Après peu de décennies d’une gestation silencieuse, nous sommes aujourd’hui entrés de plain-pied dans ce qui peut arriver de pire à une démocratie trop longtemps battue par les vents mauvais de la licence politique : l’instauration forcée d’une société de défiance avec tout ce que celle-ci peut comporter de malheurs présents et à venir.
Ainsi, la société de défiance se caractérise-t-elle par la perte de confiance des citoyens non seulement dans leurs élites dirigeantes mais aussi, dès lors que la classe politique manque gravement à ses devoirs, dans les institutions qui régissent la nation dont, par ricochet, la justesse et surtout la légitimité se trouvent alors mises en doute.
Car à force de traiter les Français comme une variable d’ajustement d’Ancien Régime, ôtés de toute vraie faculté à peser sur leur destin, le Prince claquemuré dans sa tour d’ivoire se coupe des réalités qui, à la première occasion, ne manqueront sûrement pas de se rappeler à son bon souvenir et surtout, en mal, à celui du peuple tyrannisé !
Mais rien n’est jamais perdu à partir du moment où l’on accepte de regarder les choses sous un angle autre que celui, arrogant et usé jusqu’à la corde, aujourd’hui en usage en France alors que le secret éternel de la réussite, singulièrement en politique, réside sans conteste dans la capacité à conduire le char de l’État avec prudence et humilité.
Donc, plutôt que de susciter une défiance généralisée par pur obscurantisme idéologique ou par simple paresse intellectuelle, il faut chercher à créer les conditions aptes à instaurer une société de confiance qui est le meilleur moyen d’assurer durablement le maintien d’une solide cohésion sociale in fine gage de stabilité et de prospérité.
En inventant la "société de confiance", Alain Peyrefitte avait eu, dès 1995, l’intuition du siècle. Il la voyait porteuse de tous les ressorts du développement. Confiance que l’État accorde à l’initiative individuelle, confiance que les individus accordent à l’État et surtout se reconnaissent entre eux et se font à eux-mêmes. [1]
Nous en sommes loin et l’on peut même légitimement se demander, dans l’état où se trouve la France y compris la stérilité phénoménale de son personnel politique, si nous serons jamais capables d’atteindre à un niveau d’excellence tel qu’il puisse permettre au pays de décoller enfin avec les meilleures chances de rejoindre le peloton de tête :
"Libéralisme, j’aime pas trop le terme", a ainsi avoué, lundi matin, sur RTL, Jean-François Copé (...) "Il faut de la protection pour ceux qui souffrent", a expliqué Copé pour justifier sa prise de distance. Mais le libéralisme, qui n’est pas l’ultralibéralisme de la loi de la jungle, est construit sur cet humanisme (Ivan Rioufol).
Il ne faut pas chercher ailleurs que dans cette profession de foi mécanique aux relents socialistes la malédiction, car il s’agit bien de cela et de rien d’autre, qui s’est abattue sur la droite française clouée au pilori par François Mitterrand et toujours otage, avec sa complicité passive faut-il le préciser, de maléfices pourtant anciens.
L’UMP doit donc faire l’effort, surhumain, certes, j’en conviens aisément, de raisonner non plus en mode d’alternance mais bien d’alternative impérativement libérale. Sans quoi, même (et surtout ?) dans l’hypothèse d’un fracassant retour de Nicolas Sarkozy, je ne parierai pas un liard sur sa capacité future à peser dans le débat politique.
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Note :
- Patrick Artus et Marie-Paule Virard, Les apprentis sorciers, 40 ans d’échecs de la politique économique française, Fayard, mars 2013. ↩