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Le « one man show » fatal

Publié le 13 juillet 2013 par Jclauded
L’accident ferroviaire dans le village de Lac Mégantic aurait pu être évité si l’un des principaux responsables, Ed Burkhardt, président de la compagnie de trains Montreal-Maine and Atlantic Railway (MMA) impliquée dans le drame québécois, n’avait pas priorisé les profits de sa compagnie à la protection du public.
Hier, à Lac Mégantic, Burkhardt s’est présenté comme un personnage sympathique qui comprend bien les problèmes des gens et qui veut les aider à se sortir de l’enfer, dont il est le responsable. Oui, il est le responsable, et c’est devant le congrès américain en 1997 qu’il nous l’a démontré. À ce moment-là, il témoignait avec insistance devant un comité de la Chambre des représentants pour demander que la réglementation ferroviaire soit assouplie afin de pouvoir doter ses trains d’un seul conducteur qui serait assisté par un système de contrôle central à distance. Il voulait éliminer l’obligation d’avoir un ingénieur ferroviaire et au moins un conducteur par convoi. C’est à ce moment qu’un élu républicain, le représentant John Dobyns, bien décidé à lui barrer la route et outré de ce manque de responsabilité pour la protection du public affirma « « Ed Burkhardt se fiche de la sécurité du public. Il pense à ses profits, point final ». Dobyns réussit alors à faire rejeter sa proposition.
Mais en mai 2010, suite à des accords avec des responsables américains et canadiens, Burkhardt put enfin mettre en place sa vieille idée, dans l’espoir d’économiser 4,5 millions. Depuis l’accident, et hier encore, il a persisté dans la défense de sa décision et affirme que « le simple fait d’assurer la surveillance des convois aurait été trop coûteux et aurait fait perdre des contrats à sa compagnie ».
La théorie du contrôle à distance de Burkhardt, pour justifier un seul ingénieur ferroviaire par convoi, s’est envolée avec l’accident de Lac Mégantic. Il est clair que dans de tels convois qui parcourent des milliers de km et durent de longues heures, un conducteur « standby » additionnel, au minimum, est absolument nécessaire pour assurer la protection du public advenant un problème avec l’ingénieur ou le convoi. Fini le « one-man show »!
Seules deux compagnies ferroviaires sont autorisées au Québec à faire circuler des convois avec un seul ingénieur ferroviaire à bord. Ce sont MMA et Quebec North Shore and Labrador (QNS). La première est dédiée au transport de pétrole par wagons-citernes et l’autre, la QNS, œuvre sur la Côte-Nord québécoise pour le transport de minerai. MMA part du Dakota Nord, traverse villes et villages du Canada pour le livrer dans l’État du Maine de l’est américain, avec des convois de 1,5 km de longueur sur une infrastructure de ligne mal-entretenue dont la condition est de qualité moyenne. QNS origine au grand nord Québécois, traverse des régions sauvages et roule sur une infrastructure en excellente condition jusqu’au fleuve St-Laurent, avec des convois de 3km de long.
Il y a en plus, au Québec, deux autres compagnies ferroviaires, moins importantes, qui utilisent des chemins de fer de juridiction québécoise dont une pour le transport de minerai de Port Cartier à Fermont. Celles-là ont l’obligation d’avoir à bord un minimum d’un ingénieur ferroviaire et d’un conducteur. Il y a donc une différence importante entre les législations américaine, canadienne et québécoise. Cela démontre que le lobby pétrolier, qui a appuyé fermement Burkhardt, conjointement avec les politiciens américains et canadiens qui ont accepté, sur leur territoire, l’application d’une dérégulation permettant de limiter à un ingénieur ferroviaire des convois de cette importance, doivent aussi porter une part de la responsabilité de l’apocalypse du Lac Mégantic.
Cette situation doit être corrigée dans les plus brefs délais, car l’accident de Lac Mégantic a mis en relief et nous a fait comprendre la croissance illimitée du transport du pétrole. La Presse rapportait aujourd’hui des statistiques inquiétantes : au Canada, en 2008, plus de 500 wagons-citernes circulaient sur nos voies ferrées, alors qu’en 2013 le nombre dépassera 140 000. C’est inimaginable.
Nonobstant les critiques et les opposants au pétrole, sa production augmente de façon exponentielle, particulièrement en Amérique du Nord. Il faudra donc aller vers les oléoducs au plus vite car moins dangereux pour le public.
Le 4 janvier dernier, mon blog portait sur la question « le boom pétrolier canadien » et je suggère au lecteur de le lire (voir archives du blog) pour mieux comprendre l’importance que prennent les modes de distribution du pétrole. Voici un extrait de ce blog sur la question d’ « oléoduc versus rails » : « Les chercheurs de l’institut Manhattan ont comparé tous ces modes de transport. Ils ont analysé les incidents passés occasionnés par chacun. Ils sont arrivés à la conclusion que les possibilités de fuites de pétrole, de morts ou de blessures sont 34 fois plus grandes par rails que par oléoducs. De plus, « les trains créent des gaz à effets de serre pour l’énergie qu’ils consument et la quantité de pétrole qu’ils peuvent transporter n’est qu’une fraction de ce qu’elle peut être par oléoduc ».
En résumé, les vrais responsables du terrible accident du Lac Mégantic sont Ed Burkhardt qui a eu l’idée, le lobby pétrolier qui a pressurisé les politiciens et ces derniers, qu’ils soient américains ou canadiens, qui ont autorisé la dé-réglementation permettant un seul ingénieur ferroviaire sur chaque convoi.
Claude Dupras

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