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Histoire des sohei 2 : la puissance de l'Enryakuji

Publié le 02 juillet 2013 par Ivan

mount-hiei En 1185, le paysage politique du Japon avait complètement changé (lire Histoire des Sohei 1) avec la victoire temporaire de Taira Kiyomori. La destruction des temples de Nara, avait permis à ceux de l’Enryakuji de Kyoto de rester les seuls maîtres du Bouddhisme a posséder une force armée, les Sohei. Mais la première leçon que tout moine bouddhiste apprend est que rien ne dure et que tout change : telle est la loi de l’impermanence. Ainsi, tout ce qui est Yang deviendra Yin et tout ce qui est au sommet est appelé à retomber. Voici la suite et la fin de l’histoire de terribles moines guerriers du Japon, les sohei.

On pourrait croire que l’incendie et la destruction des temples de Nara marquent la fin de l’ordre des sohei, en tant que force combattante. En effet, l’influence et le prestige militaire de l’Enryakuji étaient trop grands pour pouvoir se confronter à lui, et il n’y eut plus d’armées de moines guerriers dans les affrontements de l’époque, sauf quelques petits groupes qui n’eurent pas d’impact décisif sur le sort des batailles. Là aussi, on peut être étonné que l’Enryakuji fût épargné par les vainqueurs de la guerre du Gempei, à savoir les Minamoto, alors que le temple avait clairement soutenu les Taira. La raison se trouve dans un geste de bonté et, sans doute aussi, de calcul politique. En 1183, alors que les Taira semblait victorieux, Kiso Yoshinaka qui était l’un des grands chefs du clan Minamoto, fut blessé. Ce furent les moines de l’Enryakuji qui le soignèrent et le protégèrent au sein de leurs monastères. En souvenir, les Minamoto ne détruisirent pas le mont Hiei et ses innombrables temples.

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Yoshinaka Minamoto

Les Minamoto s’installèrent dans une nouvelle capitale, Kamakura, afin de ne pas être associés à l’ancienne capitale (Nara) et à la nouvelle (Kyoto). Ils se donnèrent le titre de shogun (dictateur militaire), supplantèrent le pouvoir impérial, mais ne restèrent pas insensibles à leur salut. C’est pourquoi ils furent également les fervents mécènes de la reconstruction des temples de Nara. Avec la reconstruction des temples, comme toujours la confiance et l’arrogance revinrent sur le devant de la scène. Des disputes sur des titres et

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des postes prestigieux éclatèrent en 1239, 1264 et 1291 entre l’Enryakuji et Miidera. De plus, des intérêts économiques grandissants devinrent des enjeux de taille. Par exemple, dans les années 1280, l’Enryakuji contrôlait 80% des brasseurs de saké et des prêteurs sur gage, en échange de leur protection. Les moines faisaient également office de force persuasive pour ceux qui rechignaient à rembourser leurs emprunts. Cette source de revenus était, on s’en doute, considérable. En 1308, plus riche et puissant que jamais, l’Enryakuji reprit ses mauvaises habitudes et essaya d’effrayer le pouvoir à Kamakura, à propos d’une histoire de titre prestigieux qui devait leur revenir. Pour cela, l’Enryakuji ferma tous ses temples sur le mont Hiei, et mit le feu au temple de Hiyoshi. 4 ans plus tard, ils firent une marche de protestation contre le pouvoir impérial dans les rues de Kyoto. Mais les véritables maîtres du Japon n’étaient pas du genre à se laisser intimider par des moines et le plus souvent considéraient le mont Hiei comme n’étant plus qu’un refuge pour criminels et vagabonds. Pour le shogun et la caste des samouraïs, les sohei ne devaient pas devenir une source de préoccupation et ils les laissèrent protester et s’agiter sans y prêter une attention accrue.

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Durant le 14ème siècle, les guerres du Nanbokucho firent de nouveau trembler l’archipel Nippon. Pendant cette période, l’empereur Go-Daigo échappa à la surveillance de ses geôliers et mena une guerre afin de reprendre le pouvoir au profit de la famille impériale. Son fils et les sohei furent ses premiers alliés, avec le clan des Kusunoki. Le récit des opérations et des batailles montre que les sohei étaient à nouveau aussi forts et déterminés que leurs ancêtres. Ce fut une surprise pour le shogun Minamoto de l’époque. Le résultat de ces guerres fut l’intronisation de la famille Ashikaga au titre de shogun. Sa première mesure fut de retourner à Kyoto pour surveiller les temples. Mais afin d’avoir un contre-pouvoir au mont Hiei, les samouraïs favorisèrent la secte zen par rapport aux courants plus traditionnels.

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Temple Zen de Tenryuji, à Kyoto

Pour indiquer clairement leur favori, ils convertirent l’un des palais impériaux à l’ouest de Kyoto en monastère Zen : le Tenryuji. Celui-ci fut achevé en 1344. Dès l’année suivante, les moines de l’Enryakuji, avec le support de ses anciens ennemis (Taodaiji, Kofukuji) fit une démonstration de force dans les rues de la capitale. Mais les menaces du shogun furent suffisantes à ramener tout le monde dans ses temples. Mais ce ne fut pas toujours le cas. En 1367, le temple Zen de Nanzenji avait érigé une douane dans la province d’Omi, afin d’obtenir des taxes pour reconstruire la porte principale de leur temple. Ce type de taxe routière était courant et l’Enryakuji possédait sept portes qui faisaient office de douanes au pied du mont Hiei, près de Sakamoto. Un novice du mont Hiei, refusant de paye la taxe imposée par les moines zen, fut tué sur place. Il n’en fallut pas plus pour que les sohei sortent et aillent se battre.

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Cette fois le shogun fit intervenir ses troupes et choisit de punir Miidera. À sa grande surprise, les sohei de l’Enryakuji et du Kofukuji les attendaient également, soutenant ceux du Miidera. Cette fois, ce furent les troupes shogunales qui firent demi-tour. L’année suivante, en 1368, l’abbé du Nanzenji qui n’avait pas digéré l’affront et l’échec du shogun écrivit un texte appelant les moines de la secte Tendai de « singe et crapauds ». Les sohei sortirent à nouveau dans les rues de Kyoto, portant leur Mikoshi sacré, chose qui n’avait plus était faite depuis des siècles. Cette fois les samouraïs se battirent et le résultat fut sanglant. Mais les sohei de la secte Tendai du mont Hiei eurent gain de cause et obtinrent la destruction de la toute nouvelle porte du temple Nanzenji, tandis que les dégâts occasionnés dans leurs temples devaient être remboursés par le shogun lui-même. Cette victoire fut si importante que pendant un siècle entier, les sohei continuèrent à influencer la vie sociale, politique et religieuse sur la capitale. Mais la capitale n’est pas le pays et cet oubli allait coûter cher à l’ordre établi des moines et de leurs guerriers.


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