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328ème semaine politique: quand un pays craque...

Publié le 17 août 2013 par Juan
328ème semaine politique: quand un pays craque...
Hollande se repose. A 40 minutes de son bureau de président, dans une annexe du château de Versailles, pour quelques jours à peine. C'était le 15 août, une France toujours ensoleillée et chaude, avec ses journaux télévisés consacrés à l'abandon du monokini, l'affluence des moustiques, et ces pèlerinages à Lourdes. La reprise économique est une belle nouvelle. Seul le ministre de l'économie Pierre Moscovici ne l'avait pas vu venir. Mais la France politique se chamaille avec le verbe souvent violent.
A quelques heures de vol de là, un autre pays se désagrège "pour de vrai", dans le sang et les pleurs. L'Egypte est-elle encore une nation ? On assiste, impuissant, à l'explosion d'une guerre civile, avec son premier millier de morts, tués par l'armée pour déloger des partisans des Frères Musulmans.
La rentrée de Ayrault
Il est 5 heures, Paris s'éveille. Jean-Marc Ayrault se montre sur l'un des chantiers du tramway T6 Châtillon-Viroflay avec les deux ministres qui seront en charge d'un autre plus dramatique chantier, la réforme des retraites. On pouvait railler l'exercice de communication. Pourtant, Ayrault était là, ce matin-là, pour montrer à quelques journalistes ce que signifiait la pénibilité du travail. Le geste méritait d'être applaudi.
Au sein du PS, des voix sont plus nombreuses pour fustiger l'opportunité même de la réforme des retraites. Après Marie-Noëlle Lieneman, Julien Dray abonde. Avec Mélenchon, voici l'ancien trio d'opposants à la ligne Jospin des années 1995-1997 reconstitué !
Jean-Marc Ayrault a paraît-il pris le relais de François Hollande ce lundi 12 août. Le président est parti en vacances à la Lanterne, à 40 minutes de l'Elysée. Le premier ministre est sur le pont quand d'autres politiques exhibent leurs vacances sur les réseaux sociaux. Le microcosme politico-médiatique, blogs politiques inclus, s'amuse de la "transition". On pourrait ricaner. On devrait se taire. L'Assemblée nationale comme le Sénat sont en vacances depuis 3 semaines mais les ministres se montrent ou réagissent.
On s'amuse aussi des prévisions ultra-optimistes à l'horizon 2025 que quelques ministres ont déjà rendues au premier d'entre eux. Il y a séminaire ce lundi sur le sujet. La démarche est utile: on repère vite ce qui manque. Jeudi, Le Point en a publié quelques-unes, on cherche qui a fumé quoi pour dessiner une France aussi merveilleuse dans une petite décennie: Pierre Moscovici oublie la réduction du temps de travail mais fustige le modèle industriel allemand; Arnaud Montebourg imagine une voiture ultra-économe en essence; Christiane Taubira prédit la fin de la surpopulation carcérale grâce aux peines alternatives; et Cécile Duflot considère que ses lois auront résolu le mal-logement.
L'actualité plus immédiate est plus sombre.
Aurélie Filippetti (Culture) bataille contre quelques récalcitrants plutôt âgés qui se refusent à quitter leur poste de directeur de centres dramatiques nationaux. Un acteur pourtant estimable a qualifié ces remplacements de "saloperie". Sa collègue Najat Vallaud-Belkacem réagit, mardi, avec une tribune calme mais assassine. La Culture est un microcosme comme d'autres, plus consanguin que d'autres.
Pierre Moscovici, ministre des finances, s'embourbe. Il "piétine l'optimisme présidentiel", se moque le Canard Enchaîné. Il avait confié à Nice Matin, le 10 août, une "possible croissance négative" en 2013. Les interviews estivales sont toujours dangereuses. Rétro-pédalage le lendemain. Il s'est fait taper sur les doigts.  Pire, mercredi, l'INSEE balance une franche bonne nouvelle: nous sommes sortis de récession ! La croissance du second trimestre est "exceptionnellement" bonne. Ayrault reste prudent.
Au fait, à quoi sert Pierre Moscovici ? Nous lui dédicaçons une belle étude trop peu commentée. Mi-juillet, l'OCDE avait publié un intéressant rapport sur l'impact des politiques de flexibilité sur l'emploi. Et bien, restez assis: cet impact est ... nul.  Aucune corrélation entre chômage et rigidité ou flexibilité du code du travail. Circulez, il n'y a rien à voir. L'étude date du 16 juillet, mais nos journalistes et commentateurs ont préféré s'attarder sur les prévisions d'emploi et de chômage. 
La Valls de trop.
L'autre "énervant" de la semaine s'appelle Valls, Manuel Valls.
Mardi, le Monde publie un fichu courrier du ministre qu'il a adressé sans prévenir personne le 25 juillet dernier à François Hollande pour critiquer la future réforme pénale de Christiane Taubira. Le chef des flics s'indigne que le projet laisse au juge le soin d'individualiser le traitement des cas de récidive; il récuse l'efficacité d'une loi sans une "transformation profonde des structures porteuses de ce changement"; et réclame davantage de places de prisons... Sur le fond comme sur la forme, Manuel Valls singe maladroitement Nicolas Sarkozy. Il confond le souci sécuritaire avec l'agitation et un parti-pris répressif.
La fuite médiatique lui cause du tort. S'il l'a orchestrée, ce qu'il nie, il démontre sa faiblesse. Dans le cas contraire, il prouve qu'il intrigue en court-circuitant son premier ministre, avec des arguments piochés à droite qui ont fait la preuve, une décennie durant, de leur inefficacité.
Il fallait lui rappeler que le seul résultat concret du sarkozysme sécuritaire fut la progression, sans doute sous-évaluée, du nombre d'atteintes aux personnes entre 2002 et 2012 (de 350.000 actes à plus de 500.000). Mercredi, il rétro-pédale. Jeudi, il visite Marseille pour vanter ses résultats sur le terrain.
A gauche, François Delapierre, numéro deux du Parti de Gauche, le qualifie d'"extrême-droite du socialisme". Quelle finesse... 
L'UMP fermée pour cause d'inventaire.
A droite, le spectacle oscille entre le dérisoire et la surenchère.
Dérisoire, Henri Guaino joue à Cosette. Indécence sarkozyste. Ce député parachuté d'une circonscription des Yvelines, couine publiquement sur sa trop maigre rémunération d'élu - 7.000 euros par mois, indemnité comprise, pauvre biquette ! A l'Elysée, il touchait double - conseiller d'Etat et conseiller du président, plus de 200.000 euros annuels, pour pas grand chose.
Rancuniers, les survivants de la Manif pour tous reprennent leur Tour de France. L'un de leurs militants plante son avion en tentant de faire voler une banderole "Hollande démission" par-dessus nos plages. Un site de droite, Atlantico, relance la question: l'UMP est-elle menacée par un nouveau Tea Party à la Française ?
A la télévision, le député UMP Hervé Mariton remet le couvert sur le minimum vieillesse des étrangers en France. Il prétend qu'il ne faudrait que "quelques mois" de résidence pour en bénéficier. Mariton ment. Il faut 10 années de résidence, sauf cas exceptionnels (asile, anciens combattants, apatrides).
Son collègue Frédéric Lefebvre propose de vider les prisons de ses étrangers (qu'il suggère d'expulser) et des délinquants en col blanc... Justice à plusieurs vitesses.

