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5 idées reçues sur les libertariens

Publié le 14 août 2013 par Copeau @Contrepoints

Les libertariens véhiculent beaucoup de fantasmes, principalement parce qu’ils sont très méconnus. Nick Gillespie, rédacteur en chef de Reason, fait tomber cinq idées reçues à leur sujet.
Par Nick Gillespie.

5 idées reçues sur les libertariens
Le spectre du libertarianisme hante les États-Unis. Les partisans d’une réduction drastique de la taille de l’État, de son champ d’intervention et de ses dépenses lèvent beaucoup de fonds auprès des donateurs du Parti Républicain, essayent d’endosser un rôle de populiste, sont accusés de la faillite de Détroit et se retrouvent même pris au milieu d’une bataille pour le Parti Républicain. Pourtant, les libertariens sont parmi les forces politiques actuelles les moins bien comprises. Faisons tomber quelques unes des plus grandes idées reçues.

1. Les libertariens sont un groupe marginal de « hippies de droite »

En 1971, l’influente et controversée écrivain Ayn Rand a dénoncé les anarchistes de droite comme des « hippies de droite », une accusation qui porte encore sur les libertariens, qui se battent pour un État minimal et le maximum de libertés individuelles.

Les libertariens sont souvent rejetés comme une espèce mutante de conservateurs : des fumeurs de joints peu enthousiastes sur les questions de défense et supportant l’égalité devant le mariage. Suivant les sujets, les libertariens sont aussi souvent d’accord avec les gens de droite qu’avec ceux de gauche.

Le premier exemple de principes libertariens dans la politique partisane remonte sans doute à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle quand la Ligue anti-impérialiste s’est opposée à l’empire et à la guerre [1] et a cru au libre-échange et à l’égalité des races à une époque où ni l’un ni l’autre n’était populaire. Plus récemment, des défenseurs des libertés individuelles [2] comme le sénateur Ron Wyden (Démocrate, Oregon) ont soutenu le sénateur Rand Paul (Républicain, Kentucky) dans son action de « flibustier » sur l’utilisation de drone sur le territoire américain et la surveillance par l’État.

Il y a des libertariens dans tout le spectre politique et dans les deux principaux partis. Un sondage Reason-Rupe de septembre 2012 a montré qu’environ un quart des américains pouvaient se classer dans la catégorie que l’on pourrait grossièrement qualifier de libertarienne des personnes qui souhaiteraient que l’État intervienne moins dans les affaires économiques et sociales. Cet ordre de grandeur a été confirmé par d’autres sondages et ce nombre est largement suffisant pour faire pencher la balance lors d’une élection.

2. Les libertariens ne prêtent aucune attention aux minorités ou aux pauvres

Comme l’a montré la récente découverte d’écrits favorables aux confédérés de l’ancien conseiller principal du sénateur Paul, il y a parfois des connections politiques entre les libertariens et de sinistres racistes. Étant donné l’influence d’Ayn Rand parmi les libertariens, il est aisé d’imaginer qu’ils ne pensent qu’à eux : « je ne vivrai jamais pour le compte d’un autre », tel est le fil conducteur du roman d’Ayn Rand, Atlas Shrugged.

Mais au moins deux causes inscrites dans les gènes du mouvement libertarien, le libre choix de l’école et la légalisation de la drogue, visent à faciliter la vie aux pauvres, que l’on retrouve aussi de manière disproportionnée parmi les minorités. Le premier objectif du libre choix de l’école (un mouvement né en 1955 d’une tentative du libertarien et prix Nobel d’économie Milton Friedman d’introduire des chèques éducation) est de donner aux Américains à faibles revenus des meilleures options éducatives. Milton Friedman a montré de manière convaincante que dans la guerre contre la drogue, la violence et les maltraitances policières touchaient surtout les quartiers pauvres.

Les libertariens pensent que la déréglementation économique aide les pauvres parce qu’elle réduit les coûts et les barrières à l’entrée pour lancer un nouvelle entreprise. L’Institute for Justice est aujourd’hui une importante association d'aide juridique libertarienne, qui a soutenu devant la Cour Suprême des dossiers relatifs à la liberté d’expression et à des expropriations abusives. Mais il a débuté en défendant des tresseurs afro-américains de Washington contre des lois imposant la détention de licence qui les empêchaient de travailler chez eux.

3. Le libertarianisme est un club réservé aux hommes

Bien que le stéréotype du libertarien comme étant un un ingénieur avec des lunettes et une règle à calcul a plus de vérité que la plupart des libertariens n’oseraient l’admettre, le mouvement est en fait, de plusieurs façons, la création de trois intellectuelles.

