Marie-Hélène Lauze,
Cagnes sur Mer
En février 2012, Marie-Hélène rencontre un couple de sans domicile à la sortie de l'église de Cagnes sur Mer. Il fait très froid, il pleut. Les deux personnes sont sans la moindre protection.
Elle décroche son téléphone pour appeler les différents services en charge des maraudes sur le terrain. En vain. Elle sollicite les pompiers de Nice qui la renvoient sur ceux de Cagnes sur Mer qui... n'ont rien à lui donner !
Après avoir donné aux deux sans-abris ce qu'elle peut trouver chez elle, Marie-Hélène ne baisse pas les bras et s'adresse par écrit à la paroisse de la ville de Cagnes sur Mer, au SDIS 06 (Centre départemental d'incendie et de secours) et au comité Croix-Rouge des Alpes maritimes (qui opère les maraudes sur le secteur de Cagnes sur Mer).
« Ces trois entités ont chacune à leur manière refusé de m'aider à venir au secours aux deux
sans-abris, qui ont du coup passé une nuit entière sous une pluie continue et glacée, alors même que nous savions toutes et tous que cette nuit serait très dure. A ce jour, aucune des 3 n'a estimé pertinent de me contacter pour en savoir plus et engager peut-être une réflexion
sur ce qui s'est passé cette nuit-là, afin que cela ne se reproduise plus » s'indigne Marie-Hélène.
« Nous sommes quelques particuliers tout à fait prêts à donner de notre temps et mutualiser nos
ressources pour pallier les manques de l'action officielle et associative. Nous faisons ce que nous pouvons à notre niveau, mais il est évident que sans une bonne entente et coopération avec les
structures de terrain, nous ne pouvons soulever seuls des montagnes ».
Email envoyé au Sdis et à la Croix rouge
J'écris ce message afin de vous faire part de mon écœurement concernant le comportement du SAMU social,
(pas des opératrices téléphoniques et en particulier une qui a fait ce qu’elle a pu - mais de la croix-rouge qui fait les maraudes) et des pompiers.
Dimanche 10 février dernier, vers 18h une amie m’a alertée de la présence de 2 sans-abris, un homme et une
femme, qui comptaient passer la nuit au pied de l’église notre dame de la mer de Cagnes sur Mer.
Or personne ne pouvait ignorer que cette nuit-là il allait pleuvoir un mélange de neige fondue et de pluie,
ni que les températures allaient encore chuter.
Nous avons tenté de les faire accepter dans les abris de nuit de Cagnes, St-Laurent et Antibes, mais ces
derniers étaient totalement complets.
Le couple a refusé d’aller à Nice à la halte de nuit [NDLR ce qui les aurait séparé] ou d’aller passer la
nuit aux urgences d’un hôpital.
Il devenait alors crucial de les protéger au mieux du froid et surtout de la pluie.
J’ai appelé à maintes reprises le 115 afin que l’on m’aide à les aider, puisqu’il n’y avait pas de maraudes
sur Cagnes ce soir-là.
L’opératrice m’a indiquée que si je pouvais me déplacer à Nice, je pourrais récupérer des couvertures. Or
lorsque je suis arrivée peu après et l’ai recontactée, elle m’a appris à contre-cœur que l’équipe du Samu social refusait obstinément de me donner quoi que ce soit, n’étant ni une association ni
une travailleuse sociale.
Quelle association ou travailleuse sociale de Cagnes aurais-je pu contacter un dimanche soir ?
Sur les conseils de l’opératrice, j’ai alors contacté les pompiers afin que l’on me donne au moins des
couvertures de survie. Etant à ce moment-là encore sur Nice, j’ai donc eu en ligne les pompiers de Nice. Mon interlocuteur était prêt à me donner des couvertures, mais en apprenant que j’étais à
Cagnes, ainsi que les deux sans-abri, il m’a alors dit qu’il fallait que je m’adresse aux pompiers de Cagnes… Or à Cagnes, la personne qui a reçu mon appel a affirmé n’avoir rien à me donner…
Grâce à un ami, j’ai pu récupérer deux couvertures et une grande bâche, avec lesquels je les ai
couverts. Mais la pluie est tombée toute la nuit, et au matin lorsque nous leur avons porté du café
chaud, les cartons et couvertures sur lesquels ils étaient allongés étaient trempés, ainsi que leurs habits.
ILS ONT PASSES LA NUIT SOUS LA PLUIE AVEC UNE TEMPERATURE TRES BASSE.
Le refus du Samu social de me donner des couvertures et celui des pompiers est inadmissible.
Il est déjà regrettable que les maraudes ne puissent avoir lieu dans toutes les grandes villes tous les
soirs, mais il est impensable que l’on ait pu me refuser de l’aide matérielle.
Nous sommes toutes et tous compétents, toutes et tous concernés, association, travailleurs sociaux ou
simples particuliers. Tout le monde est donc coupable de les avoir laissé dormir, pire que s'il s'agissait de chiens galeux, toute la nuit, sous la pluie ; les services sociaux, les paroissiens
qui sont rentrés se mettre à l'abri et au chaud dans leur maison, le SAMU social, les pompiers et la ville de Cagnes. Personne ne pouvait ignorer la forte chute des températures dans la nuit de
samedi à dimanche et celle prévue pour la nuit de dimanche à lundi, ni le fait qu'il allait pleuvoir.
