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Théâtre : Lucrèce Borgia - Lucie Berelowitsch

Publié le 26 mai 2013 par Philisine Cave

L'avantage, lorsqu'on tient un blog, est de revenir sur un spectacle passé, comme par exemple, Lucrèce Borgia de Victor Hugo, mis en scène par Lucie Berelowitsch, vu samedi dernier au Th'N (Théâtre du Nord) à Lille. Comme je participe avec grand plaisir au challenge d' Eimelle, En scène, j'aime rédiger un petit avis personnel sur la pièce après. Énorme avantage donc, car ce fut à cette occasion que je découvris la distribution (oui, je ne regarde jamais la distribution avant le spectacle, ni pendant, ni tout de suite après, histoire de ne pas me laisser influencer par la notoriété d'un nom). Et la petite Lucrèce, que je trouvais bien charnelle, habitée, une véritable bombe sexuelle sans vulgarité (ce qui est une vraie gageure dans cette mise en scène-là) n'était autre que la magnifique Marina Hands : parfois, il y a des noms connus et on sait pourquoi !


L'hypnotique Lucrèce Borgia est issue d'une famille consanguine, dont l'art reste de liquider toute personnalité nuisant au rythme des acquisitions, de domination et des spoliations par le clan. Mariée pour la troisième fois à Don Alphonse, duc de Ferrare, elle mène une vie dissolue entre amants de passage et politique locale. Couvant un secret originel, elle apparaît fortement attirée par le jeune capitaine Gennaro dont les cinq copains de route ont tous de bonnes raisons de faire la peau à la belle Lucrèce. À l'occasion d'une visite surprise à Gennaro (orphelin de père, mère inconnue dont le lien tangible se résume à une correspondance sporadique) où elle révèle, visage masqué, un peu d'humanité et remet en cause son attitude sanguinaire, la venimeuse Italienne subit un ultime affront de leur part. L'heure de la vengeance a sonné (et l'oubli de belles promesses, aussi).

Théâtre : Lucrèce Borgia - Lucie Berelowitsch


Victor Hugo a écrit cette pièce en quinze jours. Sans renier le génie du bonhomme, je reste persuadée qu'une petite relecture n'aurait point fait de mal. Un texte bavard, des scènes confuses et des répétitions inutiles gâchent un peu un ensemble exigeant et lourd en symbolique. Bien évidemment, le parallèle avec Phèdre de Jean Racine me parait évident par la puissance tragique de l'héroïne et l'inceste abordé (Lucrèce aimée de ses deux frères Jean et César, le second tuant le premier pour conserver la main mise sur la frangine). Énonçant la violence de l'époque (fratricides réguliers, empoisonnements constants), Lucrèce Borgia n'en demeure pas moins un appel à la résistance, à l'irrévérence et au courage, incarné par Gennaro, compagnon intègre et fidèle, haïssant celle dont on doit taire le nom (la Voldemort d' Hugo), blasphémant le nom de Borgia en le réduisant en Orgia. Tragédie d'un côté (avec ses rebondissements, ses quiproquos et ses surprises), mythologie de l'autre par la présence des gardiens du lugubre, Rustigello et Gubetta, accomplissant les méfaits de Lucrèce et son mari, Alphonse, un brin jaloux du beau Gennaro.

Lucie Berelowitsch a parfaitement intégré cette époque violente : une première scène digne d' Orange mécanique de Stanley Kubrick, du bruit constant lors des fêtes orgiaques de la princesse Négroni, aboiement des comédiens lors de la diction du texte... Je conçois tout à fait que le traitement de Lucrèce Borgia reste un vrai challenge théâtral mais là, je n'y ai vu aucune subtilité et aucune finesse que ce soit dans la mise en scène (peu de pauses dans un texte, la plupart du temps, récité voire hurlé plutôt qu'interprété ; l'utilisation de dancemusic et de techno pour faire djeuns, une bonne idée qui s'est confrontée à un haut-parleur aboyeur - au final, effets auto-dissous avec la sensation de capharnaüm constant, marqueur auditif de l'agressivité ambiante), dans la chorégraphie des comédiens (les corps-à-corps manquent de souplesse et d'adhérence, les chutes me paraissent trop lourdes, le décor pas assez exploité - un échafaudage intelligent et finalement absent). Bref, un spectacle en demi-teinte pour moi : un comble dans cette noirceur !

et un de plus pour le challenge d' Eimelle


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