Magazine Côté Femmes

La fille qui se préparait à passer quinze jours au paradis avec la 2e division SS Das Reich

Par La Chose

Démocratisons la connerie et la beaufitude!

Avec Loutre et Phlegmon, ça y est, on est en vacances.

Cette année, on a loué une maison dans une région que je connaissais pas bien avant d’y arriver avec la voiture (en fait j’avais vu le film avec Lambert Wilson  et Sophie Marceau quand j’étais très jeune, mais comme c’était un film sans zombies ni extraterrestres agressifs, et qu’en plus c’était français, je me souviens pas de grand-chose, à part que c’est un peu un remake de La Boum qui se passe juste après qu’on a décapité les nobles en France). 

Quand on a passé le panneau "Bienvenue en Vendée", j’ai voulu sortir ma science à Phlegmon, qui jouait à Zelda depuis trois heures sur la banquette arrière:

- On arrive chez les Chiants, tavu.
- Les Chouans, bordel, les Chouans! a gueulé Loutre, qui n’était pas trop d’humeur parce que c’est moi qui conduisais et que j’avais dit un peu beaucoup de gros mots depuis qu’on avait quitté l’Armorique (mais aussi, il y avait beaucoup d’enculés sur la route qui faisaient n’importe quoi, j’aurais bien voulu t’y voir).

En arrivant à la maison, on a vu que nos amis Albert et Coralie étaient déjà arrivés. Albert et Coralie, ce sont nos meilleurs amis, on les aime beaucoup, ils ont quatre enfants très sympas (y’en a deux qui sont partis de la maison parce qu’ils sont adultes, et maintenant ils sont à Pôle Emploi) et c’est la première fois qu’on partait en vacances tous ensemble.
En descendant de voiture, je me suis tout de suite sentie à l’aise parce que Coralie faisait exactement comme d’habitude, elle hurlait sur Albert en le traitant de gros con et ça évitait d’avoir une sensation d’exotisme trop exacerbée.

- Où t’as mis les palmes, Albert? Hein? AVEC LA CRÈME SOLAIRE? Mais t’es juste CON ou quoi? Fallait les ranger avec les masques et les tubas, pôv’ naze! T’as deux hémisphères gauches, des fois…on se demande comment t’as pu faire l’ENA…ou alors ils ont un quota Cotorep obligatoire, je sais pas.

Albert, il faisait comme d’habitude, il répondait pas et il déchargeait leur voiture en soufflant un peu fort vu qu’il était tout seul à le faire.
Nous, on a vite pris toutes nos affaires et puis on a libéré Ted Bundy et sa copine Firefox (je t’ai pas encore parlé de celle-ci je crois) (c’est une longue histoire). Firefox, on l’a baptisée comme ça parce qu’elle est gaulée comme un renard, mais pas seulement. D’ailleurs dès qu’elle a atterri par terre, elle est partie en gueulant et en courant très, très vite pour aller mordre le cul d’Albert, de Coralie et de leurs enfants. C’est sa façon à elle de dire bonjour et d’exprimer son amitié et son affection. Ted Bundy, lui, il s’est précipité pour fourrer sa truffe entre les cuisses de Coralie, qui lui a mis une baffe, et moi j’ai crié "D’où tu touches mon chien connasse!", et Loutre a hurlé "La Chose, bordel!", et Phlegmon est partie derrière la maison avec Pétronille et Mikado (c’est les filles de Coralie et Albert) pour leur montrer des images cochonnes qu’elle a téléchargées sur sa Nintendo, et Albert a essayé de nous citer un passage de La condition humaine pour nous calmer, et Coralie lui a dit d’arrêter de sortir sa science parce qu’on savait tous qu’il avait fait l’ENA et qu’on s’en tamponnait le coquillard, et Firefox a mordu très fort le derrière d’Albert et elle y est restée accrochée.

Ça commençait vraiment très bien et je sentais qu’on allait passer des vacances formidables.

Un peu plus tard, pendant qu’Albert allumait le barbecue avec Firefox toujours accrochée à ses fesses, je suis partie visiter le grand jardin de la maison, en essayant d’éviter au maximum les crottes de Ted Bundy. A un moment donné, dans un massif de jolies fleurs rouges et jaunes, j’ai vu trois petites bestioles qui trottinaient en couinant, et j’ai appelé Phlegmon en lui disant de venir voir, qu’il y avait des trucs poilus comme elle aime, et elle est arrivée en courant et en criant "c’est des rats? C’est des rats?". J’ai répondu que je savais pas trop mais que ça ressemblait moyennement à des rats. Alors Phlegmon elle a regardé les petites bêtes, et puis elle a eu l’air très déçue.

- Bah c’est pas des rats, c’est des bébés hérissons, elle m’a fait avec une mine dégoûtée.
- Des quoi?
Erinaceus europaeus, quoi.
- Comment tu sais même leur nom latin, putain?
- Tu m’as abonnée à Astrapi, qui est un journal pourri  mais qui est utile quand on veut faire croire qu’on a fait l’ENA. Demande à Albert.

Et elle est repartie en courant pour rejoindre Mikado et Pétronille, qui étaient déjà sur internet en train de mater des images d’accidents d’avions.

