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Pourquoi Milan ne peut rien dépenser?

Publié le 25 juillet 2013 par Passionacmilan

BerlusconiAujourd’hui, beaucoup de tifosi de l’AC Milan se posent des questions légitimes mais sans réponses sur la situation du mercato. Pourquoi Milan, le club qui a le plus gros chiffre d’affaires en Italie, n’est-il pas capable d’acheter un joueur à 5M? Pourquoi les autres clubs, moins riches que Milan, peut s’offrir des joueurs? On pourrait continuer à se poser des questions. Des « vrais tifosis » pourraient tenter de justifier la situation en reprenant les excuses avancées par nos dirigeants. Dans cet article, on va essayer de répondre aux questions, en se basant sur des chiffres officiels (et publics). Attention, ce que vous allez lire ne va pas vous plaire.

PETIT RAPPEL
A vrai dire, on a déjà eu pas mal de réponses sur les difficultés économiques de Milan. Comme par exemple que les ventes de Ibrahimovic et Thiago Silva ont « uniquement » servi à éponger la dette annuelle. Ou encore que les économies de salaires ne se verront que plus tard et qu’il y a encore des efforts à fournir pour pouvoir bénéficier de liquidité. Bien bien bien, mais pourquoi en est-on arrivé là? Là aussi on sait très bien que l’époque post Athènes a été très mal gérée, avec des contrats pharaoniques aux sénateurs (et pas seulement), une masse salariale hallucinante et surtout un rapport masse salariale / compétitivité de l’équipe catastrophique. Tout cela a fini par étouffer les finances qui ont empêché d’investir pour rajeunir l’équipe et assurer une transition douce entre l’ancienne et la nouvelle génération. De plus, Berlusconi a décidé au même moment (au pire moment…) que le club devait pouvoir vivre de ses propres moyens. Résultat, une équipe à reconstruire et rajeunir sans argent à investir tout en restant compétitif au plus haut niveau : une mission impossible. Année après année, Milan a du vendre ses meilleurs joueurs pour limiter les dégâts. Et puis, après plusieurs années de bricolage, Milan a décidé (l’année passée) de repartir à zéro. Une révolution radicale mais avec les effets de la mauvaise gestion se paient encore aujourd’hui. Pour en avoir la preuve, il suffit de suivre l’actualité du mercato : budget 0, aucun joueur arrive si aucun part, ventes (réussies ou non) de grands joueurs pour disposer d’argent… On va tenter de comprendre ce qui se passe en chiffres :

MASSE SALARIALE DISPROPORTIONNÉE
Commençons par une donnée éclatante : En 2012 (c’est-à-dire la seconde moitié de la saison 2011-2012 et la première moitié de 2012-2013), la masse salariale de l’AC Milan s’élevait à 183,8M (avec 275M de CA sans compter les plus-values). En comparaison, la masse salariale du Bayern Munich qui a remporté la Bundesliga, la Champions League et la Coupe d’Allemagne s’élève à 165,6M (avec 368M de CA sans compter les plus-values). C’est une constatation que l’on peut faire en jetant un oeil aux bilans financiers des équipes européennes ainsi qu’aux analyses publiées sur http://luckmar.blogspot.it/ et http://tifosobilanciato.it/.

Le fair play financier voulu par Michel Platini se base sur plusieurs facteurs pour évaluer la qualité de gestion des clubs européens (Règlement complet du FPF). Cependant l’analyse complète serait trop longue, lourde et compliquée (trop pour moi). Alors concentrons-nous uniquement sur le point « cout du personnel », qui pour respecter les paramètres du FPF doit être inférieur à 70% du chiffre d’affaires (total revenue). Attention que ce total revenue n’est pas le chiffre d’affaires total car il comprend : les recettes de stade, ceux des sponsors et publicités, les droits TV et les recettes commerciales. Par contre, cela ne comprend pas les plus-value faites sur les ventes de joueurs, qui est par contre pris en compte lors du calcul du break even (équilibre revenus – dépenses).

