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1er décembre 2011, Sarkozy n'est pas candidat mais toujours en campagne.

Publié le 05 juillet 2013 par Juan
On parle beaucoup du meeting de Toulon, organisé le 1er décembre 2011 par l'UMP. Le Conseil Constitutionnel vient de décider d'en ré-intégrer 80% du coût dans les dépenses de campagne du candidat Sarkozy; ce qui a notamment contribuer à dépasser le plafond légal.
On parle beaucoup du meeting de Toulon mais on a oublié ce qu'il en était. On a oublié ce qu'on y a vécu, ce que Nicolas Sarkozy y a dit. Voici le compte-rendu, subjectif et à chaud, réalisé sur Sarkofrance à l'époque.
« Il lui reste 140 jours avant le Grand Scrutin. Le point d'orgue de cette semaine fut un grand meeting électoral à Toulon.
Sarkozy fait toujours campagne sans être candidat. Pas question de se dévoiler. Il veut jouer au passager clandestin, dépenser sans compter mais sans le dire, et évacuer son bilan sans courage.
Ce jeudi à Toulon, il n'annonça rien, ne promit rien, n'assuma rien.
Dramatique
« La peur est revenue ». La formule devait faire mouche. « L'Europe peut être balayée ». Sarkozy n'a pas dramatisé, la situation est dramatique. Mais il mobilise les peurs pour mieux se rehausser.
Jeudi 1er décembre 2011, à Toulon, Nicolas Sarkozy semblait s'adresser à lui-même, s'avouer qu'il était au bord du gouffre après 3 ans d'agitation immobile. Le Monarque avait réservé un Zenith pour 6.000 militants et sympathisants. L'UMP du Var confirma avoir financé 15 cars. L'estrade était sobre, deux grands drapeaux français et européen à côté d'un pupitre. L'intervention avait été calée juste avant les journaux télévisés. Henri Guaino, ce conseiller spécial qui multiplie lui aussi les déplacements électoraux, avait planché sur le texte depuis lundi.
Nous eûmes droit à un cours d'histoire simplifiée. Le candidat Sarkozy resta rivé sur son texte de peur de manquer un bon mot, ou une étape d'un raisonnement qu'il comprenait juste. Cela sonnait grand oral, ce fut de la petite politique.
Menteur
Il prononça douze fois le mot vérité, sans avouer qu'il était bien en campagne. « Cette vérité »-là, les Français étaient pourtant prêts à l'entendre.
Sarkozy fut d'abord mauvais pédagogue. Il ne manqua pas d'accuser le passé (la retraite à 60 ans, les 35 heures, les déficits depuis 1974), et surtout de placer ses thèmes de campagne: attention à l'immigration incontrôlée (qui « perturberait notre façon de vivre, bousculerait nos valeurs »), aux profiteurs du bas (« une minorité qui voudrait profiter du système sans assumer sa part des devoirs »), aux écologistes (« Ce n'est pas (...) en boudant l'énergie nucléaire (...) que (la France) valorisera au mieux ses atouts »), aux partisans de la VIème République, et, évidemment, à l'adversaire socialiste qui veut rabaisser la France ( qui voudrait « renoncer à notre place de membre permanent du Conseil de sécurité »). De lui, il ne fut jamais question. Président depuis 5 ans, au pouvoir depuis 10 ans, notre Monarque est innocent. La crise, c'est la faute aux autres !
Il voulait nous ramener dans les années 60:  « Le cycle qui s’annonce sera un cycle de désendettement qui ramènera le balancier de l’économie vers le travail et la production ». Sarkozy, c'est de Gaulle, la fusée Ariane et la centrale du Tricastin !
Il défendit quand même l'euro, le général se retourna dans sa tombe. « La disparition de l’euro aurait des conséquences dramatiques pour les Français ». Il en oublia son propre bilan: où est passée la grande régulation des marchés financiers et des banques ? Et les 200 milliards d'euros gâchés en erreurs et cadeaux ? Et cette reprise de l'emploi, qu'il nous annonçait en janvier 2010, puis en janvier 2011 ? Lundi, justement, il s'était abstenu de commenter la énième dégradation du chômage. Sur le seul mois d'octobre, quelque 600.000 personnes ont perdu un emploi. L'entreprise France est en panne. Et la crise financière, cette fois-ci, n'est qu'un facteur aggravant.
Il rodait son discours de campagne: il n'y a pas d'autre politique possible. En 2007, il défendait le choix et la rupture. Pour 2012, il défend le non-choix et la continuité. L'homme des promesses trahies réclamait notre confiance.
