Sur cette place il y avait un chien et ce chien était seul sur cette place, il était à sa place, chez lui sur cette place, c'était le maître des lieux et de la place.
Et les gens qui passaient au loin riaient en regardant ce chien, ils pensaient à sa place en se disant qu'il est mignon ce chien, mais qu'il est bête (c'est évident) de rester ainsi en plein soleil, il a un collier heureusement et les gens ne passaient pas sur la place, et ça, ça plaisait au chien que les gens passent ainsi au large, restent à la marge de cette place.
Les gens mangeaient des pizzas, des beignets de calmars et des glaces sous les arcades, restaient à l'ombre, mais le chien ne se souciait pas d'eux, il pensait dans son crâne de chien qu'il était à sa place, que c'était ainsi, que c'était son choix, que les gens pouvaient bien parler même le caresser s'ils voulaient, s'avancer au soleil, mais qu'il ne les regarderait même pas, les hommes ce n'est pas forcément intéressant pensait-il. Les hommes étaient à leur place et lui à la sienne et le soleil lui faisait du bien, chauffait bien doux son vieux dos de chien solitaire mais pas du tout aigri.
Le genre de chien qui aurait plu à René Magritte, à Charles Spencer Chaplin, à Jacques Prévert, oui, le type même de chien qui aurait pu piquer la mitre de l'évêque bourré qui dégueulait un soir dans un caniveau près de la gare Saint Lazare, à Paris, mais ça c'est une autre histoire et puis, on était si loin de Paris...