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Le Dreamliner : bilan

Publié le 25 juillet 2013 par Toulouseweb
Quel magnifique appareil que le Boeing 787 Dreamliner, somptueux ! J’ai toujours aimé les Boeing, mais force est de constater qu’avec son wingflex phénoménal, celui-lŕ surclasse de loin ses grands-frčres et a quelque chose d’ensorcelant !

L’accouchement fut pourtant difficile : initialement prévu fin juillet 2007, le premier vol du 787 avait finalement été reporté au 15 décembre 2009.
Deux ans de retard donc, mais imputables selon Boeing, ŕ des sous-traitants qui auraient eu Ť du mal ŕ fournir les pičces au rythme souhaité ť. Ah, les fainéants ! Un détail sur lequel Boeing a moins communiqué en revanche, c’est que la principale défaillance résidait peut-ętre ŕ externaliser la conception d’un appareil aussi révolutionnaire, sur des chaînes d’assemblage qui n’avaient pas encore vocation ŕ exercer dans un domaine aussi pointu. Résultats :
— Des sections de fuselage fabriquées en Italie, furent jugées de qualité insuffisante,
— Des panneaux en composites se révélčrent plus délicats ŕ installer que prévu,
— L’ancrage des ailes se révéla trop fragile et sa conception dűt ętre intégralement repensée.
Ça partait mal !

Mais, lorsque le 15 décembre 2009, je l’ai vu prendre son envol pour la premičre fois depuis la 32L de Paine Field, je me suis dit : Ť Quelle belle g…. ! Ça valait la peine d’attendre ! ť.
Un peu moins de deux ans aprčs ce Ť Maiden Flight ť et ŕ l’issue d’une longue campagne de tests, l’appareil avait obtenu sa certification. Le premier exemplaire était livré ŕ la compagnie All Nippon Airways, en septembre 2011. L’avion était beau, les retards et les difficultés furent vite oubliés !

Ŕ la fin 2012, Boeing totalisait 848 commandes de Dreamliner et en avait déjŕ livré 49. Fort de ce succčs, le constructeur Américain se voyait déjŕ reprendre quelques longueurs d’avance sur le jeune Airbus, cet insolent, qui depuis quelques années, avait eu une forte propension ŕ se distinguer, voire ŕ le surclasser.
Hélas…

— 7 janvier 2013 : une batterie au lithium-ion prend feu ŕ bord d’un Boeing 787 de Japan Airlines (JAL) sur l’aéroport Logan de Boston.
— 8 janvier 2013 : toujours ŕ Boston une fuite de kérosčne est détectée sur un autre 787 de JAL. Le décollage est annulé.
— 9 janvier 2013 : suite ŕ des problčmes de freinage, JAL annule tous ses vols intérieurs.
— 10 janvier 2013 : l’apparition d’une fissure sur le pare-brise du cockpit force l’équipage ŕ atterrir en emergency ŕ Matsuyama.
— 10 janvier 2013 : le męme jour, sur l’aéroport de Miyazaki, une nouvelle fuite de carburant est constatée sur un appareil de ANA.
— 11 janvier 2013 : la FAA, ordonne une inspection de Ť l'ensemble des systčmes critiques de l'appareil ť.
— 16 janvier 2013 : dans la nuit du 15 au 16, un Dreamliner est contraint de se poser en urgence ŕ cause d'une alarme signalant la présence de fumée et d'une forte odeur ŕ bord en provenance de la batterie. Les réactions de JAL et ANA sont immédiates : les deux compagnies clouent au sol tous leurs 787.
— 17 janvier 2013 : la FAA annonce qu’elle interdit de vol tous les 787 en service dans le monde. Il faut remonter au DC-10 pour voir une telle mesure prise par l’autorité Américaine… c’était en mai 1979.
L’interdiction de vol des Dreamliner porta un coup trčs dur ŕ Boeing. Toutes les compagnies qui exploitaient le 787 durent annuler plusieurs centaines de vols.
Trois mois plus tard, le 19 avril, et aprčs de nombreux tests au sol et vols d’essais, la FAA certifia les batteries Ť modifiées ť et autorisa le Dreamliner ŕ reprendre les airs.
Les modifications portaient notamment sur un Ť niveau acceptable de charge ť revu ŕ la baisse et des chargeurs modifiés afin que ces derniers soient plus Ť doux ť.
En d’autres termes, les batteries au lithium-ion du 787 disposent aujourd’hui d’une autonomie plus faible et d’un temps de charge augmenté. Cherchez l’erreur !
Mais le correctif le plus visible demeure leur confinement dans un caisson blindé, étanche, vidé d’oxygčne et ventilé… En sommes, si aujourd’hui les batteries prennent feu, l’étanchéité du caisson évitera la propagation de l’incendie et de fumées ŕ l’intérieur de l’appareil. Belle consolation !
Ironie du sort ; ŕ cause de ces nouveaux caissons blindés, ces fameuses batteries au lithium-ion — choisies notamment pour leur faible poids — sont désormais ŕ peine moins lourdes que les batteries au nickel-cadmium de conception plus ancienne.
Un aveu d’échec donc, car pour l’heure ni le constructeur, ni la société GS Yuasa, le fabriquant, ne semblent ętre en capacité d’expliquer précisément pourquoi ces batteries au lithium-ion ont brűlé.

