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EUROCKÉENNES DE BELFORT 2013 JEUDI 4 ET VENDREDI 5 JUILLET
Qu'est ce qui fait que l'on apprécie un festival et y revient d'année en année ? Nous avons essayé d'y répondre la dernière fois en parlant du Kilbi, mais pour les Eurocks, il s'agit d'autre chose. Certes, le cadre est vraiment beau et les gens plutôt sympathiques. Pourtant, on penche davantage pour les évènements plus confidentiels, loin des foules (90 000 festivaliers généralement, 127 000 cette année) ivres mortes en tongs. Au fil du temps, nous sommes aussi devenues un peu des connasses très exigeantes quant à la programmation et passant notre temps à nous extasier pour des formations que seulement une tripotée d'illuminés adore. Nous ne nous reconnaissons plus vraiment, ou en tout cas, plus autant dans les artistes présents aux Eurocks, trop grand public, trop électro, pas tellement pointus.
Mais voilà, ça fait six éditions à la suite que l'on se fait, tels de vieux loups de mer. Les Eurocks sont devenues notre rituel, le seul festival où l'on est sûres d'aller chaque été, l'équipe réunie au complet. C'est là qu'on s'est vues en vrai pour la première fois, là qu'on a eu notre première accréditation presse, là qu'on a vécu le plus de choses ensemble. On y vient par automatisme. Et tous les défauts qui y existent et qu'on reprocherait fortement à d'autres évènements sont ici atténués, comme excusés. Il n'y avait pas énormément de groupes que l'on attendait (sauf le dimanche, puisque la programmation allait en crescendo, mais nous y reviendrons dans le prochain article), on n'a eu que quelques bonnes surprises, mais pourtant, on a vraiment aimé cette vingt-cinquième édition. Comme d'habitude.
JEUDI Pour cette édition anniversaire, le festival s'est ouvert un jour plus tôt (ceci expliquant le record d'affluence). Comme la soirée était plutôt light, surtout si l'on ne supporte pas M ou Jamiroquai, on a commencé doucement. C'est Alt-J qui a inauguré le week-end, sur la scène toujours aussi belle de la plage. C'était beaucoup mieux qu'à la Route du Rock l'an passé. L'horaire plus tardif de milieu de soirée aidant, le public était super enthousiaste, et on soupçonne aussi le groupe d'avoir pris des cours de présence scénique. Ils étaient beaucoup moins timides qu'un an plus tôt. Il faut dire qu'avec le succès (un peu exagéré ?) de leur album, ils ont écumé les salles de concert entre temps. Non vraiment, c'était un beau concert où les voix impeccables et synchro étaient mises en valeur. Rien de bien différent de l'album, mais pas grave.
Un peu plus tard, on s'est traînées au concert de M, pour passer le temps. On n'aime pas la musique du type mais on connait tout par coeur, la faute à la radio, ou au camping. Cela dit, effectivement c'est un showman, et il a une tonne de matériel sur scène, comme des marionnettes africaines et des lumières mobiles impressionnantes.
Toujours sur la plage, on a testé notre street cred sur Joey Bada$$. On a entendu plein de "mothafucka" et de "say Brooooklyn !", un brin cliché, mais efficace. Y a même eu un sample de NTM à un moment. Le set était énergique, et même si on n'y connait rien à ce style de musique, on a bien aimé. Beaucoup plus que Major Lazer en tout cas, qu'on attendait pour pouvoir bouger son boule sur "Bubble Butt" ou chanter sur "Get Free". En fait, c'était horrible. Diplo et ses poteaux ont passé l'entièreté du set à rien foutre si ce n'est les pitres sur scène pendant qu'un DJ derrière faisait tout le boulot. Les visuels plutôt cools n'ont pas suffi à faire illusion, on a vite capté l'arnaque. Le moment le plus pathétique a été quand ils ont enlevé leurs costards et se sont mis torse nus sur la cabine de DJ pour faire tourner dans les airs leurs tee shirts. Surtout, la musique était horrible. Ils samplaient tout et n'importe quoi toutes les trente secondes. Ainsi, ils se sont attaqués à Beyoncé, Yeah Yeah Yeahs, Nirvana, House of Pain, et nous ont même servi du "Harlem Shake". Le pire de tout ça, c'était le public hyper bourrin. Tandis que quelques heures auparavant, on s'émerveillait du pouvoir de la musique sur les foules en regardant d'un air niais Alt J, on a juste voulu mourir pendant Major Lazer, n'ayant jamais rencontré une telle concentration de gens stupides et violents au mètre carré à un concert. Plus jamais, merci.
S'enfuyant à toutes jambes de la plage, nous avons dû, en punition, nous coltiner la fin du set de Jamiroquai. Sachant que la musique de ce mec me donne des boutons direct. Insupportablement irritant et attifé comme un immigré mexicain, le gus s'est permis de jouer vingt minutes de plus, empiétant sans honte sur le concert de La Femme, qui joueront bien moins que prévu à cause de l'énergumène.
