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L'affaire Snowden rappelle de très mauvais souvenirs en Allemagne

Publié le 09 juillet 2013 par Copeau @Contrepoints

Pour un ancien de la Stasi, la surveillance par les États-Unis représenterait "un rêve devenu réalité".

Un article d'Open Europe.

L'affaire Snowden rappelle de très mauvais souvenirs en Allemagne

La vie des autres. Florian Henckel von Donnersmarck. 2006. Ulrich Mühe.

Les affirmations selon lesquelles les États-Unis auraient espionné l’Union Européenne et ses États membres – et le fait que le Royaume Unis aurait également intercepté des communications téléphoniques et internet allemandes ont suscité un énorme scandale en Allemagne.

Plus que dans les autres pays concernés par les révélations d’Edward Snowden, les hommes politiques allemands ont unanimement condamné l’Amérique pour les avoir traité comme un « partenaire de troisième rang » (l’Allemagne était apparemment beaucoup espionnée),  dans le même temps, la presse a montré son indignation en tirant à boulet rouge.

Cette affaire a dressé le monde anglo-saxon contre une Europe continentale menée par l’Allemagne, de la manière la plus malheureuse possible. Comme nous l’avons évoqué la semaine passée – avant même la sortie de Hollande –  cet incident fait maintenant planer un orage sur le début de l’accord de libre-échange UE-États-Unis.

Mais au-delà de ces réactions d’indignation, qu’est ce qui se cache derrière le profond malaise allemand provoqué par cette affaire d’espionnage ? C’est une étude fascinante des sensibilités nationales et de manière fortuite une illustration de la difficulté qu’il y a à progresser vers un système judiciaire commun en Europe.

L’Allemagne a toujours en mémoire un État « Big Brother » sous deux de ses pires formes : sous le régime nazi et sous l’ancienne Allemagne de l’est (RDA). La moindre évocation d’un système de collecte d’informations et d’espionnage à grande échelle suscite de vifs remous en Allemagne.

La collecte systématique d’informations par l’État, dont fut témoin l’Allemagne sous le régime nazi n’était pas uniquement destinée à identifier et exterminer des groupes ciblés comme les juifs ou les tsiganes, mais aussi à contrôler le reste de la population en infiltrant tous les aspects de sa vie.

Et la surveillance et la collecte d’informations fut encore plus intrusive dans la RDA. Lorsque le mur de Berlin s’effondra, la Stasi comptait environ 91000 agents et s’appuyait sur un vaste réseau d’informateurs fournissant des informations sur leurs amis, collègues et familles.

Ainsi, l’idée que l’administration Obama est en train de collecter de vastes champs de données rend tous les allemands sans exception extrêmement nerveux. Et ces peurs n’auront pas été apaisées par les commentaires de Wolfgang Schmidt, un ancien responsable de la Stasi, qui a déclaré que le rêve de la Stasi était  devenu réalité avec un système aussi étendu que le dispositif américain.

De manière symptomatique, l’Allemagne n’a toujours pas adapté la directive européenne relative au stockage de données, notamment en raison de réserves concernant la vie privée et la collecte arbitraire de données. Ce refus a à voir avec un problème de constitutionnalité de cette directive, une partie aurait dû être adaptée en 2007 et l’autre en 2009. Par conséquent l’union européenne a poursuivi l’Allemagne devant la Cour européenne de justice.

Dans les négociations internationales, les Allemands ont tendance à faire preuve de retenu, à chercher le consensus et à rester mesurés (certains diront trop mesurés), mais étant donné la récente histoire de ce pays, la protection de la vie privée des citoyens est une question que les partenaires de l’Allemagne devront traiter avec prudence s’ils veulent rester en bon terme avec Berlin.

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Sur le web. Traduction : Hemrick pour Contrepoints.


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