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Limitation de vitesse : plus vite sur le bitume !

Publié le 31 juillet 2013 par Copeau @Contrepoints

Peut-on imaginer des systèmes de limitation de vitesse plus innovants et flexibles pour les autoroutes ? L'exemple américain.

Par Greg Beato, depuis les États-Unis.

Limitation de vitesse : plus vite sur le bitume !

Dans les vastes plaines du centre du Texas, une nouvelle portion du State Highway 130 a ouvert en 2012 avec une accroche marketing irrésistible : sa vitesse limite de 137km/h est la plus haute aux États-Unis. Les 65 km d’autoroute à péage relient Seguin à Mustang Ridge. La première ville est une banlieue lointaine de San Antonio qui se nomme elle-même : « la capitale mondiale des noyers de pécan ». La seconde, avec 861 habitants, est bien connue pour ses contrôles radars. Ainsi, si vous mourrez d’envie de rouler vite, c’est devenu un petit peu plus facile. À 137km/h, le trajet entre les deux villes prend seulement 28 minutes 56 secondes.

À 105km/h [NdT : limite de vitesse courante sur les autoroutes américaines], le voyage prendrait presque 9 minutes de plus – une éternité pour une époque où l’on s’attend à avoir un accès immédiat à toute chose. La nouvelle limite à 137km/h est donc à la fois une tentative de faire sauvegarder les petites villes face à une urbanisation croissante, ainsi qu’une reconnaissance de la manière réelle de conduire sur des routes sans fins, avec peu d’obstacles naturels pour rendre le voyage plus difficile. Dès 1954, un officier de police texan disait au New York Times que « ce n’est pas surprenant de voir des files de voiture rouler entre 145 et 160 km/h » sur certaines routes du Texas.

Il y a eu 32 310 morts sur les routes en 2011, le chiffre le plus bas depuis 1949. Plus important, le taux de mort sur route par million de miles parcourus a significativement diminué au cours du temps, de 24,09 en 1921 à 1,09 en 2011. De plus, depuis que les limites de vitesses sur les autoroutes inter-États ont augmenté, puisque le Congrès a annulé toutes les limites imposées au niveau fédéral depuis 1995, les morts classées comme « liées à la vitesse » par la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) ont diminué. Précisément, il y a eu 13 414 morts liées à la vitesse en 1995 et 10 951 en 2011. Parmi ces 10 951 morts, 964 seulement ont eu lieu sur une autoroute inter-État avec une limite de vitesse au-dessus de 90km/h.

Même si les opposants arguent qu’une vitesse de 137km/h augmenterait la mortalité, l’augmentation de la vitesse limite au Texas n’est pas une surprise : conduire en Amérique n’a jamais été aussi sûr qu’aujourd’hui.

Et si le State Highway 130 devient populaire avec les automobilistes, attendez-vous à voir d’autres États augmenter leur limite de vitesse maximale. Seguin et Mustang Ridge ne sont pas les seules villes qui souhaiteraient être quelques minutes plus proches de grandes régions urbanisées qui regroupent emplois, écoles et autres opportunités.

Pourtant, est-ce-que cette augmentation courageuse des limites de vitesses l’est assez ? Dans l’une des plus belles preuves que « le médium est le message », les panneaux de limitation de vitesse du début du XXème siècle ont ancré la notion qu’une unique vitesse maximale pouvait correctement réguler la circulation à un endroit donné, sans prendre en compte les autres facteurs ; pas parce que c’était logique, mais parce que c’était technologiquement et économiquement envisageable à l’époque. Au début du XXème siècle, il aurait été couteux, en temps et en argent, de réaliser une signalisation changeant en accord avec la quantité de voitures sur la route, l’état de la chaussée et la météo.

Maintenant, cependant, nous avons des panneaux qui peuvent afficher la limite la plus adaptée aux conditions. Plus important, nous avons la capacité de surveiller de près comment les automobilistes conduisent sur une route spécifique lorsque les conditions de conduite changent ; et nous pouvons utiliser ces informations pour établir la vitesse limite la plus appropriée. Imaginez, par exemple, une autoroute où la limite passe à 137km/h quand il fait beau et que la circulation est fluide, et qui diminue à 90km/h le samedi soir entre minuit et trois heures, parce que c’est le moment où un grand nombre d’accidents mortels arrivent.

Ensuite, imaginez que la vitesse limite sur cette autoroute soit faite de manière à encourager les bons comportements, plutôt que de pénaliser les mauvais. En juin 2012, est paru dans NPR un article où des chercheurs, partiellement financés par la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA), ont proposé à des conducteurs une récompense hebdomadaire de 25$ s'ils suivaient les limites de vitesse. À chaque fois qu'ils dépassaient une limite entre 8km/h et 15km/h, ils perdaient 3 cents de leur récompense éventuelle. À chaque fois qu'ils dépassaient une limite de plus de 15km/h, ils perdaient 6 cents. « Nous avons montré que le système d'incitation était incroyablement efficace pour faire réduire leur vitesse aux automobilistes », a dit Ian Reagan, chercheur à la NHTSA, à NPR.

Les routes à péage, comme la State Highway 130 au Texas, seraient des laboratoires idéals pour des expériences futures. Avec des utilisateurs qui payent déjà une taxe kilométrique pour y accéder, des incitations à suivre les limites viendraient plus sous la forme de réductions que de primes. Dans le cas de la State Highway 130, les voitures avec des passagers et les pickups doivent payer 15 cents par mile pour accéder à la route. Pour les usagers journaliers, de telles frais s’additionnent rapidement, si bien que, à supposer une réduction de 12 cent par mile pour les utilisateurs qui observent scrupuleusement les limites de vitesses, ça pourrait être efficace. Ou peut-être, plutôt qu’une réduction, une portion du chiffre d’affaires hebdomadaire de la route pourrait être mis de côté pour un tirage au sort auquel seuls les usagers respectueux seraient éligibles.

Dans chaque scénario, les systèmes de surveillance omniscients qui sont déjà en train d’être déployés sur les routes à travers les États-Unis ne semblent plus si unilatéralement oppressifs. Les automobilistes sont observés de près, mais d’une manière qui peut potentiellement être bénéfique pour eux, plutôt que pénalisante. Mélangez cela avec des limites de vitesses nuancées, flexibles et déterminées par la manière réelle qu’ont les automobilistes de conduire sous des conditions changeantes, et soudain nous aurions des limites de vitesse qui ressembleraient moins à des reliques de l’ère du Modèle T.

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Article d'origine publié en anglais le 25.10.2012 par Reason. Traduction : Bézoukhov/Contrepoints.


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