Le cout du personnel (ou masse salariale) est le plus gros problème des clubs européens. La diminution de la masse salariale est devenue une mission vitale afin d’optimiser les dépenses. En d’autres termes, chaque joueur doit être payé en proportion de sa valeur et de son apport à l’équipe. C’est un concept élémentaire. Et pourtant depuis 2007, cela a complètement échappé à l’AC Milan qui a entrepris une politique contraire (comme expliqué plus haut). Cette gestion menée par Galliani et acceptée, tacitement ou non, par Berlusconi a rendu la situation financière de Milan insoutenable. Aujourd’hui encore, la masse salariale est trop élevée, et surtout disproportionnée par rapport à la qualité de l’équipe. Ainsi, même si Milan est le club italien qui a le chiffre d’affaires le plus élevé (mais plus pour longtemps, la Juve va passer devant cette année), le club ne peut pas acheter de joueurs, contrairement à des clubs qui gagnent moins mais gèrent mieux, et qui peuvent, eux, investir.

C’est le cas par exemple de Naples, qui depuis son retour en Serie A dépense énormément pour acheter des joueurs alors que son chiffre d’affaires deux fois moins élevé que celui de Milan. La Juventus gère également mieux que Milan, au moins lors des deux dernières années. Voici un tableau qui montre le rapport entre le chiffre d’affaires (Produzione) et les salaires (Stipendi), toujours sans compter les plus-values sur les joueurs, comme le fera le FPF.

Pourquoi Milan ne peut rien dépenser?

Mise à part la terrible saison 2010-2011 de la Juventus (exclusion de la Champions League, et gestion désastreuse de Secco et Blanc) ainsi que la première saison de Marotta et Paratici qui ont du réparer les erreurs, Milan a constamment un rapport CA / salaires plus élevé que Juventus et Napoli. En 2012, malgré le départ des sénateurs, de Ibra et Thiago (mais il y a encore les 6 mois de salaire de tout ce beau monde) Milan a gardé une masse salariale et un rapport CA / salaires plus élevés que Juventus et Napoli. A noter les quatre années précédentes catastrophiques (les contrats post Athènes) durant lesquelles les salaires s’élevaient toujours à plus de 81% du CA avec un pic à 85%, et comme résultat seulement deux titres. En comparant ces deux dernières années avec la Juventus, on remarque qu’ils ont dépensé 83M en moins en salaire et ont gagné plus de titres que Milan (3 titres à 0). Quant à Napoli, on remarque un excellentissime rapport entre sa masse salariale et sa compétitivité, signe d’une gestion bien réfléchie (et le club est progression constante et rapide). Conclusion : Milan est loin d’avoir réglé son problème de masse salariale.

Allons un peu plus loin dans la comparaison avec la Juventus en ce qui concerne l’achat de joueurs et les salaires. De 2008 à 2013, le CA de Milan a été supérieur à celui de la Juventus (1.176,5M contre 1.081,2M), les dépenses entre achats de joueurs et salaires sont assez similaires. Cependant la répartition de ceux-ci fait toute la différence :

Pourquoi Milan ne peut rien dépenser?

L’énorme dépense en salaire de Milan, supérieure de 216,3M par rapport à la Juventus a empêché les Rossoneri de renforcer l’équipe en achetant des joueurs, obligeant le club à engager des joueurs gratuits ou low cost, se révélant la plupart du temps des échecs (Taiwo, Mesbah, Traoré, Emanuelson, Acerbi etc. etc. etc.). En d’autres termes, optimiser la masse salariale est capital pour avoir des liquidités à investir dans l’achat de joueurs et ainsi éviter d’être obligé de se tourner vers les seconds couteaux. Entre 2008 et 2013, Milan est même en positif lorsqu’on compare l’achat et la vente de joueurs (+18,6M grâce aux ventes des top players…). Il faut cependant noter une différence de gestion des pertes des deux clubs : la Juventus a épongé ses pertes dues à ces mauvais investissements (Diego, Felipe Melo, Krasic etc.) par des augmentations de capital alors que Milan a du réparer ses erreurs de gestion en vendant ses meilleurs joueurs.

Tout cela pour démontrer la différence entre une gestion saine et programmée (les autres clubs) à une gestion basée sur l’humeur du propriétaire (Milan), qui achète parfois des grands joueurs (aux salaires pharaoniques) sans réfléchir aux conséquences sur les finances à plus long terme. Ainsi, avec une gestion raisonnable, Milan n’aurait probablement pas remporté de Scudetto et de Supercoupe en 2011 mais aurait aujourd’hui des finances plus stables qui auraient permis de construire une équipe tranquillement sans être forcé de récupérer en un an (l’année passée) les erreurs des 5 années précédentes. Les finances seraient également meilleures si des dizaines de millions d’euros n’avaient pas été gaspillés en salaires disproportionnés et achats inutiles effectués par Galliani.