Inquiet
Jeudi, Nicolas Sarkozy s'adressait aussi aux marchés. Mardi, l'OCDE avait encore dégradé la perspective de croissance française à 0,3%, et réclamer de la France un troisième plan de rigueur. Et il fallait lever encore 4 milliards d'euros ce jeudi, dernière tranche avant la prochaine de 25 milliards, en janvier. A Paris, on s'est rassuré. L'écart de taux entre les obligations françaises et allemandes à 10 ans s'est réduit, à l'occasion de cette modeste levée de fonds. Même l'Espagne a connu similaire fortune. Le répit était temporaire: quelques banques centrales occidentales ont décidé de soulager les tensions sur la manque de dollars. Phénomène plus inquiétant, quelque 98 milliards d’euros ont été retirés des  banques françaises en septembre.
Pour l'avenir, les propositions de Sarkozy à Toulon furent bien floues, voire contradictoires. Sur l'emploi, on n'aurait pas tout essayé. Et pour les 6 millions de chômeurs inscrits ou pas, sa formule est simple: « il faut travailler davantage». Il a promis davantage d'Europe, avec un énième sommet à Paris dès lundi avec Angela Merkel. « Avec Angela Merkel, nous ferons des propositions pour garantir l’avenir de l’Europe. »  Car, « on défend mieux sa souveraineté avec des alliés que tout seul » . Curieux concept que cette souveraineté sous tutelle.
Jeudi, Sarkozy parlait trop tôt. Il n'avait rien à dire, sans accord avec Merkel. Il s'est même refusé à expliquer pourquoi ses négociations avec la chancelière allemande avaient échoué. Il voulait une euro-zone plus intégrée, une BCE plus interventionniste, et même des euro-bonds. Mme Merkel préfère un Super-Maastricht, avec tribunal à la clé contre les Etats aidés mais récalcitrants.
Vidé
Globalement, ce discours de Toulon a beaucoup déçu. Depuis quelques jours, les analyses peu flatteuses s'étaient multipliées sur l'échec du précédent discours de Toulon, le 25 septembre 2008. Les commentateurs, jusqu'au Figaro, se régalaient à rappeler combien Sarkozy n'avait pas tenu grand chose de ces promesses de l'époque. Vendredi matin, ce second show n'avait convaincu grand monde. Arnaud Leparmentier du Monde reconnaissait à Sarkozy d'avoir enfoncé quelques portes ouvertes sur la dette. Ivan Rioufol du Figaro regretta la timidité des aveux du jour. Hervé Gattegno, du Point, railla le « souffle et le vide » de l'impétrant. La plupart des éditorialistes ne savaient même quoi en penser. Il fut si maigre en idées, en souffle, en perspectives.
Vendredi matin, la comparaison fut terrible. Quoiqu'on pense d'Angela Merkel et de sa politique, la chancelière avait une autre stature. Elle aussi voulait s'exprimer sur la crise de l'euro. Mais elle assuma son discours devant sa majorité comme l'opposition. Nul grand show dans une salle bourrée de militants du parti. Mme Merkel parla vite et tôt, un matin au Bundestag. En Allemagne, un journal s'amuse de ce Monarque français « qui vit comme un Dieu ».
Candidat clandestin, Sarkozy était aussi président spectateur.
A quelques kilomètres de son intervention, à Marseille, une fusillade meurtrière frappait la ville phocéenne, la troisième en une semaine. « Je prétends qu’à Marseille, le climat de sécurité s’améliore. C’est le sentiment qu’éprouvent les gens ». expliquait Guéant lundi. Comme Sarkozy, ne lutte plus contre la délinquance, mais contre le sentiment d'insécurité. La nuance est d'importance. Depuis janvier, on mesure combien ses annonces pour juguler la délinquance dans cette ville sont sans effet. Ici comme ailleurs, l'Etat manque de moyens. Et Guéant s'obstine à répéter les mêmes bêtises xénophobes que Marine Le Pen.
En début de semaine, le le Conseil d'Etat avait annulé l'un de ses récents cadeaux par ailleurs illégal par sa propre faute: le gel des prix du gaz avait été imposé par décret contrairement aux dispositions prévues dans les textes votées par Sarkozy. Le candidat voulait faire un cadeau électoral et prouvé que l'Etat conservait quelque contrôle sur un GDF privatisé.
Le lendemain, mardi, le candidat s'était dépêché, à Gimont, dans le Gers, pour parler des conditions de vie des agriculteurs. Il rabâcha les exacts mêmes arguments qu'il y a un an. Faire campagne est l'art de la pédagogie et de la répétition, paraît-il.
Le Figaro s'inquiète: la cote de confiance de Sarkozy ne progresse plus. Mercredi, l'un de ses éditorialistes s'amusait à comparer Nicolas Sarkozy... à Louis XVI.
Ami sarkozyste, où es-tu ?  »



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