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Rencontre avec Nathalie Cougny, l'auteure du bouleversant "Secrets de femmes, à cet instant de l'autre"

Publié le 12 juillet 2013 par Sébastien Michel

Nathalie Cougny est une artiste. Peintre, écrivain, poète et auteure de spectacle, Nathalie Cougny est une femme qui écoute les femmes et parle à tous. Dans son ouvrage « Secrets de femmes, à cet instant de l’autre », elle donne la parole à quatre femmes victimes de violences conjugales.
Nathalie Cougny, une femme à la bienveillance à fleur de mots. Rencontre.
    Nathalie Cougny
 
Hemcel.fr : Nathalie Cougny, bonjour, racontez-nous l’origine de « Secrets de femmes ».
Nathalie Cougny : Bonjour et merci de m’accueillir. Paul Eluard disait : " il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous ". Je crois qu’il n’y a pas de hasard dans l’écriture, c’est un rendez-vous que l’on prend avec soi-même, une rencontre aux confins de nos colères, de nos souffrances, de nos jouissances, de notre amour … un écho à notre histoire. Je crois que ce livre fait figure de « porte parole » pour toutes ces femmes qui ont peur, qui sont menacées, délaissées, " enfermées " et qui cherchent une issue. Il s’adresse aussi aux hommes, afin de leur montrer l’ampleur des dégâts et susciter chez eux, au minimum, un sursaut, dans la compréhension. Parler est essentiel, alors ce livre raconte, sans faux-semblants.   Malgré les progrès des gouvernements successifs en matière de législation, et toutes les actions menées par les associations, les violences augmentent toujours et les femmes ne sont pas suffisamment entendues et ensuite protégées. Tout est toujours trop long, tout est toujours trop administratif, tout est toujours trop banalisé et les principaux interlocuteurs (médecins, policiers notamment) ne sont pas assez formés. C'est effarant, aujourd’hui dans notre société, soi-disant évoluée, une femme meurt tous les 3,5 jours sous les coups de son conjoint, 2 enfants meurent chaque jour de maltraitante, un viol toutes les 8 minutes et la majorité des victimes de violence en tout genre sont des femmes. Comment la violence peut-elle tenir cette place sur le podium de l'humanité ?   L'éducation doit retrouver des valeurs, celles du respect, du droit, des libertés. Éduquer c'est transmettre, aimer, rendre autonome et responsable, ce n'est pas humilier, frapper, se projeter ou laisser faire. Les femmes doivent réagir car il en va de leur avenir à tous les niveaux, les hommes doivent les soutenir car il en va de l’avenir de l’humanité tout entière, si on se réfère à l’ampleur de ce fléau, à l’échelle mondiale.
Hemcel.fr : Parlez nous de votre rencontre avec Aurore, Nour, Valérie et Agathe.
Nathalie Cougny : L’histoire d’Aurore, une femme que je connais très bien depuis longtemps, nous renvoie au visage d’une société qui porte des œillères et un bout de scotch sur la bouche, celle des non-dits. L’homosexualité étant toujours incomprise, il faut la cacher. Alors, pour se fondre dans la masse, cet homme va renier ce qu’il est et, de fait, " condamner " une femme à vivre une fausse vie, jusqu’à la déféminiser. Ce sujet que j’évoque est encore très peu abordé et pourtant les cas ne sont pas rares et les souffrances psychologiques sont énormes ; elles ne permettent plus de s’inscrire, par la suite, dans un schéma de relations " normales ". Sans parler des enfants, entrainés dans cette perte de tous les repères. N’oublions jamais les enfants, principaux témoins des violences, les futurs adultes.   La rencontre avec Nour a été merveilleuse. Elle s’est faite sur un réseau social et alors que je publiais un poème sensuel, elle m’a écrit : " Merci, tu me fais tellement de bien. Tu écris ce que nous, nous n’avons même pas le droit de penser ". Ces mots ont été un choc pour moi et nous avons beaucoup échangé. Je lui ai alors proposé d’intégrer son histoire dans mon livre et nous nous sommes rencontrées. Après avoir subi des violences inouïes, Nour est et restera toujours une femme libre, c’est cette image là que je retiens, un combat permanent pour résister aux coutumes et un grand oui à sa liberté de femme.   J’ai également rencontré Valérie et Agathe sur un réseau social. Au fil de nos échanges, de leurs commentaires, j’ai ressenti de grandes souffrances et une grande complicité est née. Valérie m’a alors confié son calvaire sous l’emprise d’un pervers narcissique, les attaques sournoises permanentes de cet homme, les humiliations. Enfin, l’histoire d’Agathe, nous permet de comprendre comment on se lie à un homme violent, comment on s’adapte pour éviter les coups, qui finissent toujours par tomber, et nous montre l’effet toujours croissant de la violence, jusqu’au viol conjugal.    Mais surtout, ces 4 histoires, dont j’ai gardé la trame et le style, sont d’une grande franchise, sans aucun soupçon de vengeance personnelle, c’est important de le dire, car il ne s’agit pas de tomber dans le piège du règlement de compte, mais de prendre conscience, de faire réagir, de s’élever à la vie. Ces histoires nous prouvent que ces femmes s’en sont sorties, dans des conditions parfois extrêmes, mais, à un moment donné, elles ont eu cette force de dire STOP à la violence, quelle qu’elle soit, et OUI à la vie !
  Hemcel.fr : Qu’auriez-vous envie de mettre en avant au niveau de la législation ?
Nathalie Cougny : Oui, j’aimerais parler de l’ordonnance de protection. La loi sur l’ordonnance de protection a été proposée par Monsieur Roland Courteau, sénateur de l’Aude, promulguée le 9 juillet 2010. Ce texte vise notamment à faciliter le dépôt de plaintes par les femmes qui sont souvent freinées par la peur de perdre la garde de leurs enfants, par le risque de se retrouver sans logement ou par la crainte de l’expulsion lorsqu’elles sont en situation irrégulière.