Au niveau européen, il serait inutile de comparer les CA avec les top clubs mais voici le rapport entre CA et salaires :

1. Chelsea : 67%
2. Barcelone : 54%
3. Manchester United : 50,5%
4. Real Madrid : 45,5%
5. Bayern Munich : 44,2%
6. Borussia Dortmund : 42%

On pourrait croire que le rapport peu élevé est du à une fiscalité plus avantageuse dans les autres pays européens (comme le dis toujours Galliani) mais d’après une analyse sur le régime fiscal des footballeurs européens (source en italien), on se rend compte que cette excuse ne tient pas debout, mis à part pour les contrats signés en Espagne avant 2010 qui bénéficiaient de la loi Beckham (qui n’existe plus) et donc d’une taxation de 23% au lieu de 43%. Dans les autres cas, le régime de taxation des salaires est au moins aussi élevé qu’en Italie. Voilà qui dément une autre thèse avancée par nos dirigeants. Voici un tableau des pays et du pourcentage de taxation sur les gros salaires :

Pourquoi Milan ne peut rien dépenser?

CONCLUSION
Aujourd’hui encore, Milan paie ses erreurs de gestion et se voit incapable de réaliser un mercato à la hauteur de son blason et de ses ambitions principalement à cause d’une masse salariale insupportable (il faut savoir par exemple que Traoré perçoit le même salaire que Borja Valero…). Heureusement, des mesures drastiques ont été prises et le club semble sur la bonne voie. Parmi ces mesures, il y a notamment la volonté de réduire et par conséquent optimiser l’effectif mais aussi l’instauration d’un plafond salarial, la prolongation annuelle pour les trentenaires et un rajeunissement de l’effectif.

Néanmoins, il est curieux que toutes ces (excellentes) mesures pourtant extrêmement logiques et souvent défendues par la majorité des tifosi depuis des années n’aient pas été prises au bon moment. La bonne nouvelle est que pour le bilan 2013, la masse salariale devrait baisser d’environ 30-35M. Et si le chiffre d’affaires ne diminue pas, le cout du personnel représentera entre 55 et 60% du budget total. Concrètement, cela devrait permettre, dès le mois de janvier 2014, d’augmenter l’argent disponible à investir en achat de joueurs et rendre Milan un peu plus « normal » aux yeux de tous au niveau du mercato. Il faudra donc avoir un peu de patience. Avec un peu d’optimisme on peut également penser qu’en cas de qualification en Champions League, le club investira une partie des primes UEFA lors des derniers jours du mois d’aout.

En définitif, de 2007 à 2012, Milan a entrepris une politique qu’on pourrait définir, et c’est un euphémisme, de désastreuse. Une gestion qui a été à l’encontre de toute logique. Galliani a pratiquement coulé Milan (avec l’aide de Berlusconi). Avec une politique à très court terme, En faisant signer des contrats indécents aux sénateurs et en offrant des salaires disproportionnés à de nombreux joueurs, il a rendu la masse salariale tellement énorme qu’il a poussé le club au plus gros budget d’Italie (chiffre d’affaires le plus élevé) à vendre ses meilleurs joueurs : d’abord Kakà, ensuite Ibrahimovic et Thiago Silva et à recruter des joueurs gratuits ou low cost durant des années. Tout cela car au même moment, Berlusconi a décidé d’arrêter ses investissements personnels (ce qui peut se comprendre). Le résultat sportif de cette gestion se traduit simplement : du 17 décembre 2007 à aujourd’hui, Milan a remporté deux titres en étant le club le plus riche et avec la plus grosse masse salariale d’Italie (et une des plus grosses d’Europe). Si quelqu’un pense qu’il n’y avait pas moyen de mieux faire avec autant de moyens, ou bien c’est un imbécile, ou il est de mauvaise foi. Galliani et Berlusconi sont tous les deux responsables. Libre à chacun de décider qui l’est plus, qui l’est moins mais c’est comme choisir entre la peste et le choléra. Aujourd’hui encore, Milan est dans une situation difficile. L’avenir semble meilleur mais à quel prix? Je termine en espérant que ce long et ennuyant article aura permis de vous donner une idée précise. Ce qui est certain après avoir analysé toutes ces données, c’est que si certains ont encore le courage de vous dire que de 2007 à aujourd’hui Galliani et Berlusconi ont réalisé du bon boulot, vous pourrez lui rire au nez.


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