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Émeute en prison: comme des gorilles

Publié le 12 août 2013 par Raymondviger

Observer les erreurs des autres

Lorsqu’un grand singe des jungles d’Afrique centrale tombe d’une falaise, ses semblables se rassemblent au sommet de la falaise et regardent en bas, en silence. Le rituel dure autour de 15 minutes, selon ce qu’on a observé du comportement de ces proches cousins des humains. Ensuite, les grands singes retournent à leur vie quotidienne. Et durant une longue période après l’événement, ils évitent de fréquenter la paroi de la falaise.

COLIN McGREGOR prison de Cowansville. Dossiers Prison

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Pour nous aussi, c’est inscrit dans nos gènes : nous apprenons en observant les erreurs des autres. C’est pourquoi les voitures ralentissent sur le boulevard Métropolitain pour observer un accident, même lorsque la voie n’est pas bloquée. Et pour la même raison, les gens lisent des histoires de crimes dans les journaux, ou les regardent au canal D. Alors qu’ils ne s’investissent pas autant, en général, dans les soupes populaires, les centres de réinsertion sociale ou les prisons.

Le sport en prison

Par définition, la prison rassemble des personnes qui ont perdu. Mais il reste encore un lieu, au pénitencier, où les hommes (et les femmes) peuvent encore vivre des heures de gloire, et il s’agit du terrain de sport. On est très athlétique en prison.

Les compétitions de balle molle viennent de se terminer. Mon ami est enfermé depuis 20 ans et il manque une pièce à son corps, à la suite d’une fusillade avec des policiers (je ne dirai pas quelle pièce, pour ne pas qu’on puisse l’identifier). Je tombe sur lui dans la cour.

«Tu m’as regardé lancer?» me demande-t-il.

Je lui mens: «Oui, tu étais brillant.»

«Il y avait du mouvement dans ma balle, eh?»

«C’est sûr. Ils ne pouvaient te battre.»

Il a un grand sourire. «Je suis le roi!» Et il s’en va en sifflotant.

Quelques minutes plus tard, je tombe sur le capitaine de l’équipe perdante et grand favori des finales de balle molle. Il soulève des poids, furieusement.

«Désolé», lui dis-je.

«Tu as vu?»

«Un peu.» En réalité, je lisais mon roman d’espionnage dans un autre coin de la cour. Les gradins, autour de notre terrain négligé et poussiéreux, étaient remplis.

«Je me suis laissé aller, dit-il, essoufflé, entre les premiers matchs et les finales.»

J’acquiesce: «Tu avais perdu le rythme.»

«Oui, Colin, exactement. Nous gagnons toujours. L’année dernière, l’année d’avant. Je suis le roi!»

J’approuve et je me sauve en direction d’un coin de la cour où je pourrai continuer de lire mon roman d’espionnage.

Une émeute en prison

Je me souviens d’un matin d’août brumeux, en 1990, dans une autre prison. C’était durant les demi-finales de balle molle. Un détenu fut poignardé pendant la partie. Il faisait chaud et humide, nous en étions à la dernière manche et le compte était égal, lorsque l’alarme retentit et qu’on nous ordonna, par haut-parleurs, de retourner immédiatement à nos cellules.

Mais la partie continua et les détenus huaient les gardes. Alors que le soleil se couchait derrière la clôture, derrière le marbre, les joueurs frustrés mettaient le feu aux poubelles. La partie était terminée, mais des douzaines de détenus refusaient de retourner vers leurs blocs cellulaires.


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