La laisse résiste... Je force Sally à me suivre en tirant de toutes mes forces sur sa laisse...
Elle finit par me suivre.
Je me précipite jusqu'à l'entrée de l'immeuble... Je fouille dans mes poches pour trouver le trousseau de clés. Celui qu'on ne trouve jamais dans des moments comme celui-ci...
J'entre et cours dans le hall... Sally me suit, toujours avec difficulté... Je cours jusqu'à l'ascenseur...
Ce chiffre terrible de 6, lumineux, au sommet de la porte de l'ascenseur provoque en moi une terreur terrible. Mes larmes, mes cris résonnent dans ce grand hall, vide. L'écho de mon hurlement, au milieu d'oreilles sourdes... J'appuie, et ré-appui sur la touche de l'ascenseur. Je frappe du poing contre la tôle de la porte verte de l'ascenseur...
Rien n'y fait... Quelqu'un bloque la porte certainement pour charger des cartons ou des valises... je ne sais...
Le chiffre 6 me regarde toujours. Lumineux. Imperturbable.
Je me précipite alors vers la porte au fond du couloir qui mène jusqu'aux escaliers...
J'entreprends la montée des huit étages en courant, montant les marches deux à deux, le plus vite possible... De toutes mes forces...
1er étage.
Sur le palier, Sally aboie et est heureuse de me voir affolé et courir de toute mes forces. Elle pense que c'est un jeu. Alors, elle entreprend de faire une course effrénée avec moi. Je lâche la laisse pour la laisser courir et pour que moi aussi je sois plus à l'aise dans ma course...
Aussitôt, elle me dépasse, la langue pendante, et monte comme une fusée sur pattes les escaliers. Bien plus vite que moi...
3ème étage.
Je pleure. Je suis obsédé par l'image que je viens de voir au dehors. Suspendu au huitième étage. Cet étranglement de haute-voltige. La vie de ma mère entre ses mains.
4ème étage.
Je suis essoufflé par la rapidité que je me force à avoir. Mon coeur bat si vite que je sens mon corps sur-oxygéné et affaiblit...
5ème étage.
Je m'appuie sur la rampe afin de me soutenir et de continuer à monter ces satanés escaliers... J'entends l'ascenseur se déclencher et descendre au rez-de-chaussée, où je l'avais préalablement appelé. Dans ma rage, ma terreur, j'appelle :
- Maman !
6ème étage.
Sally m'attend sur le palier. Sa queue remue. Elle ne comprend pas ce qui se passe... Elle me regarde victorieuse par l'avance qu'elle a sur moi. Alors que j'arrive sur le palier, elle repart de plus belle. Je jette un coup d'oeil sur ce foutu 6ème étage. Il n'y a personne. Je continue. J'appelle :
- Maman ! Maman !
7ème étage.
Je suis à bout de souffle, mais ma peur est trop grande pour que je me pose la moindre question. Ma peur est si grande que mon corps trouve l'énergie nécessaire pour ne pas défaillir et continuer ma course.
8ème étage.
J'arrive. Je cours et traverse le long couloir aux cinq portes jaune vif.
La clé déjà prête dans ma main, j'ouvre la porte et me précipite dans le salon. La fenêtre est toujours grande ouverte. Un fauteuil est renversé sur le sol. J'entends ma mère pleurer et supplier. J'entends "l'autre" gémir et insulter.
- Maman !
Un coup terrible résonne dans la salle de bain. Je reconnais le bruit de la machine à laver. Je me dirige alors devant la porte de la salle de bain. La porte est fermée à clé... En huis-clos, il est en train de la frapper...
(A suivre)