Moi j’étais bien embêtée parce que je connais rien aux hérissons, mais je sais au moins qu’on est pas censés en trouver dans la journée vu qu’ils vivent que la nuit, comme les Parisiens qui habitent le 3e arrondissement. Du coup je me suis dit qu’ils avaient sûrement perdu leur mère et qu’ils étaient en danger, surtout avec Firefox dans les parages.

Quand Loutre m’a appelée pour le dîner, une heure plus tard (Albert avait carbonisé des brochettes de bœuf et des côtes de porc, ça sentait comme à Ground Zero), j’étais encore en train de consolider la super cabane en brindilles que je venais de fabriquer sous les fleurs.

- Mais qu’est-ce que tu fous? a dit Loutre.
- Y’a des bébés hérissons, là, et je vois pas leur mère. Si ça se trouve elle est morte, comme dans L’étranger.
- Je vois pas le rapport. C’est des hérissons criminels?
- Ils sont tous seuls, Loutre, ils vont mourir si on s’occupe pas d’eux! Je leur ai fabriqué un abri pour le soleil, comme ça ils pourront se mettre à l’ombre, et puis je vais leur mettre de l’eau et des croquettes pour chats.
- De l’eau et des croquettes pour chats.
- Absolument. J’ai lu ça sur internet tout à l’heure. Sur le site "SOS petits hérissons".
- SOS petits hérissons.
- Ouais. Ils donnent tout plein de conseils aux gens qui trouvent des hérissons blessés.
- Ils sont pas blessés.
- Nan mais c’est des bébés, ils sont vulnérables, quoi. Va falloir les nourrir et tout.
- En attendant, nous on va nourrir ta fille et les deux autres vampires, alors ramène ta fraise.
- Je préfère que tu m’apportes une assiette ici, j’ai encore du boulot pour consolider le toit de ma cabane à hérissons. Tu savais que les hérissons c’était une espèce protégée?

Quand Loutre a eu fini d’arracher toutes les fleurs en criant des insanités, on a entendu Coralie qui nous demandait ce qu’on faisait, que les brochettes brûlées étaient froides et qu’on allait passer au dessert, un sabayon qu’elle avait fait elle-même et qu’on allait sûrement vomir pendant la nuit.

- Je retourne à table, a dit Loutre, je leur explique que t’es en train de faire du bouche à bouche à des musaraignes?
- Ricane, j’ai dit, ricane. Moi au moins j’ai un cœur.
- Dommage que t’aies pas un cerveau, en plus.

Vers onze heures du soir, il s’est mis à pleuvoir, alors je suis allée cherchée un parapluie que j’ai tenu au-dessus de la petite cabane pendant toute l’averse.
Vers une heure du matin, il soufflait un petit vent frais, du coup je suis allée ramasser de la mousse dans le noir pour garnir la cabane, mais comme il faisait nuit j’ai pas vu les crottes de Ted Bundy. Heureusement j’étais pieds nus, comme ça mes nouvelles chaussures n’ont pas été abîmées.
Vers trois heures du matin, Loutre a passé la tête par la fenêtre:

- Ça va comme tu veux, La Chose?
- Ouais, figure-toi. Je contribue modestement à la sauvegarde de la planète, c’est une sensation indescriptible que tu connaîtras jamais.
- C’est sûr. En parlant de sensation indescriptible, je te laisse, je crois que je vais vomir.
- T’aurais pas dû prendre de sabayon, j’ai dit.

Aux alentours de six heures du matin, j’avais un peu mal partout, et je sentais pas très bon des pieds à cause du caca de Ted Bundy, mais j’étais drôlement jouasse d’avoir veillé sur les petits hérissons. D’ailleurs quand Loutre m’a rendu visite avec un café, je me sentais presque comme un mec qui a débarqué sur une plage normande dans un film de Spielberg.

- T’as passé une bonne nuit? a gloussé Loutre. Tiens, regarde, y’a tes petits Oliver Twist qui reviennent.
- Comment ça, "qui reviennent"???

Et c’est là qu’on a vu les trois bébés hérissons qui passaient sous la haie et qui revenaient vers la cabane que j’avais construite, avec un gros hérisson obèse qui marchait devant eux.

- C’est quoi ce bordel? j’ai fait.
- Ben si t’avais bien lu ce qu’ils disent sur "SOS petits hérisson", t’aurais appris que la mère, elle pionce dans la journée, et donc ses gosses font la nouba près du nid, genre c’est normal, tu vois. Le soir, la grosse part en virée avec ses mômes. C’est trop bête, tu les as même pas vus sortir. T’as passé la nuit à côté de ta cabane de merde pour surveiller du vent. Je serais le président du WWF, sans déconner, je te refilerais une médaille. Si.

Aujourd’hui, c’est notre troisième jour de vacances, et tout le monde est parti à la mer.
Moi, je suis restée près de la cabane des hérissons, comme chaque jour, des fois qu’ils ressortiraient.
J’ai une pelle, une bêche, de la mort-aux-rats et aussi le reste de sabayon de Coralie.
Je les attends.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


La Chose 1831 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte