L'effondrement politique et économique des civilisations mycénienne, minoenne ou du vaste empire Hittite à la fin de l'âge de bronze avait jusqu'à maintenant été attribué à des destructions humaines consécutives pour partie aux invasions dans le delta du Nil, les côtes turques ou en Syrie et en Palestine. Il aurait en réalité résulté d'une longue sécheresse, selon des travaux publiés par des chercheurs français dans la revue américaine Plos One.
Ces derniers ont analysé les grains de pollen retrouvés dans des sédiments du lac salé de Larnaka sur l'île de Chypre. Le changement des isotopes de carbone, la "signature chimique" des plantes locales et de la région montre que le lac a connu une période humide avant de s'assécher progressivement. Cette période correspond à une sécheresse de quatre siècles.
Combinant ces données avec des indices archéologiques comme des tablettes cunéiformes et des correspondances entre monarques, les chercheurs concluent que la crise de la fin de l'âge de bronze en Méditerranée orientale a simplement été"un épisode complexe ayant résulté d'(...)un changement climatique. Ce dernier a entraîné des famines, des invasions étrangères et des conflits politiques".
LE PHÉNOMÈNE POURRAIT SE REPRODUIRE
Selon ces chercheurs, dont David Kaniewski de l'université Paul-Sabatier à Toulouse, le principal auteur, l'effondrement de ces civilisations méditerranéennes met en lumière la vulnérabilité climatique des sociétés dépendantes de l'agriculture. "C'est l'un des meilleurs exemples montrant comment une entité économique et commerciale internationale, composée de multiples Etats, peut s'effondrer", estime Lee Drake, professeur d'archéologie à l'université du Nouveau-Mexique aux Etats-Unis, qui n'a pas participé à cette étude.
La fin de la civilisation maya est également attribuée à une longue sécheresse. Les historiens estiment aussi qu'un événement climatique pourrait avoir été l'un des déclencheurs de la Révolution française en 1789. Mais dans le cas de la sécheresse dans l'est du bassin méditerranéen à la fin de l'âge de bronze, les causes ne sont pas totalement établies. Les températures de surface de la Méditerranée se sont rapidement refroidies durant cette époque réduisant l'évaporation et les précipitations dans les terres, selon Lee Drake. Cela a correspondu à un refroidissement général de deux degrés dans l'hémisphère nord, précise-t-il.
"La grande question est de savoir pourquoi un important changement de la température globale a pu provoquer une réaction aussi rapide en Méditerranée"relève ce chercheur. "Je pense qu'il est très important de comprendre ce mécanisme car il n'est pas inconcevable qu'un tel phénomène se reproduise", dit-il. "Le plus grand danger au Proche-Orient n'est pas nécessairement représenté par un Etat ou un dictateur mais plutôt par le changement climatique", juge-t-il.