Il s'agit tout simplement d'une non-assistance à personne en danger.
Je réfléchis d'ailleurs fermement à la nécessité ou non de porter plainte en ce sens. dans les jours à
venir.
Email envoyé à la paroisse
Je vous écris afin de vous faire part de mon écoeurement concernant le comportement du groupe de chorale qui s'est retrouvé pour un repas convivial dimanche 10 février dans une des salles paroissiale de l'église notre dame de la mer à Cagnes sur Mer.
A l'exception de la chef de choeur et d'une autre paroissienne présente (qui habite chez moi et donc m'a
immédiatement alertée), aucun de ces "bons" paroissiens n'a jugé pertinent d'aller à la rencontre des 2 sans-abri qui dormaient au pied de l'église, à même le sol, ou plutôt avec comme seul
confort isolation du froid du bitume, quelques cartons.
Aucune de ces personnes présentes n'a daigné aller à leur rencontre pour essayer de trouver une solution
décente à leur situation.
Et beaucoup plus grave encore, le portail de l'église a été refermé sans que personne ne les ai invité à se
mettre à l'abri de la pluie qui devait tomber d'un instant à l'autre, que ce soit sur le parvis de l'église ou dans une salle.
Et lorsque ce matin je m'entend répondre que « ce sont les services sociaux qui sont compétents »,
je réponds non ! Nous sommes toutes et tous compétents, toutes et tous concernés.
Et donc tout le monde est coupable de les avoir laissé dormir, pire que s'il s'agissait de chiens galeux,
toute la nuit, sous la pluie.
Personne ne pouvait ignorer la forte chute des températures dans la nuit de samedi à dimanche et
celle prévue pour la nuit de dimanche à lundi, ni le fait qu'il allait pleuvoir.
Ces personnes se disent chrétiennes, catholiques, mais elles ont fait montre d'une indifférence et d'un
égoïsme quasi-criminels.
Car il s'agit tut simplement d'une non-assistance à personne en danger.
Je réfléchis d'ailleurs fermement à la nécessité ou non de porter plainte en ce sens. dans les jours à
venir.
Un appel relayé par la presse locale
C’est avec peine que Marie-Hélène Lauze contient son courroux quand elle revient sur l’histoire, qu’elle raconte ceci-dit avec entrain. Le 10 février dernier, un dimanche, elle rentrait chez elle lorsqu’une amie l’appela. Elle la prévint que des sans-abris étaient, dans l’insensibilité générale, à deux pas de chez elle. « Un couple était couché devant l’église de Notre-Dame de la mer. Je me suis dit qu’il n’était pas possible de faire comme si de rien n’était, d’autant que les bulletins météo annonçaient une nuit particulièrement rude, avec chutes de neige et chute des températures. Je suis allée les voir et leur ai promis de leur trouver un abri. »
Dans un premier temps, elle apporte des chaussettes à la femme qui était pieds-nus, et du café chaud. La deuxième étape, c’est de leur trouver une solution pour la nuit. L’un des deux membres du couple ne voulait pas entendre parler de la halte de nuit, à Nice, qu’il jugeait vraisemblablement inadaptée. « Une personne qui ne comprendrait pas cela est une personne qui n’entend rien à l’humain », juge Marie-Hélène. Faute d’hébergement possible, tout étant plein, elle entreprit de leur trouver des couvertures ou, au moins, de quoi les mettre à l’abri. « J’ai appelé le 115. On m’a répondu qu’il n’y avait pas de maraudes à Cagnes. A Nice, où je me suis déplacée, il m’a été dit qu’aucun matériel ne serait prêté à un particulier. Alors, j’ai appelé les pompiers. A Nice, ils m’ont répondu favorablement pour un prêt de matériel mais ont refusé de me les donner quand ils ont appris que les SDF étaient à Cagnes ! »
Classique labyrinthe kafkaïen, duquel Marie-Hélène ne parvint finalement pas à s’extraire. A Cagnes, les pompiers n’avaient pas de matériel à lui prêter. Le couple de sans-abris a dormi dehors, sous la pluie, tandis que la vie autour continuait. « Personne n’a bougé », résume, colère, Marie-Hélène. « Dans une eau glacée, ils auraient pu mourir cette nuit-là dans l’indifférence la plus totale ! Au pied d’une église dont les paroissiens ont cô- toyé cette misère sans manifester d’empathie visible. C’est de la compétence des services sociaux, m’a même répondu une paroissienne ! Non, cela regarde tout le monde, nous sommes tous compétents et tous concernés. »
C’est même le concept de non-assistance à personne en danger qui est mis en avant ici, estime la Cagnoise. Chef d’accusation puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amendes. Peine qui illustre à quel point c’est criminel. C’est pourtant ce qui advient tous les jours et ce contre quoi s’insurge Marie-Hélène. « Il ne s’agit pas de tirer sur l’ambulance et de pointer les services sociaux qui font sûrement ce qu’ils peuvent, mais de faire émerger une prise de conscience de manière à ce que le traitement de ces problèmes s’améliore. Vous savez, les particuliers pourraient œuvrer si on leur en donnait les moyensX ». Au-delà de cette juste colère, cela soulève encore une fois le problème du manque de moyens alloués à la lutte contre la détresse humaine. Cela soulève surtout une profonde question de civilisation. Comment qualifier une société qui laisse mourir ses démunis ?