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Delphine Batho et la fausse crise de régime

Publié le 03 juillet 2013 par Juan
Delphine Batho et la fausse crise de régime
Est-ce un signe de tension ? Assurément. Une preuve d'autorité ? Evidemment. Une erreur ? Peut-être.
"Sur proposition du Premier ministre, le président de la République a mis fin aux fonctions de Mme Delphine Batho et a nommé M. Philippe Martin, ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie. "
La ministre de l'Ecologie réagit au micro de Jean-Michel Aphatie, sur RTL, mardi 2 juillet. Elle ne cache pas sa déception après les annonces de la veille. Ses propos sont sans équivoque. On pourrait croire qu'elle veut partir et laisser la trace d'une résistance.
"Ce budget est mauvais (...) Dans le moment actuel, quand tout va mal, les Français ont besoin d'espoir, de perspectives d'avenir et, donc, c'est un chantier très important dans ce quinquennat [...] Il y a un affichage qui n'est pas bon. (...) L'écologie est-elle bien une priorité ?"
Elle est convoquée par Jean-Marc Ayrault quelques heures après. Les services de Matignon préviennent d'un tweet. Vers 19 heures, l'annonce tombe. François Hollande met fin aux fonctions de sa ministre. Boum, bim, paf... Licenciement sommaire et expéditif.
1. Hollande avait prévenu: "Aucun ministre ne peut remettre en cause la politique qui est conduite." Après le clash Montebourg/Ayrault et quelques autres couacs, le président avait été clair, le 18 mars dernier. Or Batho n'a pas seulement critiqué un projet de réductions budgétaires. Elle a surtout franchi une ligne jaune, des deux pieds de surcroît, en déclarant: "L'écologie est-elle bien une priorité ?"
2. On ne connaît pas les détails des coupes que le périmètre ministériel de l'écologie subira. Mais on est das le symbole. En politique, le symbole, ça compte et ça peut mobiliser. Pourtant, sur le fond, les coupes si graves et sévères annoncées la veille étaient finalement mineures. D'après les premières informations, publiées par le Monde, elles porteraient sur les 44 opérateurs affiliés au ministère (Météo France, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'Office des forêt, les 6 agences de l'eau, etc.). Au final, on évoque... 500 millions d'euros d'économies, c'est-à-dire... une goutte d'eau dans l'océan de 14 milliards d'euros d'économies projetées pour l'an prochain. Pire, Delphine Batho elle-même, lundi 1er juillet avant son départ, modérait l'ampleur des économies: 75 % de ces économies (soit 400 millions d'euros) correspondent à la baisse de la subvention accordée à l'Agence de financement des infrastructures de transport, qui sera "compensé par les recettes de l'écotaxe poids lourds qui entre en vigueur en octobre."
3. Là n'est pas le problème. N'y-a-t-il pas davantage d'enjeux écologiques dans une loi sur le Logement ? C'est le raisonnement qu'ont dû tenir les responsables d'EELV, mardi soir après une réunion de crise. La co-présidente des députés écolos Barbara Pompili confirme: "La question de la sortie du gouvernement a été évacuée assez vite".
4. On comprend donc que Hollande a pris un risque politique, celui d'une crise majeure avec des écologistes qui n'en demandaient pas tant, mais un risque mesuré. Batho n'est pas un poids lourd socialiste, un baron à préserver, une alliance à ménager. Elle était juste une "pièce rapportée" de l'épopée ségoléniste pendant la campagne présidentielle ralliée dès la fin de la primaire. Mais dans la presse, les médias, les blogueurs et le reste, il fallait surjouer le drame et la catastrophe. Nous avions droit à tout, jusqu'à la crise de régime, le remaniement généralisé et précipité. Fichtre... on pouvait sourire.Nicolas Prissette, pour le JDD, nous dévoile les coulisses du drame. Bruno Dive "éditorialise" pour SudOuest sur "Batho prend l'eau". Quelle formule...
[Exclu L'Express] "Duflot donne rendez-vous d'urgence aux cadres écolos de son parti après l'éviction de #Batho"
— Hélène Bekmezian (@Bekouz) July 2, 2013

5. L'Ecologie est un ministère sensible. Nicole Bricq n'a tenu que quelques semaines, "remaniée" après sa trop forte résistance à l'exploration de forages au large de la Guyane. Un an et quelques semaines plus tard, voici Delphine Batho remplacée à son tour. L'ancienne Sarkofrance n'est pas en reste - pas moins de cinq ministres ou secrétaires d'Etat se sont succédés en 5 ans de gouvernement Fillon. Le remplaçant, Philippe Martin, est plus légitime que Delphine Batho quand elle a pris ce ministère. Il jouit d'une bonne image. Ex-secrétaire national socialiste à l'Environnement, il est aussi un routier de la politique. C'est même un précurseur de l'écologie au PS, paraît-il. On est rassuré.
6. Delphine Batho a du cran. La veille, on expliquait jusqu'aux rangs d'EELV qu'elle était insignifiante. Il faut relire les propos d'un de ses anciens proches, Malek Boutih, avant son licenciement: "C'est une main de fer, elle n'aime pas les compromis, c'est contraire à ses principes."


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