Ardalen

Chamboulée dans sa vie personnelle et professionnelle, Sabela se rend dans un village des montagnes de Galice, sur les traces de son grand-père. Mais sur place, sa rencontre avec un vieil homme solitaire, Fidel, va bouleverser ses projets…

Scénario et dessin de Miguelanxo Prado, Public conseillé : Adultes, adolescents

Style : roman graphique, quête intime, Paru chez Casterman, le 22 mai 2013

Ardalén : Vent marin en provenance du sud-ouest soufflant de la mer vers les terres. D’après la légende, l’Ardalèn nait sur les côtes américaines, traverse l’Océan Atlantique et finit dans le sud-ouest de l’Europe.

L’histoire

Sabela Rego Lamas se rend dans le petit village montagnard de ses aïeux. Déboussolée par son chômage et son divorce, Sabela prend son temps pour retrouver ses racines. Elle cherche des informations sur Francisco, le grand-père immigré à Cuba, qui a abandonné femme et enfants.
Malgré l’authenticité de sa démarche, sa venue dans ce petit village de Galice si pauvre n’est pas appréciée de tous.
Les vieux du village l’adressent à Fidel, un vieux fou émigré dans Les Caraïbes durant sa jeunesse, qui aurait pu rencontrer Francisco sur un bateau marchand…
S’accrochant à ce vieil homme, Sabela revient jour après jour, dans l’espoir que Fidel réussisse à retrouver quelques souvenirs dans sa mémoire en forme de puzzle…

Quelle claque !

Ca faisait longtemps que je n’avais pas été aussi “retourné” par une BD !

Casterman continue son exploration de l’oeuvre de Miguelanxo Prado (l’auteur de “Trait de Craie”) en adaptant Ardalen, un magnifique roman graphique personnel et poétique, chef d’oeuvre de cet artiste hors-norme.
Après cinq années d’absence, Prado (scénariste et dessinateur) nous invite à suivre les pas de son “héroine” (Sabela), une jeune femme en quête de ses racines dans une histoire vraie, multiple et triste, comme la vie…
Au centre de ce roman graphique, Prado évoque un sujet sensible pour les espagnols partis chercher fortune ailleurs : l’absence. Mais plus qu’une tranche de société, c’est le voyage initiatique en terre inconnue et mouvante (la mémoire des hommes) qu’il nous propose.
A travers l’amitié de Fidel, le vieux marin immigré revenus dans sa montagne, un peu fou et très seul, Sabela reconstruit les attaches familiales perdues dans les limbes des souvenirs. Entre mémoire parcellaire, délires ou illusions d’une vie inventée, Prado nous fait vivre le quotidien tout en décalage de ce déraciné de la vie.
Au delà de sa quête (presque perdue d’avance), que cherche vraiment Sabela ? Recréer des liens vrais et sincères avec quelqu’un qui l’écoute enfin et se refaire un présent, à défaut d’avoir perdu son passé (mariage, travail…)
La rencontre entre Sabela, qui cherche son passé et Fidel, qui a oublié le sien, est magnifique.
Prado met en image les visions oniriques du passé de Fidel qui s’invite dans le présent. Poissons des grandes profondeurs, ami et amour de jeunesse, Fidel vit un monde parallèle où souvenirs et présent se mélangent.
Pour renforcer la thématique et l’étrangeté de ce roman graphique, l’album est ponctué d’annexes purement factuelles (rapports officiels, explication scientifique sur la notion de souvenir …) qui étayent le monde de Fidel.

Le dessin

Prado nous plonge dans un livre envoutant, au graphisme beau et expressif. Réalisé en couleurs directes, ses planches font ressortir l’émotion et la moindre ride de ses personnages. Poétique et fantastique, son dessin mélange dans un même espace souvenirs et vie quotidienne. Enfin, son dessin fait écho totalement à son récit

Pour résumer

Adralen est un beau livre qui m’a touché comme rarement. Son graphisme travaillé et sensuel, sa thématique et sa narration qui prend son temps en font un ovni de plus de 250 pages dans un univers BD assez formaté. Si vous cherchez de l’émotion et de la surprise, laissez-vous submerger par les visions oniriques de Fidel. Ce récit initiatique est un pur chef-d’oeuvre.