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Le socialisme viral des Millenials

Publié le 12 juillet 2013 par Charles Bwele @blog_e_sphere
La loi de Moore et le cloud ont-ils tué le consumérisme ?
De nombreux indices démontrent que les Millenials, nés dans les années 1980-1990 et élevés avec la téléphonie mobile et l'Internet, soient moins portés (1) que leurs aînés sur l'achat compulsif et l'accumulation obsessionnelle d'objets.
Le socialisme viral des Millenials
Une ou deux décennies plus tôt, les produits culturels et les souvenirs personnels décoraient ou encombraient les murs et les meubles : tours pivotantes de CD/DVD, étagères débordantes de livres, albums photo à couverture cuir. Aujourd'hui, tous ces objets ont été dématérialisés (MP3, MP4, JPG, PDF, e-book), externalisés vers des plate-formes cloud et accessibles sur ordinateurs, smartphones et tablettes, notamment grâce aux multiples apps.
Le mobinaute ne possède pas mais accède (2) à un produit culturel via son terminal Android/iOS/Windows.
Au-delà des impacts directs et indirects de la loi de Moore et du cloud, l'actuelle crise économique et financière a considérablement contribué tant à la dématérialisation de la culture qu'à sa consommation virtualisée.
Nageant dans les eaux troubles du chômage et de « la dèche », le mobinaute urbain se replie vers la myriade de solutions gratuites (financées par ses données personnelles et par la publicité à viseur laser) ou bon marché offertes par le cloud et les médias sociaux : Facebook, Twitter, Google+, Youtube, Last FM, Deezer, Wikipedia, Playstation Network, iTunes, Netflix, etc.
Le mobinaute ne possède pas mais accède, partage, se divertit et socialise en ligne avec ses pairs.
Le socialisme viral des Millenials
Cette mutation technico-sociétale s'est opérée dans les méandres de la Grande Récession et à très probablement surpris de nombreuses industries. Leurs capitaines doivent convertir leurs modèles économiques basées sur la rareté de l'offre (physique) en modèles économiques basés sur la viralité de l'offre (numérique). Vaste programme.
N.B.:Aux Etats-Unis plus qu'ailleurs, les constructeurs automobiles sont littéralement angoissés (3) par ces Millenials louvoyant entre des boulots mal payés, obsédés par le low-cost, terrifiés par le crédit auto depuis la crise des subprimes et de facto peu prompts à investir dans une voiture neuve. Mais ceci est une autre histoire.
Socialisme 3.0
Questions idiotes à 10 Mo/s : la loi de Moore, le cloud et les médias sociaux seraient-ils, au grand dam des firmes technologiques, des facteurs larvés ou éludés d'un consumérisme plus modeste, plus essentialiste et plus partageur ? Google, Apple, Facebook, Microsoft et compagnie seraient-ils devenus, à leur insu, des vecteurs subliminaux d'une nouvelle forme de socialisme ?
Oublions le socialisme en noir et blanc de Papa et de Papy avec son marxisme lénifiant, ses Politburo en manteaux sombres, ses kolkhozes maussades, son Che Guevara messianisé, ses théories du complot impérialiste, ses nationalisations à gogo et sa révolution sans fin qui sentent tous la naphtaline.
Focalisons plutôt ce spectre d'usages, d'outils et de techniques qui valorisent et mettent en oeuvre le partage, la collaboration, l'agrégation, le don, la gratuité, le crowdfunding et le very low-cost. Ce collectivisme viral et global a la couleur, la texture, l'odeur et la saveur du socialisme, et coexiste en toute aisance avec une diversité de solutions propriétaires et commerciales auxquelles il doit énormément.
En effet, il n'y aurait pas de serveurs Apache, de Linux Ubuntu, de logiciels GNU, de Creative Commons, de Firefox, de Wikipedia, de Wordpress, de Skype, de Bitcoin, de Kickstarter, de The Pirate Bay, de réseaux sociaux et de microblogging s'il n'y avait pas des entreprises ouvertement capitalistes comme Intel, IBM, Microsoft, Dell, Google, Facebook, Verizon, Samsung, Apple, Cisco, Twitter, Orange, Huawei, Vodafone, Free et consort fournissant les infrastructures primaires et les outils premiers permettant de concevoir, de diffuser, de partager, d'agréger et de collaborer : les microprocesseurs, les ordinateurs, les téléphones, les routeurs, les modems, les réseaux et les applications/services en ligne.
À leur tour, ces firmes utilisent et réutilisent massivement des applications collaboratives et/ou gratuites dans leurs activités internes et commerciales. Développé par Google, Android intègre un noyau Linux, des bibliothèques logicielles Webkit, SQLite et FreeType (sous licences GNU/GPL/BSD ou dans le domaine public) et est distribué en open source sous licence Apache.
À l'ère informationnelle, l'idée d'une économie 100% socialiste est aussi illusoire que celle d'une économie 100% capitaliste.
Pensons à toutes ces critiques féroces ou simplistes du (techno)capitalisme écrites sur des blogs Wordpress avec des PC portables Dell ou Sony connectés à Verizon ou à Orange, diffusées sur Facebook et Twitter et partagés par des millions de lecteurs sur iPhone et Samsung Galaxy...
Officieux ou inavoué, le socialisme des Millenials ferait donc preuve de maturité et de pragmatisme en acceptant son imbrication ou son hybridation avec « le système » capitaliste, et en exploitant cette contradiction aussi profonde que constructive. Serait-ce une version virale, décentralisée et libertaire du « socialisme de marché » à la chinoise ?
Ces lignes ne sont qu'une réflexion « brute de décoffrage » et leur auteur assume clairement ses erreurs ou ses biais.
Néanmoins, nous ne devons point sous-estimer l'influence des outils technologiques et de leurs usages sociaux sur nos comportements. Le collectivisme viral et global qui anime quotidiennement les Millenials dans les univers virtuels est peut-être en train de transformer les sociétés réelles et leurs perspectives à long terme... en-dessous de la couverture radar des médias, des instances politiques et des sciences humaines ?
Annexes :
  1. Fast Company : Why Millenials Don't Want To Buy Stuff ?
  2. Jeremy Rifkin : L'âge de l'accès (La Découverte / Poche, 2005)
  3. The Atlantic : Why Don't Young Americans Buy Cars ?


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