Soldes, le mot résonne dans toutes les bouches depuis quelques jours mais plus encore c'est le mot soleil qui revient avec le premier. Comme une liberté enfin retrouvée après des jours et des jours d'attente, de lutte contre la pluie, de lassitude à sortir les bottes, les manteaux et même encore des pulls en juin. J'étais usée de cette non-saison, alors oui, j'ai couru faire les soldes comme un exutoire, pour expulser d'autres poids sur mes épaules, sur ma vie actuelle.
Acheteuse compulsive, peut-être mais pour une fois j'en avais besoin pour oublier et puis aussi, heureux hasard mon budget me le permettait. Follement j'ai fait les boutiques chaque midi entre deux séances de boulot pour dénicher des sacs, des chaussures, ma folie douce, ma drogue. Des talons, des escarpins ouverts, des brides, des couleurs , de toutes les couleurs pour fêter l'été et ma féminité.
Hier j'en ai parlé avec ma mamie, à l'ombre d'un arbre rempli de chèvrefeuille, avec les arômes des dernières pivoines, nous avions le nez qui frétillait. Elle écoutait sagement mes exploits pour trouver des talons fins, des bleus, une lubie actuelle avec ma petite robe noire, ou avec cette tunique assez courte qui est rallongée d'un voile de la même teinte. J'aodre cet ensemble, je suis même retournée pour l'acheter en rose. J'en ris de cette gourmandise, de ce bonheur.
Des chaussures encore avec des ballerines en rose tyrien, en violet, mais ultra-brillant, achetées par hasard en flânant vers St Sulpice, en allant chez des amies. La boutique fermait, je suis passé sous la grille, avec un sourire énorme, un vendeur conquis, et je suis repartie avec trois boîtes sous le bras. Des bleues turquoises en plus. Irrésistible.
Finalement, mes amies faisant la même pointure, on a essayé les chaussures, on a échangé les adresses, on a passé notre soirée à parler robe, jupe, top, été, douceur, chaleur, drague, mais surtout mode.
Mamie m'a écouté, apparemment, loin de tout cela, comme chaque jeudi quand je viens la voir. Elle semblait ailleurs, elle l'est, partie dans son monde. Depuis plus d'un an, on s'asseoit sous cet arbre, notre protocole, elle a les yeux dans les arbustes, je lui parle, mais cela semble s'envoler avec le vent, comme un parfum senti puis évaporé. Elle a perdu la tête, moi je lui donne encore ce goût de ma mode, celui qu'elle m'a transmis. Mais elle ne sait plus qui je suis, qui elle est.
Je me lève, je vais pleurer comme chaque jeudi, comme à chaque fois.
Qu'il est dur de ne plus pouvoir partager de lien, d'amitié ou d'amour avec une personne, une grand-mère. Je me lève, l'infirmière me remercie, je fais de même.
Je prends mon sac, je lisse ma robe, en cherchant la sortie, le flou de mes yeux, comme chaque jeudi en partant.
Nylonement