Le texte prévoit une "mesure phare" : "l’ordonnance de protection" qui peut être délivrée par le juge aux affaires familiales, lorsque des "violences exercées au sein du couple ou au sein de la famille, par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants". Le juge, qui doit statuer dans les 24 heures, peut être saisi par la victime ou par le ministère public avec l’accord de la victime.   Cette "ordonnance de protection", prise après audition des parties, permet au juge d’attester de la réalité des violences subies et de mettre en place, sans attendre la décision de la victime sur le dépôt d’une plainte, les mesures d’urgence : éviction du conjoint violent, relogement "hors de portée du conjoint » en cas de départ du domicile conjugal.   Le conjoint violent qui ne respecterait pas les mesures de protection décidées par le juge pourrait être condamné à deux ans de prison et 15 000 euros d’amende. Le conjoint violent pourrait également se voir imposer le port d’un bracelet électronique pour contrôler son respect des mesures d’éloignement prises à son encontre.   Il faut savoir que les mains courantes sont désormais transmises au parquet au même titre que les plaintes. Le projet de loi présenté le 3 juillet 2013 par Madame Vallaud-Belkacen, prévoit notamment que l’éviction du conjoint violent devienne le principe.   Hemcel.fr : Les femmes semblent être un sujet de prédilection pour vous, quelle en est la raison ?
Nathalie Cougny : J’ai envie de dire les femmes et les hommes dans leur humanité et leurs libres choix. C’est un combat que nous devons mener ensemble et qui est indissociable des hommes, encore trop peu impliqués. Mais c’est vrai qu’en tant que femme, et du fait de ma vie, je les soutiens sans faille. Elles subissent, depuis toujours, une discrimination de genre qui les renvoie perpétuellement à leurs fourneaux ou aux couches culotte. Pourtant, certains hommes, ont bien conscience de leur importance dans la vie économique, sociale et privée … Qu’attendent les autres ?   Malheureusement, la femme est encore trop considérée comme un objet, exploitée par les médias à des fins commerciales, un passe temps, un être fragile, voire rien. C’est assez terrible, non ? Elles doivent sans cesse se battre pour trouver une place et quand elles l’ont, elles doivent encore prouver dix fois plus leurs compétences, par rapport à un homme. Rappelons que l’écart de salaires, à compétences égales, est encore de 20 à 30 % entre un homme et une femme, plus le poste est élevé et plus l’écart se creuse. A quel titre ? Juste parce que ce sont des femmes.   Nous pourrions malheureusement débattre pendant des heures sur la parité et toutes les inégalités qui persistent malgré la mise en place de lois. D’ailleurs je trouve cela navrant de devoir instaurer des lois pour que les femmes aient une place dans la vie politique et économique.   Hemcel.fr : En tant que femme et artiste, comment envisagez-vous votre place et votre rôle, dans un monde où le sexisme sévit encore grandement ?
Nathalie Cougny : Mon rôle se dessine chaque jour et je souhaite qu’il grandisse encore. Ma poésie libre et sensuelle permet une nouvelle complicité entre les femmes et les hommes, qui se retrouvent beaucoup à travers elle. L’art est une forme de « combat » contre l’ordre établi, contre une société de sur consommation, où le profit prend le dessus sur l’humain.   L’art apporte cette ouverture nécessaire et permet de réfléchir sur soi-même et le monde qui nous entoure. L’écriture permet de transmettre des messages, d’inscrire clairement dans le temps pour ne pas oublier. Je crois que je suis conçue pour défendre et soutenir. J’ai œuvré de nombreuses années bénévolement pour des causes différentes, dont un projet pilote en France aujourd’hui.   Ce livre est une suite logique de ce je suis, une femme libre, soucieuse du respect des droits et des devoirs, capable de beaucoup dans mes engagements pour défendre ce que je considère comme juste. Cette violence est un fléau. Le pouvoir de l’homme sur la femme, son autorité, le sexisme dans les entreprises, à l’école, dans les médias doit disparaitre. Nous sommes deux êtres complémentaires, l’un ne doit pas être supérieur à l’autre et imposer sa force pour pallier ses manques et trouver une place.    Je veux dire aux femmes qu’il faut dénoncer la violence dès les premiers gestes, mots, signes, qui mettent en place cette violence. La violence n’excuse rien, elle est toujours croissante, jusqu’à la mort, et elle ne concerne pas votre histoire, mais celle du bourreau, votre amour n’y changera rien, vous n’êtes qu’un « objet » choisi pour atténuer l’histoire de cet homme qui se sert de vous, par ses actes de violence, pour anesthésier sa propre histoire.   J’en profite pour vous informer que j’organise une journée exceptionnelle conférences/débats autour de mon livre, le 16 novembre 2013 à Paris, pour lutter contre les violences faites aux femmes. Ont été invités de grandes associations (FIT, ETCFT, collectif contre le viol, Solidarité Femmes…), des victimes, un psychologue, des politiques (nous espérons Madame Vallaud-Belkacen) et des personnalités. C’est un sujet encore tabou et enfermé dans le secret, alors nous allons en parler !   Toutes les informations sont disponibles sur mon site : http://nathaliecougny.puzl.com/   Hemcel.fr : Nathalie Cougny, merci.  
Retrouvez l'article sur "Secrets de femmes" de Nathalie Cougny,
aux EditionsOvadiaA/Au Pays Rêvé. Collection Histoires & Destinées. 20€


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