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Malgré les assassinats, les tunisiens résistent aux affronts salafistes, islamistes

Publié le 27 juillet 2013 par Micheltabanou

Si dans une période historique de forte turbulence, la Tunisie a tenu six mois sans assassinat politique, c’est parce que plus d’un million de citoyens ont accompagné la deuxième victime du terrorisme, Chokri  Belaïd, à sa dernière demeure, (la première victime étant Lotfi Nagdh). Les commanditaires, qui, selon des rumeurs invérifiables,  disposeraient  d’une longue liste de personnalités à éliminer, ne s’attendaient pas à une telle réaction populaire. Les assassins (commanditaires et exécutants confondus) comptaient sur l’indifférence du peuple tunisien pour rééditer ici le scénario algérien des années 1990. Mais, face à la marée humaine qui s’étirait le 8 février dernier,  de Djebel  Jelloud au cimetière du Jellaz, ils ont eu la trouille de leur vie et ont dû suspendre les actes terroristes qu’ils comptaient très probablement perpétrer après celui de 6 février dernier.

Il va sans dire que les personnes les plus attentives en Tunisie à  l’évolution des événements après l’assassinat politique du 6 février, et au déroulement des enquêtes policière et judiciaire, ce sont les commanditaires eux-mêmes. Force est de constater que, six mois après la mort de Chokri Belaïd,  l’évolution des événements et des enquêtes  s’est révélée être une source de soulagement, plutôt que d’inquiétude pour les commanditaires. Les résultats sont effectivement déprimants pour tous ceux qui cherchent la vérité, et en premier lieu la famille de Chokri Belaïd et ses compagnons de lutte, et vivifiants pour les commanditaires qui rêvent sans doute du destin des commanditaires de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, c’est-à-dire ne jamais être démasqués.

Pour l’instant, nul ne sait si les commanditaires de l’assassinat de Chokri Belaïd sont les mêmes qui ont recruté et armé les tueurs de Mohamed Brahmi, ou s’il s’agit d’autres professionnels de l’assassinat politique. Qu’on soit en présence des mêmes commanditaires ou non, ceux qui se trouvent derrière l’assassinat de Mohamed Brahmi se sont sentis incontestablement encouragés par le peu d’empressement, voire le manque de sérieux quant au traitement du dossier de l’assassinat de Chokri  Belaïd, et par l’inefficacité quant aux résultats de l’enquête.

Encouragés, les assassins sont revenus à la charge en choisissant la cible et le jour de son élimination. La cible, Mohamed Brahmi, est connue pour son opposition à la troïka et pour son attachement aux vraies valeurs démocratiques. Son rapprochement avec le Front populaire a sans doute multiplié ses ennemis. Homme affable, connu par son calme et sa sérénité, il est l’un des représentants de la population de Sidi Bouzid à l’Assemblée constituante. Actif, dynamique et combatif, il a entamé, avec deux de ses amis, le 1er octobre 2012 une grève de la faim pour protester contre la répression féroce dont étaient victimes en septembre de la même année les manifestants de Sidi Bouzid qui demandaient leur droit au travail et au développement.

Assassiner un représentant à l’Assemblée constituante le jour où la Tunisie fête le 56e anniversaire de la République et en plein mois de Ramadan, est un triple affront infligé au peuple tunisien. En d’autres termes, ce peuple a vu l’un de ses représentants à la Constituante criblé de 11 balles devant ses enfants ; il a vu son jour de fête se transformer en un jour de deuil ; et, enfin, on a osé porter atteinte à l’une des valeurs sacrées profondément ancrées dans le conscient collectif tunisien : le jeûne au mois de Ramadan.

Comment expliquer cet acharnement contre le peuple tunisien à travers ce triple affront qui lui est infligé par les commanditaires de ce nouvel assassinat politique ? Les commanditaires sont visiblement agacés par ce peuple qui s’est montré intraitable dans l’attachement à  son régime républicain, aux valeurs de la démocratie et de l’islam tolérant, celui des ancêtres. Le message des commanditaires au peuple tunisien est clair : il n’y aura pas de célébration du 56e anniversaire de la République le 25 juillet et la démocratie ne prendra pas racine en Tunisie, l’assassinat politique servant de catalyseur à l’anarchie qui, elle-même, espèrent les commanditaires, mènera à la destruction de l’Etat et à la « somalisation » de la Tunisie.

Ayant envoyé leur message au peuple tunisien, les commanditaires attendent avec impatience la réponse. Le désir ardent des tueurs est que les Tunisiens se désolidarisent les uns des autres, baissent la tête, se détachent des valeurs républicaines et démocratiques et se laissent guider par le bout du nez par les terroristes et leurs idéologues.

Mais entre le désir et la réalité, les distances sont souvent infranchissables. C’est le cas de la distance entre le désir des terroristes et la réalité du peuple tunisien. Celui-ci s’est révolté contre un dictateur qui pourtant lui a offert une économie qui comptait parmi les meilleures du continent et une sécurité que beaucoup nous enviaient. Ils se sont révoltés contre lui et l’ont chassé du pouvoir et du pays parce qu’il leur a dénié la dignité et la liberté. Il ne baissera pas la tête face à ceux qui ne sont capables de lui offrir que la panne économique,  l’insécurité, l’instabilité, l’anarchie et la pauvreté matérielle et intellectuelle.

S’ils veulent préserver leurs acquis républicains et préparer le terrain à leur renforcement, les Tunisiens sont tenus, dans l’immédiat, d’envoyer une réponse claire aux tueurs. Ils devront être plus nombreux encore aux funérailles de Mohamed Brahmi qu’aux celles de Chokri  Belaïd, et surtout plus exigeants dans la recherche de la vérité. Celle qui doit nous éclairer sur l’identité des commanditaires des assassinats politiques en Tunisie. Sans ce message, les tueurs se sentiront plus encouragés encore et poursuivront leur entreprise criminelle.


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