La Femme, justement, qu'on voyait pour la énième fois, était le meilleur concert de cette soirée finalement assez pauvre d'un point de vue musical. Et encore, cela ne valait pas leurs concerts des débuts dans leurs caves bordelaises. D'autant plus que la boue qui avait envahi la scène de la Loggia à cause d'une grosse averse la veille scotchait nos pieds au sol et nous empêchait de danser comme on le voulait. On s'est donc contentées de chanter les morceaux de leur album qu'on connait maintenant par coeur, avec toujours une préférence pour "Nous étions deux". Le groupe est toujours aussi classe, rien de bien nouveau, si ce n'est que Sacha a eu la bonne idée d'apprendre à jouer du thérémine, ce qui n'est pas donné à tout le monde.
Ah, oui aussi, il fallait qu'on vous le dise. Nous sommes arrivées trop tard sur le site du festival pour voir le live de Parquet Courts. Mais une amie en qui nous avons grande confiance en matière de musique nous a dit qu'on avait raté le meilleur concert de la soirée et que ce groupe va bientôt devenir un phénomène. On s'est dit que l'info pourrait vous intéresser.
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VENDREDI Même pas fatiguées après le premier jour, on réenchaîne le lendemain pour une journée à peine plus intéressante au niveau de la programmation (on vous l'a dit, tous les bons groupes étaient prévus pour la fin du week end). Nous regardons donc tranquilou en dégustant une glace Airboune et découvrons ainsi la vérité quant au hard rock : c'est hyper mélodieux en fait. On oserait même dire "pop" pour les refrains bien catchy. On a fini par se prendre de sympathie pour tous ces Australiens poilus et perpétuant la tradition des clichés du genre. Peut être même qu'un jour, on s'y mettra pour de vrai, au premier degré.
En retournant du côté de la Loggia, une bonne nouvelle : la boue a séché, on va pouvoir se secouer pendant Fidlar, un des concerts qu'on attendait le plus du week end, étant donné notre récente monomanie pour ces Californiens. C'est tout con, depuis qu'on a découvert ces fervents représentants du punk au sens premier du terme, on ne peut plus s'arrêter de les aimer. Conscientes de notre impossible objectivité sur leur performance, on préfère être honnêtes et vous dire que même si leur concert avait été tout pourri, on l'aurait adoré. On ne les a même pas trouvés un poil ridicules quand ils ont demandé au public du LSD. Le chanteur a une sacré présence scénique, la batterie envoie sec, ils ont fait le riff d'une chanson d'Airbourne, le public a sauté partout et a même déchiré le tee shirt d'un vigile... impeccable. Cependant, ils n'ont pas compris qu'ils sont devenus trop célèbres et ne jouent plus dans des garages de copains : inviter la foule à monter sur scène alors qu'il y a des barrières et une fosse remplie d'agents de sécurité entre les deux, c'est clairement n'avoir aucun sens de l'observation. Ou être défoncé.
D'ailleurs, c'est peut être pour la raison précitée que Trash Talk ont annulé, ce qui est un peu une de leurs spécialités. Il parait qu'ils étaient "bloqués à l'étranger". Pendant ce temps là, sur la plage, la Côte d'Ivoire s'était invitée avec le collectif d'artistes "Le Club des Justiciers Milliardaires d'Abidjan", rassemblés à l'initiative de Georges, non pardon, Etienne Tron, DJ français. L'idée de départ, de donner plus de visibilité aux musiques urbaines d'Afrique, est clairement louable. Malheureusement, dans la pratique, on n'a pas perçu une grande originalité dans le set, qui était exactement comme on imagine un groupe africain jouer des musiques "ghetto" (comme a dit joliment l'AFP). On nous a confirmé qu'ils reprenaient tous les tubes que l'on peut retrouver dans les compiles des Mamas. Cela dit, on était un peu loin, et il est fort probable que l'ambiance devant devait être assez géniale.
Puisqu'on reste en Afrique, on a pu croiser pendant tout le weekend des marionnettes géantes du Burkina Faso ("Les Grandes Personnes de Boromo"), c'était beau, impressionnant, original, et ça rendait tout le monde joyeux. C'est sûrement le meilleur spectacle de rue qu'on a vu aux Eurocks en six éditions.
La tête d'affiche du vendredi était les Smashing Pumpkins. Honte à nous ou pas, on ne sait pas grand chose d'eux, si ce n'est deux-trois tubes et le fait que Billy Corgan n'était pas si gros avant. Le son était puissant, tout était bien réglé, mais on a trouvé le concert un peu mou et froid, la faute à la quasi non communication avec le public sûrement. Et puis une heure trente, c'est un peu long, surtout quand on laisse "1979" pour la fin. J'ai surtout pensé à cette chronique géniale de Magic pour l'album Zeitgeist qui comparait Corgan à un roi et se terminait par "Le roi est mort, vive la mort."
Pour finir sur une note plus appréciable et crade, on s'est pris du math rock dans les oreilles avec Electric Electric, Strasbourgeois signés chez le très pointu label African Tape. Loin des expérimentations parfois super chiantes auxquelles ce style de musique nous a parfois habituées, ce concert a été la bonne surprise du jour. Un groupe qui joue vite et fort, une claque sonore comme il fallait pour nous ramener au lit. Demain, ce sera encore mieux.
Photo de Fidlar par Juliet