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Y a-t-il guerre dans le cyber ?

Publié le 11 août 2013 par Egea
  • Cyber
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Un livre récemment paru fait l'actualité : There is no cyberwar, explique Thomas Rid. Je n'ai pas lu le livre, seulement le compte-rendu de l'ami et allié O. Schmitt. Mais cela n'empêche pas (en attendant sa lecture prochaine) de contribuer un peu au débat, d'autant que j'ai abordé le sujet dans Introduction à la cyberstratégie.

Y a-t-il guerre dans le cyber ?
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Il y a au fond plusieurs questions soulevées par le titre de Rid. Mais la première, la plus importante, repose sur la nature de la guerre.

En effet, nous avons tous, intuitivement, une représentation de la guerre : cette chose violente et collective et politique et interétatique, qui a traversé les âges jusqu'au paroxysme des deux guerre mondiales. Or, la dernière déclaration de guerre date de 1945, l'Argentine s'adressait à l'Allemagne. Depuis, pas une déclaration dans les formes. Pour tout un tas de raisons. Mais la guerre interétatique est un genre en déclin, pour dire les choses simplement. Voir mon article dans la RDN (La guerre est morte, vive la guerre).

Dès lors, que signifie cette notion de cyber guerre ?

S'il s'agit de dire que dans le cyber, nous n'aurons pas les conflits déchainant la violence avec moult morts et blessés, c'est bien probable. Aujourd’hui. Dire qu'il faille se méfier des excès des discours d'outre-Atlantique (Cyber Armageddon, Cyber Pearl Harbour), bien sûr et au contraire. Il reste que :

Aujourd’hui, le fait de donner la mort n'est pas forcément le seul critère de la guerre. Cf. les débats sur les drones. Cf. aussi toutes les fonctions militaires contribuant à la guerre et qui ne participent pas au combat direct, celui des fantassins et des tankistes et des chasseurs et des sous-marins ou porte-avions, auxquels nous réduisons trop souvent la "guerre" dans notre imaginaire héroïque. Or, pour parler de l'armée de terre que je connais un peu, on ne peut réduire son combat à la seule mêlée. Pas de guerre sans maintenanciers, sans transmetteurs, sans logisticiens. Tous des militaires. Tous "hommes de guerre" même si leur contribution au combat est indirecte. Et le cyber est aujourd'hui dans la guerre, ne nous y trompons pas : pas de guerre "classique" sans dimension cyber, cf. opération Verger en 2007, cf. Géorgie en 2008, cf. Pilier de défense en 2012 pour donner des exemples variés. Les cybernéticiens contribueront forcément au déroulement des guerres résiduelles.

L'autre dimension consiste à ne considérer que le cyberespace, indépendamment des autres dimensions stratégiques. Ainsi que je l'ai expliqué dans mon livre, je ne parle quant à moi, pour l'instant, que de cyberconflit, et non de cyberguerre, expression que j'abandonne aux journalistes et propagandistes. Toutefois, nous parlons de ce qui se passe aujourd’hui. Et aujourd'hui, une des caractéristiques des cyberconflit est (encore) la non-létalité. Le jour où ce seuil sera franchi, indirectement d'abord (dérèglement de systèmes d'environnement dont le mauvais fonctionnement entrainera des morts) ou directement (le jour où les fonctions cyber seront directement intégrées dans nos organismes), alors cette caractéristique disparaîtra, et rien que dans le "cyberespace", on pourra parler de cyberguerre.

Je ne sais si Th. Rid aborde tous ces aspects, et je connais son sérieux pour savoir qu'il raisonne convenablement, et que ce n'est pas un journaliste en quête de renom. Mais son titre accrocheur (Cyberwar will not take place) méritait peut-être ces quelques précisions. Car si je suis parfaitement d'accord pour encadrer les discours journalistiques et sensationnels, ou propagandistes et également sensationnels (et Dieu sait que certaines déclarations publiques me font bouillir : je suis persuadé que c'est cela que Th. Rid veut dénoncer), il ne faut pas oublier que le cyber est le "lieu" d'une conflictualité qui a des règles particulières dont la grammaire diffère des autres sphères stratégiques.

Ceci étant dit, je vais lire son livre avec grand intérêt, car voici un auteur européen qui exprime une vue propre sur la cyberstratégie, ce dont il faut se féliciter : je suis sûr que ses développements méritent le détour, et je fais confiance aux commentaires louangeurs de l'ami OS. Préjugé favorable, donc.

O. Kempf


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