Comme Brian Doherty l’a décrit en détail dans son livre de 2008, Radicals for Capitalism, le mouvement libertarien moderne a été largement influencé par la romancière à succès et écrivain Ayn Rand, l’écrivain et critique Isabel Paterson, et enfin par l’auteur Rose Wilder Lane, fille de Laura Ingalls Wilder, auteur de « La Petite Maison dans la prairie » et dont elle édita les travaux. En 1972, le premier ticket présidentiel du Libertarian Party comportait une femme, Toni Nathan, comme candidate à la vice-présidence, et depuis ses origines le parti a soutenu les droits reproductifs [3] et l’égalité complète entre homme et femmes devant la loi.

De nouveaux groupes, comme le Ladies of Liberty Alliance, se développent en montrant à un nombre croissant des entrepreneurs femmes les bénéfices qu’elles peuvent retirer de la liberté économique.

4. Les libertariens sont pour la drogue, pour l’avortement et contre la religion

Les accusations de libertinisme sont, hélas, exagérées. Pratiquement tous les libertariens croient que l’interdiction d’une activité entre adultes consentants produit beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résout. Mais un principe clé est que ce n’est pas parce que quelque chose est légal que vous devez le soutenir, et encore moins le faire. Ron Paul avait ainsi fait rire le public d'un débat pour les primaires présidentielles du Parti Républicain quand il leur avait demandé qui d'entre eux essaierait l’héroïne si c’était légal.

Environ 30% des libertariens (dont Justin Amash, député républicain du Michigan aux idées libertariennes) sont résolument anti-avortement. Mais la plupart pensent que le meilleur moyen de changer les comportements est la persuasion, et non la prohibition.

C’est la même chose pour la religion : elle devrait être libre et célébrée tant que cela se fait de manière volontaire. Après tout, le proto-libertarien Roger Williams est un des co-fondateurs de la première assemblée baptiste et a créé Providence (Rhode Island) comme un havre de tolérance religieuse et entièrement laïc à une époque où ce terme n’était même pas connu.

5. Les libertariens détruisent le Parti Républicain

En 1975, Ronald Reagan voyait une parenté entre les libertariens et son parti : « si vous l’analysez, je crois que le cœur et l’esprit du conservatisme sont libertariens ».

Néanmoins, il semble y avoir peu d’esprit partagé quand Chris Christie, gouverneur du New Jersey, dit des choses telles que : « je pense que cette idée d’une tendance libertarienne qui touche les deux partis et défraye la chronique est très dangereuse. » Christie faisait référence à Rand Paul, un rival potentiel pour les primaires républicaines de 2016 pour les élections présidentielles. Le sénateur John McCain (Républicain, Arizona) s’en est pris à Rand Paul, Justin Amash et à ceux qui critiquaient la surveillance étatique en les traitant d’« oiseaux fous » [4], et les caciques du Parti Républicain se sont inquiétés de cette tendance libertarienne grandissante au sein du parti.

Pourtant les républicains reconnaissent la nécessité d’un renouveau majeur après l’élection de 2012, et c’est exactement ce qu’offrent les politiciens à tendance libertarienne. Rand Paul a proposé des réductions budgétaires d’environ 500 milliards de dollars dans les dépenses et il a appelé à une réforme des engagements sociaux insoutenables et à la fin de l’aventurisme militaire à l’étranger. Ce qui a été surnommé « programme de sensibilisation des hipsters » est en fait une tentative d’élargir la base électorale au-delà des blancs de la classe moyenne. Il a ainsi déclaré en mai à un public du New Hampshire que les Républicains avaient « besoin de blancs, de métis, de noirs, de gens avec des tatouages et d’autres sans tatouage, avec des queues de cheval et sans queue de cheval, avec ou sans barbe. »

C’est un message qui peut rester en travers de la gorge de Républicains inflexibles, mais qui peut attirer des électeurs plus jeunes qui, selon une récente étude du College Republican National Committee [5], veut que l’État soit plus petit et plus rassembleur.

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Article publié en anglais sur Reason, paru à l’origine dans le Washington Post.

À lire sur le sujet :

  • Définition Wikiberal du libertarien
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Notes :

  1. NdT La Ligue anti-impérialiste fut fondée le 15 juin 1898 pour lutter contre l'annexion américaine des Philippines et la guerre qui suivit.
  2. NdT « civil libertarian » dans le texte
  3. Les droits reproductifs incluent la reconnaissance des droits basiques de chaque individu et de chaque couple de choisir librement et de manière responsable le nombre d’enfants, l’espacement entre eux et le moment auquel ils doivent les faire.
  4. « wacko birds » dans le texte.
  5. Le CRNC est une organisation étudiante soutenant le Parti Républicain.

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