Source: EUROSTAT
Mercredi 14 août, Eurostat publiait des statistiques de croissance en Europe qui réjouissaient les chaumières ministérielles. L'INSEE, en France, ajoutait sa pierre à l'heureux édifice: entre avril et juin, la croissance était bien plus forte qu'on ne l'espérait !
1. La reprise est réelle, et générale et fragile: +0,3% en Europe, y compris dans la seule zone euro.On évoque un simple rattrapage pour l'Allemagne (sur le seul mois de juin, ses ventes de détail ont chuté de 1,5%). Les Pays-Bas, la Grèce, l'Espagne, l'Italie sont encore en récession. Pour les autres, le niveau de PIB de l'an dernier n'a pas été atteint. Le chômage, qui s'est stabilisé à 12,1% en Europe, reste massif - 19 millions de sans-emplois.
Source: insee
2. En France, la reprise s'appuie d'abord sur la consommation des ménages, grâce au commerce de détail et à l'énergie (+2,4% à cause du froid persistant). Ce n'est pas dû aux soldes d'été, qui n'ont débuté que fin juin. En juin d'ailleurs, les ventes du commerce de détail n'ont progressé "que" de 0,6% (contre 1,5% en mai).La reprise repose aussi sur la dépense publique qui reste soutenue - un joli clin d'oeil amusant à ceux qui pensaient encore il y a peu que les services publics étaient désagrégés par une austérité sans précédent. Les administrations publiques, depuis janvier, ont augmenté leurs dépenses de 1,3%.
L'autre composante de ce rebond est la production de biens et services (+0,9 % après 0,0 %). Les entreprises reconstituent leurs stocks, c'est heureux. Et quelques grosses commandes aéronautiques améliorent le reste : "La production de biens manufacturés se redresse (+2,0 % après +0,2 %), portée par le rebond de la production de matériels de transport (+8,2 % après –1,0 %), notamment dans les industries automobile et aéronautique." L'INSEE avait déjà noté une reprise de la production manufacturière.
A l'inverse, l'investissement recule encore (-0,5%), mais pas celui des administrations publiques (+,1%), ni celui des entreprises non financières quasi stable (–0,1 % après –0,9 %): ce sont les ménages qui désinvestissent: "l’investissement des ménages diminue de nouveau nettement (–1,7 % après –1,4 %), notamment leurs dépenses en logement. "
3. En France aussi la reprise est fragile: le pays a détruit près de 28.000 emplois marchands au même trimestre (-27 800 emplois, soit -0,2 %, après -8 300 emplois au premier trimestre 2013). L'intérim s'est stabilisé ((+9 700 postes depuis janvier), c'est un indicateur avancé positif. En octobre 2007, la mise en oeuvre de la défiscalisation des heures supplémentaires par Nicolas Sarkozy avait dégradé l'emploi intérimaire dès avril 2008, cinq mois avant le Krach boursier.
4. Il est normal que le gouvernement s'en félicite. Si les mêmes statistiques avaient été décevantes voire franchement mauvaises, imaginez le concert des critiques, à gauche comme à droite ! Mais il ne faudrait pas s'aveugler.
5. Les incantations régulières au retour de la croissance, à gauche comme à droite, ont quelque chose de tristement vain. Que la reprise soit in fine de 0,5%, 9,8% ou 2% ne changera pas grand chose aux déséquilibres structurels: épuisement énergétique, chômage de masse, prédation financière, mauvais partage des gains de productivité, etc.
Lire aussi:
- Le bulletin d'Eurostat
- Le bulletin de l'INSEE