Ce que personne ne dit jamais assez du sunnisme, c’est qu’au contraire du catholicisme, il n’est pas hiérarchisé et centralisé. De ce fait, les luttes pour le leadership y sont ouvertes et disputées. Le Conseil français du culte musulman a voulu rationaliser la pratique en supprimant la nuit du doute, et en se fondant sur la mécanique céleste, extrêmement précise, et qui permet d’en prévoir la date. Ce qui vient de se produire, c’est un conflit de pouvoir, car d’autres instances, s’appuyant sur la tradition, ont contesté la fixation de cette date. Le conseil, tout comme Chantecler, ce coq qui pensait que le soleil ne se levait qu’après qu’il ait chanté, a du rebrousser chemin.
La journée du doute permet de prendre le pouvoir sur une incertitude, au sens de Michel Crozier, qui expliquait que, dans les organisations, ce sont les zones d’incertitude qui sont riches en possibilité de pouvoir, et leur conquête est un enjeu important. Ce qui est mécanique et inflexible ne présente pas d’intérêt, car ne permettant aucun conflit, donc aucune victoire. LE conseil a perdu deux fois, une première fois en ne pouvant anéantir une zone d’incertitude, qui aurait rationalisé la pratique, et permis de trouver un accord, d’autre part en perdant le combat de la conquête de cette zone d’incertitude et en la laissant à d’autres pouvoirs.
Tel fut l’enjeu de la fixation de la date du Ramadam en 2013. Ce fut une lutte pour le pouvoir camouflée derrière des arguments théologiques, un peu comme "le nom de la rose" de Umberto Eco.