Pis là, piles à plat à Pilat

Rosie toute légère, à peine deux sacoches, on fonce vers cette fameuse dune… Cap à l'Ouest, quoi, nous filons droit sur New York… Direction Rocheuses… Zooouuu !
Au bout de la route le sable commence à envahir la piste cyclable, qui vire, ondule et fagotte sous un vent lourd de sel et d'iode. Le soleil plombe enfin, sèche les vêtements humides, et peint dans nos verres des kaléïdoscopitudes mordorées. La dune choque et jure. L'anomalie de Pilat. Une montagne de débris du Sahara que les vents postent ici après un vertigineux vol au-dessus de l'Espagne. Un mont de pierre moulue par le temps, de chair de terre, une cyclopéenne hanche beige jaillissant des pins… Escalade… Poilade… Baignade… De l'autre côté, l'Amérique. Mes potes, mes depotes, mon passé, et l'abyme qui s'apprête à engouffrer la planète entière dans son creuset toxique de feu, d'essence et de rage aveugle.
Je sors l'appareil, pourtant muni de piles fraîches, je prends 5 clichés d'échauffement et clic. C'est mort. Je devrai donc revenir. Quelques fois ne suffiront peut-être pas. Ce lieu est à peine réel.
—© Éric McComber