaire énergie concentrée dans un espace aussi petit, créeraient un mini-trou noir. Qui, dès lors, engloutirait notre planète, en commençant par la Suisse. Ne voulant pas être en reste, un autre a calculé que cela créerait plutôt une particule jusqu’ici inconnue, appelée strangelet en anglais, qui dévorerait l’Univers. Rien de moins.

Mais l’idée du voyage dans le temps est suffisamment exotique pour s’être mérité la Une du New Scientist il y a quelques semaines — et fournir le prétexte à une petite leçon de physique des particules.

Il faut d’abord savoir que la physique n’a jamais rejeté la possibilité du voyage dans le temps. C’est juste qu’il faudrait, pour réussir l’exploit, disposer d’une masse d’énergie suffisante pour «plier» la structure même de l’Univers. La plier au point d’en faire une boucle qui revient vers l’arrière — vers le passé. Ne cherchez pas chez le quincailler du coin, même la masse de plusieurs soleils réunis ne suffirait pas.

Ces théories circulent depuis Einstein, mais les choses sont devenues plus intéressantes pour les amateurs de science-fiction quand le physicien californien Kip Thorne a démontré, en 1988, qu’il ne serait pas nécessaire de construire une machine pour courber ainsi l’espace; il suffirait de profiter d’un trou de ver, c’est-à-dire un «tunnel», peut-être naturel, à travers l’espace-temps.

Et pour ouvrir une porte qui deviendrait la sortie de ce tunnel, un «simple» Large Hadron Collider de notre primitive année 2008 suffirait, selon les mathématiciens russes Irina Aref’eva et Igor Volovich, de l’Institut Steklov de mathématiques, à Moscou. Sous certaines conditions, affirment-ils, les énormes ondes gravitationnelles générées par deux protons entrant en collision pourraient ouvrir une porte — une déchirure — dans la fabrique de l’espace-temps. Une civilisation du futur n’aurait ensuite qu’à manipuler un trou de ver pour l’amener jusqu’à cette «porte».

Le problème avec leur calcul, c’est sa marge d’erreur. Elle est impossible à évaluer, car savoir quelle énergie précise il faut pour ouvrir cette «porte» est au-delà de nos connaissances, lit-on dans le New Scientist: si notre couple de mathématiciens affirme que c’est à la portée du LHC, d’autres affirment que le LHC n’est qu’un nain. Ce qui génère, du coup, plusieurs autres possibilités, mais beaucoup moins alléchantes. Par exemple, le LHC pourrait bel et bien ouvrir la porte à un trou de ver, mais microscopique, au point où seules des particules plus petites qu’un atome pourraient s’y faufiler.

Leurs calculs ont été déposés sur ArXiv, la base de données publique de pré-recherches en sciences physiques. Bien qu’ils aient attiré la curiosité de plusieurs physiciens, ces calculs n’ont pas fait l’objet d’une véritable révision par les pairs. Et l’on peut comprendre pourquoi. Comme l’avait écrit Stephen Hawking en 1992, les lois de la physique «conspirent» contre le voyage dans le temps. Comment revenir dans le passé pour tuer notre grand-père si nous sommes déjà nés? Mais qui sait? Peut-être, suggère le journaliste Michael Brooks, serait-il temps d’augmenter le personnel du Bureau d’information touristique de Genève. Juste au cas…

Encadrés

Qu’est-ce que le LHC?
C’est un accélérateur de particules, c’est-à-dire un tunnel (ici, circulaire) de plusieurs kilomètres de diamètre (ici, 27) où des particules plus petites qu’un atome sont précipitées, à une vitesse proche de celle de la lumière. Il en résulte de temps en temps des collisions entre ces particules qui, compte tenu de la vitesse phénoménale, dégagent une énergie tout aussi phénoménale, laquelle ouvre une fenêtre sur des portions inconnues de l’infiniment petit.

Qu’est-ce que le boson de Higgs?
C’est un de ces mystères de l’infiniment petit. Une parmi les dizaines de particules plus petites que l’atome dont on ne fait que soupçonner l’existence; il serait «la» particule qui donne sa masse aux autres — donc, il est le facteur-clef pour déterminer la masse du cosmos. Détecter sa présence, c’est combler plusieurs trous dans les hypothèses émises par les physiciens sur la structure même du cosmos, du Big Bang jusqu’à aujourd’hui, et au-delà.

 

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