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Sur la théorie des alliances

Publié le 31 juillet 2013 par Egea
  • Alliances

Une alliance est l’engagement d’assistance entre États partenaires. C’est alors « un traité par lequel deux puissances s’engagent à se porter mutuellement secours, soit par une action militaire, soit par tout autre moyen au cas d’une guerre affectant l’une d’elle ».

Sur la théorie des alliances
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A quoi sert une alliance ? Il faut se méfier de notre expérience contemporaine où l’Alliance atlantique sert de principale référence. Celle-ci, pourtant, constitue une exception dans l’histoire . À l’origine, le système d’alliance s’inscrit dans un environnement international fractionné, discontinu et mouvant : Que l’on pense aux guerres de l’Antiquité, à la féodalité médiévale, ou même au système européen de l’Ancien Régime. Alors, les entités politiques ne sont pas fortement établies ou sont en train de s’établir et demeurent fragiles, et la guerre constitue une voie normale de résolution des conflits. De même, les guerres de conquêtes sont admises et une entité politique peut, si elle ne prend pas les mesures adaptées, disparaître en passant sous la domination d’une autre. De plus, la guerre n’est pas permanente et s’effectue le plus souvent à l’occasion de la campagne d’été. Enfin, les effectifs sont généralement relativement réduits, de quelques centaines à quelques milliers d’hommes. On ne dépassera régulièrement la dizaine de milliers d’hommes qu’à partir du XVII° siècle. Ces conditions signifient donc une grande versatilité stratégique.

Une alliance est fondée principalement sur la base d’un calcul, fondé sur un rapport de force. Le rapport de force est toujours estimé, puisqu’on n’est jamais d’accord sur la mesure de la puissance réelle. Toutefois, chaque acteur estime sa propre puissance et celle de l’autre. Il s’ensuit bien sûr une double approximation, car on peut se tromper aussi bien dans l’estimation de ses propres forces, mais aussi dans l’évaluation de la puissance de l’autre. Peu importe au fond la justesse de cette estimation : chaque acteur stratégique détermine un rapport de force ressenti, qui est à la base de ses calculs.

Ce rapport de force peut-être égal, supérieur ou inférieur : soit mes forces équivalent celles de l’adversaire potentiel, soit elles les dominent, soit elles sont dominées. Si, avec Raymond Aron, on estime que le but premier de toute entité politique est d’abord la sécurité, les deux premiers cas de figure ne posent pas de grand problème au décideur. En revanche, le troisième lui cause du souci. En effet, l’autre, qui dispose d’un rapport de forces favorable, pourrait avoir l’intention d’en profiter pour m’agresser. Il faut donc que je compense cette infériorité. Une solution consiste à m’associer avec un tiers, de façon que nos forces additionnées rétablissent l’équilibre du rapport de forces, et donc m’assure cette sécurité qui était menacée.

Ce raisonnement explique que la plupart des alliances sont, d’abord, défensives. Elles visent à contrecarrer la puissance d’un acteur jugé menaçante. Toutefois, toute entité politique n’a pas simplement pour but la sécurité, elle peut aussi désirer la conquête de territoires, de ressources, ou la gloire. Dans ce cas, elle peut s’associer à un autre afin de faciliter ses ambitions, le gain étant alors partagé entre les deux alliés. Alors, l’alliance est offensive.

Ainsi, une alliance n’existe que dans un système international où chaque acteur cherche à assurer sa sécurité (alliances défensives), voire à améliorer sa position (alliances offensives). L’une vise à augmenter la dissuasion pour éviter l’emploi de la force, quand la seconde vise à modifier le rapport de forces dans une perspective d’emploi.

Ces alliances sont circonstancielles. Elles varient dans le temps ce qui explique le nombre de retournements d’alliance observé dans l’histoire. En effet, les intérêts varient, et telle entité, un moment jugée plus faible, devient l’année suivante beaucoup plus menaçante du fait des succès accumulés. Voici en effet une autre caractéristique des alliances : elles s’inscrivent dans un système général à plusieurs acteurs. Jusqu’à présent, nous n’avons évoqué que trois acteurs : les deux premiers qui s’opposent, et le tiers qui va renforcer l’un (ou l’autre). Ceci ne correspond pas à la réalité, puisqu’ainsi que nous l’avons mentionné, l’environnement international est toujours fractionné en de nombreuses entités politiques, de taille et de puissance diverses, et variables. Cela complique les calculs, puisque je ne dois pas estimer mon rapport de force avec le seul pays A, mais avec les pays A, B, C et D.

Dès lors, chaque acteur va forger sa décision sur la base de deux objectifs : sa sécurité propre (objectif direct) mais aussi le maintien d’un équilibre international (objectif indirect). Ainsi, je pourrais m’allier avec A, qui est pourtant plus puissant que moi, mais parce que C constitue une puissance encore plus dangereuse, qui menace d’abord A avant de me menacer. De même, si je vois que A et B s’opposent, je peux estimer utile de ne m’allier avec aucun d’eux car cela lui donnerait un avantage qui, à terme, pourrait me menacer. La neutralité constitue ainsi un choix particulier d’alliance. Il reste que le choix d’un équilibre des puissances n’est pas aussi évident qu’il y paraît. Face à la puissance croissante d’Athènes, les cités grecques s’assemblent dans la ligue de Délos. Mais personne ne s’allie contre la montée en puissance de Rome. L’absence d’alliance équilibrante fait courir le risque de l’apparition de l’empire.

O. Kempf


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