L'ancien président de la République a annoncé qu'il démissionnait "immédiatement" du Conseil constitutionnel, "afin de retrouver sa liberté de parole".
Par Roseline Letteron.
Après la décision du Conseil constitutionnel du 5 juillet 2013 confirmant le rejet de son compte de campagne, l'ancien président de la République a annoncé Urbi et Orbi qu'il démissionnait "immédiatement" du Conseil constitutionnel, "afin de retrouver sa liberté de parole". La formule fait sourire, car elle comporte deux inexactitudes, l'une de droit car un ancien président de la République ne peut pas "démissionner" du Conseil, l'autre de fait car Nicolas Sarkozy n'avait jamais renoncé à sa liberté de parole.
Un membre de droit ne démissionne pas
Nicolas Sarkozy est "membre de droit" du Conseil constitutionnel, ce qui signifie qu'il n'a pas été nommé. L'article 56 al 2 de la Constitution énonce simplement : "Font partie à vie du Conseil constitutionnel les anciens présidents de la République". Nicolas Sarkozy, comme tous les anciens présidents de la République, n'a donc eu qu'à signer son procès verbal d'installation, avant de venir siéger et de toucher chaque mois un traitement extrêmement confortable. Il est vrai qu'il ne s'est pas déplacé très souvent, et qu'il a même dû renoncer lorsqu'il a déposé un recours contre la décision de la Commission nationale des comptes de campagnes. N'aurait-il pas été un peu étrange qu'il délibère sur un recours dont il est l'auteur ? Son abstention a permis de protéger un tant soit peu le principe d'impartialité.
N'ayant pas été nommé, Nicolas Sarkozy ne peut pas démissionner. Tout juste peut-il se retirer et renoncer à son traitement. C'est exactement ce qu'avait fait Vincent Auriol, qui s'est retiré en 1960 pour protester contre le refus du général de Gaulle de convoquer le parlement en session extraordinaire. Rien n'interdit cependant à l'ancien président de la République de revenir siéger plus tard, dans l'hypothèse par exemple où il serait battu à des primaires ou à de nouvelles élections présidentielles.
Lorsqu'il annonce sa "démission", Nicolas Sarkozy fait donc un gros contresens, qui serait lourdement sanctionné chez un étudiant en droit constitutionnel de première année. De la part de quelqu'un qui, pendant cinq ans, a été celui qui, selon les termes de l'article 5, "veille au respect de la Constitution", cette lacune a quelque chose de surprenant. Pour faire respecter la Constitution, il est tout de même préférable de la connaître un peu.
Retrouver sa liberté de parole
À l'ignorance succède une certaine mauvaise foi, car Nicolas Sarkozy n'a jamais renoncé à sa liberté de parole. Souvenons-nous qu'en août 2012, il a publié un communiqué mentionnant qu'il s'était "entretenu longuement" avec le Président du Conseil national syrien, ce qui n'a d'ailleurs rien changé à la situation dans ce pays. En même temps, il n'a pas hésité à intervenir dans la crise qui a secoué l'UMP, lorsque messieurs Copé et Fillon se disputaient la direction du parti. Là encore, l'intervention de Nicolas Sarkozy n'a eu aucun effet concret, et avait sans doute pour unique objet de montrer aux militants admiratifs qu'il est là pour les protéger et les sauver, ultime rempart contre les divisions et peut-être, un jour, ultime recours. Bref, l'homme providentiel.
Quoi qu'il en soit, il est vrai que Nicolas Sarkozy récupère une liberté de parole qu'il avait théoriquement perdue. En effet, l'article 7 de l'ordonnance de 1958 interdit aux membres du Conseil de prendre une position publique "sur des questions ayant fait ou susceptibles de faire l'objet de décisions du Conseil constitutionnel". Il pourra donc désormais critiquer librement la décision qui invalide son compte de campagne. Douce consolation, qu'il partage avec le Comte qui, dans Le Barbier de Séville, affirme "que l'on a vingt quatre heures au Palais pour maudire ses juges ?" Il est vrai que Figaro répond "que l'on a vingt quatre ans au théâtre. La vie est trop courte pour user un pareil ressentiment".
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