L'actualité estivale de l'UMP, c'est surtout l'inventaire du sarkozysme. Les partisans de l'ancien Monarque n'en veulent pas. D'autres, à qui ont demandé de régler une addition plus que salée née de la fraude électorale de leur ancien mentor, aimeraient au contraire qu'on s'y penche. Chacun y va de son couplet. Vendetta ou nostalgie ? On allume les cierges ou on sort les armes. On bataille et se dispute. Le vide politique est incroyable.  Devant la cacophonie, Jean-François Copé, samedi, promet finalement... un débat sur le quinquennat puisque l'UMP a une équipe "dirigeante définitivement confortée par le vote massif des militants au mois de juin dernier" (sourires), elle peut se mettre en "ordre de marche pour un dialogue sincère et sans langue de bois avec les Français." (rires).
Cela fait plus d'un an qu'on répète que Hollande a gagné grâce à l'antisarkozysme du pays et l'UMP s'interroge enfin sur ce quinquennat raté et outrancier !
Fillon se repositionne. Etiqueté voici longtemps gaulliste social, il lui manque trop de cordes à son arc pour séduire largement à droite sans élargir son spectre. Ses 35 propositions publiées début août sont emblématiques de la démarche: libéral en économie (suppression de la durée légale du travail, etc), sécuritaire à souhait sur l'immigration (quotas, double peine, et suppression du droit du sol).
Mercredi veille du 15 août, son sous-fifre Laurent Wauquiez participe à ce nouveau concert. Et hop, voici une petite vacherie adressée contre Sarkozy-le faux réformateur: "On n’échoue pas pour deux mois de meetings, on échoue sur ce qu’on n’a pas fait pendant cinq ans ! La droite [échoue] parce qu’elle n’a pas le courage de mettre ses idées en application quand elle arrive au pouvoir."
Droite gaulliste et droite "sociale" se rejoignent pour davantage de radicalité néolibérale et sécuritaire. Nous sommes prévenus.  Les Libertarés sont de sortie.
Guerre civile
Le Mali a un nouveau président. L'élection s'est déroulée sans heurt, à peine un semestre après l'intervention militaire française de janvier.
L'évènement est éclipsé par des massacres en Egypte. L'ancien dictateur Moubarak n'a pas encore été jugé pour le millier de morts que l'armée disperse à nouveau dans le sang des opposants. Ceux-là sont des manifestants pro-Morsi. On compte des centaines de morts. La Révolution française ne s'est pas faite en quelques mois. Imaginez qu'elle fut télévisée...
Mercredi, on dénombre plus de 500 morts au Caire. Vendredi, après la prière, en voici encore une centaine. Les Frères Musulmans avaient fait converger des cortèges depuis 28 mosquées au Caire vers la place Ramsès. Personne ne comprend pourquoi l'armée n'avait pas bloqué l'accès aux lieux. Samedi, elle investit une mosquée.
Tout se passe comme si l'Egypte n'était plus. Gilles Kepel, spécialiste du monde arabe, s'inquiète de la disparition du lien social, de l'absence de retenue de part et d'autres: "Les gens sont divisés dans leur propre famille, entre père et fils, entre frère et sœur. " Le pays suit-il le chemin syrien ? Les Etats-Unis ont-ils misé sur le mauvais cheval ?
En France, quelques marginaux cachent leur joie devant ce défoulement de haine "entre musulmans".
Ignoble.
Barack Obama suspend des manoeuvres militaires communes. Hollande suspend ses vacances pour discuter avec Merkel et Cameron.
Insuffisant.
Crédit illustration: DoZone Parody

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