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Qu'est-il arrivé à Baby Jane?

Publié le 08 juillet 2013 par Dukefleed
Qu'est-il arrivé à Baby Jane?Deux légendes: une tension paroxysmique
Contons la vie des sœurs Hudson. La jolie Baby Janeremporte en 1917 un vif succès dans les cabarets avec son numéro de claquettes et de chansons niaises qui conviennent parfaitement à un public apeuré par l’entrée en guerre des États-Unis. Favorisée par un père qui lui passe tout, Baby Jane « gagne l’argent », comme elle le dit elle-même, et ne prête guère attention à sa sœur Blanche, jalouse et mal aimée. Vingt ans plus tard, la tendance s’est inversée : Blanche est devenue une star des studios sur la côte est, tandis que Jane, envieuse et hystérique, peine à démontrer aux producteurs un talent qu’elle n’a pas. Alors que les deux femmes rentrent d’une soirée, Blanche est paralysée dans un accident de voiture. Il est alors clair que Jane était au volant : acquittée pour manque de preuves, tout le monde se doute qu’elle a voulu assassiner sa sœur pour la punir d’un succès qui ne l’a pas touchée. Le film commence réellement lors du dernier saut temporel : Jane (Bette Davis) et Blanche (Joan Crawford) sont vieilles. La première s’occupe avec cruauté de la deuxième, enfermée dans son fauteuil roulant depuis l’accident. Tous les déclics du film, toutes les chevilles du drame étant liées au divertissement, c’est la rediffusion des grands succès de Blanche à la télévision qui provoque définitivement la folie de Jane qui, par culpabilité et par jalousie, entre dans un cercle infernal de violence et de torture.Hué lors de sa présentation devant le public Cannois en 1962 ; ce film choqua par la violence extrême, peu habituelle à l’époque, qu’il donne à voir. Aldrich usa du casting pour renforcer cette tension à l’écran. En effet, les deux rôles titres sont tenus par la dernière star rescapée de l’âge d’or du muet (Joan Crawford) et la jeune égérie des 40’s (Bette Davis) et surtout deux rivales. Robert Aldrich va exploiter leur haine mutuelle à outrance pour organiser ce huis clos effrayant. Là, la fiction et la réalité se sont retrouvées. Les producteurs ne misaient pas un sou sur ce casting d’actrices vieillissantes et plus du tout à la mode. Et pourtant. Aldrich ne voulait pas filmer deux stars, mais deux haines, deux corps vieillissants dans la vie, torturés, humiliés à l’écran. Et grâce à leurs performances, il parvint à réaliser un film terrifiant, sur une vieillesse dont la cruauté n’est pas seulement naturelle, mais également construite par une société du spectacle désœuvrée. De fait, le film est porté par l’interprétation dantesque de Bette Davis - qui en fait des tonnes en vieille harpie ayant gardée son âme de petite fille à papa et de Joan Crawford, d’une classe extraordinaire. Seule Bette Davis fût nommé aux Oscars avec ses rires machiavéliques, son visage d’enfant lorsqu’elle se rappelle de sa gloire passée,… Maquillée grossièrement, outrageusement, Bette Davis est terrifiante dans ce mélange de naïveté et de fureur qu’ont les fous. A l’instar de Jack Nicholson dans Shining, Bette Davis sombre un peu plus dans la démence dans chaque scène et devient de plus en plus irrésistible avec ce jeu d’une grande cruauté et d’un cynisme sans égal.Aldrich montre là un affrontement psychologique aussi tendu qu’un thriller. La tension monte crescendo en se demandant à quelle ignominie peut encore se livrer Jane. Les cloches recouvrant le repas de Blanche tout autant anxiogènes pour nous que pour elle. Aldrich décide aussi de nous livrer une parabole sur le monde du spectacle en tirant à vue sur l’industrie du spectacle et sur son caractère destructeur, il montre les dégâts occasionnés par la célébrité, forcément éphémère.Mais ce film souffre aussi de quelques faiblesses qui le rende trop simpliste voir irréaliste. Concernant le caractère prévisible : les dialogues trop appuyés sur l’histoire des rats, la mise en scène trop suggestive autour de la femme de chambre laissant derrière elle le marteau,… Concernant le caractère simpliste : on comprend difficilement comment ce couple en est arrivé là ; surtout lorsque l’on voie à quelle vitesse se détériore leur relation.Avoir tout de même pour la puissance de feu de ces deux comédiennes dans un film fascinant, angoissant et émouvant toujours aujourd’hui à cause de son jusqu’au-boutisme qui choqua beaucoup de gens à l’époque. Redécouvrez d’urgence ce jeu malsain entre deux poupées brisées par la vie et la jalousie. Le choc est garanti
Sorti en 1962

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