Contrairement ŕ Airbus et son A350-XWB — qui, au vu de cette série noire, n’a pas hésité ŕ jouer la sécurité et activer son Ť plan B ť en adoptant des batteries plus stables au nickel-cadmium — Boeing ne peut plus se permettre de revenir en arričre sans revoir l’architecture complexe de son Dreamliner. Le constructeur a donc choisi de se démarquer et d’adopter une stratégie moins préventive, plus risquée mais répondant ŕ des impératifs plus pressants : calmer les marchés, rassurer ses clients… parer au plus pressé.
Mais voici l’optimisme de Boeing de nouveau gâché par l’actualité :
Le 12 juillet dernier, un Dreamliner d’Ethiopian Airlines prenait feu sur le tarmac de l’aéroport de Londres Heathrow. L’enquęte est en cours mais il semblerait que les enquęteurs du AAIB (le Ť BEA ť britannique) aient d’ores et déjŕ mis hors de cause les batteries. L’enquęte s’orienterait sur la survenue d’un court-circuit dans une autre catégorie d’accumulateurs, bien plus petits, mais également faisant appel ŕ la technologie lithium-ion.
Fabriquées par la société Honeywell ces petites batteries, destinées ŕ alimenter la balise de détresse de l’appareil, auraient présenté un défaut de fabrication. La cause serait męme humaine, puisqu’un défaut d’assemblage serait incriminé… Dans ce cas, mis ŕ part le pauvre bougre qui a mal bossé, voilŕ une cause dont Ť beaucoup de monde ť pourraient s’accommoder !
Vendredi dernier, 19 juillet, John Leahy, directeur commercial d’Airbus, a durement critiqué le Dreamliner qui, selon lui n’est pas Ť fiable ť. Il a notamment déclaré : Ť Ce qu'ils ont, c'est une architecture qui n'est pas ŕ maturité et qui le deviendra progressivement. Cela va prendre beaucoup de temps, beaucoup d'argent et beaucoup d'annulations de vols ť.
C’est ce qu’on appelle un Ť coup de 12,7 ť !
La réponse faite ŕ ces allégations par James Mc Nerney, PDG de Boeing, hésite entre provocation et déni : Ť John s’est sűrement laissé emporter… il faudrait lui poser la question ť.
Le 24 juillet, Boeing a réitéré sa confiance quant au potentiel du Dreamliner et le constructeur Américain a męme annoncé revoir ŕ la hausse ses prévisions de chiffre d’affaires et de marge opérationnelle en se basant sur une Ť (…) solide performance au premier semestre et [des] perspectives positives (…) ť.

Pour l’heure, il semblerait que la stratégie de Boeing soit gagnante ; le 787 vole et ses déboires n’ont visiblement pas affecté la compétitivité de Boeing, ni ses perspective de ventes.
Tant mieux ! Si l’histoire du Dreamliner a mal commencé, il s’agit maintenant qu’elle se termine bien…

Bastien Otelli – AeroMorning

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