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Quand Hollande rencontre le lobby bancaire

Publié le 23 juillet 2013 par Juan

Quand Hollande rencontre le lobby bancaire

source: JDN


Vendredi dernier, François Hollande a rencontré le lobby bancaire. Autant désigner par son nom les les membres du comité exécutif de la Fédération bancaire française. L'entretien fut court, mais suffisamment important pour que les rumeurs fusent. En fait, la diversion était belle, même si l'enjeu du rendez-vous était sacrément important.
Encourager les prêts aux PME
Le rendez-vous était tout sauf secret, n'en déplaisent à quelques critiques rapides. On avait appris quelques jours avant que l'actuel Livret A verrait sa rémunération baisser de 1,75% à 1,25%. C'est triste mais c'est comme ça. La rémunération de cette épargne populaire est notamment calculée sur l'inflation.
L'information plus importante était le prochain transfert de 25 milliards d'euros des fonds du Livret A gérés par la Caisse des Dépôts à nos banques nationales. Ce montant fut porté à 30 milliards en fin de semaine dernière.  Encore un cadeau ? Ben non. Il fallait lire, comprendre, et analyser. Les fonds du livret A servent à financer le logement social. Depuis 2009, les Caisses d'Epargne et la Poste n'en ont plus le monopole de la collecte, mais 65% des fonds ainsi collectés sont ensuite reversés à la Caisse des Dépôts. En en transférant une fraction (30 milliards sur 237 milliards), les banques font coup double: primo, elle pourront les comptabiliser dans les ratios de solvabilité imposés au niveau international. Secundo, elles pourront financer davantage d'autres activités économiques que la construction, des financements fléchés vers les PME. Un communiqué officiel précisait que "ces ressources permettront aux banques de prêter davantage pour le financement de l'économie, principalement au bénéfice des petites et moyennes entreprises. (...) Les établissements bancaires baisseront leur taux de commission de 0,5% à 0,4% afin de réduire le coût de la ressource du fonds d'épargne, au profit notamment du financement du logement social"."
Prêter aux entreprises petites et moyennes à bas coût, en période de crise, l'idée est plutôt nécessaire. Car l'une des conséquences de la crise financière, l'une des rares actions concrètes décidées par nos gouvernants du monde, fut d'exiger davantage de fonds propres et assimilés en contrepartie des crédits que nos banques accordent.
Ce rendez-vous élyséen n'était là que pour cela.
Hollande a tardé avant de rencontrer ces représentants de la profession bancaire. Il paraît que Hollande voulait mettre mettre un visage sur des noms. Il n'avait pas cette proximité de son prédécesseur avec ces têtes d'affiches. Les Echos nous ont livré les noms:
Jean-Paul Chifflet, directeur général du Crédit Agricole et président de la FBF, Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas, Michel Lucas, président de Crédit Mutuel-CIC, François Pérol, président du directoire de BPCE, Séverin Cabannes, directeur général délégué de la Société Générale, qui remplaçait son PDG, Frédéric Oudéa, et Philippe Wahl, président du directoire de La Banque Postale.
Un an sans rendez-vous officiel, un vrai scandale ! D'après les Echos, l'Elysée pourrait faire mieux encore que ces premiers 30 milliards débloqués. "Selon nos informations, un bilan de cette mesure est prévu à l’automne. Si la production de crédits aux PME a repris d’ici là un rythme dynamique, les établissements bancaires pourraient obtenir 20 milliards d’euros supplémentaires d’épargne réglementée."
Une carotte plutôt qu'un bâton.

Il y avait d'autres sujets que nous attendions de cette rencontre. Pour être précis, une explication vire une confrontation sur tout ce qui manquait dans les rapports entre l'actuel gouvernement et la "finance": davantage que du donnant/donnant. Certes, une taxe sur les transactions financières avait été votée en août 2012. Mais il manquait encore son pendant européen. Et les récentes déclarations de Pierre Moscovici devant un autre parterre de banquiers ont provoqué une jolie confusion.
Nous pourrions aussi revenir sur la loi bancaire. Nous avons expliqué dans ces colonnes que s'alarmer que nos banques n'aient pas été démembrées plus fortement ne méritaient pas autant de rage. François Hollande, dans son fameux discours du Bourget, avait promis: "Maîtriser la finance commencera ici par le vote d’une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit par rapport aux opérations spéculatives". Et, oui, certes, bien sûr, les banques françaises n'ont pas fini coupées en deux comme on le pensait. Les mêmes qui critiquent d'ailleurs ce recul dans les modalités furent désemparées ou surprises par la "solution chypriote". Car nous parlons bien de démembrement, comme l'explique fort bien Attac: 
"En réalité, c’est parce qu’il n'y a pas de possibilité de faire fonctionner une banque de marché seule, sans garantie des États. La banque de marché vit de la banque de dépôt, elle s’en nourrit. Isolée, sans les dépôts des épargnants, sans garantie de l’État et de la banque centrale, face à la difficulté d'obtenir une notation financière suffisamment élevée dans ces conditions, confrontée aux risques et à la nécessité de maintenir sa crédibilité vis-à-vis de ses contreparties, la banque d’affaires n’est plus vraiment une affaire." 
La loi bancaire veut créer quelques instruments préventifs, pour éviter une répétition de la crise financière de 2008: un fonds de résolution de 10 milliards d'euros constitué par les banques elles-mêmes, une nouvelle autorité de surveillance, l'imputation prioritaire des pertes sur les dividendes et créances, etc. Ces instruments sont insuffisants, mais c'est un début, comme l'a reconnu la députée socialiste Karine Berger, lors de son adoption définitive, en seconde lecture à l'Assemblée la semaine dernière. "Oui, il y aura d'autres crises financières, et nous devrons donc ajouter des étages à cette tour de Babel de la régulation financière, comme le shadow banking, qui n'est pas abordé par notre loi. (...) Cette loi constituera un cessez-le-feu entre nous et la finance folle mais pas la fin de la guerre."
Mais ce vendredi 19 juillet à l'Elysée, que donc se sont-ils dits, Hollande et ces grands banquiers à ce propos ? 
Nous pouvions nous également demandés si Hollande les avait prévenus que les "produits financiers toxiques […] seront purement et simplement interdits". La réforme bancaire accorde davantage de moyens de suppression à l'AMF, mais point d'interdiction pure et simple. On peut comprendre que le sujet est suffisamment complexe pour que l'appréciation soit délégué à un juge - l'AMF.
En fait, nous devions nous demander cette question simple et directe, l'une des plus simples qu'il nous soit donné de poser en matière bancaire: François Hollande a-t-il demandé à ces grands banquiers, patrons d'indispensables rouages de l'économie nationale, quand ils comptaient supprimer leurs filiales et placements dans des paradis fiscaux.
"Aucune banque française ne pourra avoir de présence dans les paradis fiscaux."

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