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Comment paye-t-on la faute de ses ancêtres par Nina Canault

Publié le 19 août 2013 par Legraoully @LeGraoullyOff

Nina Canault

Féminin-maternel

Extrait page 119

[…] Dans un récent ouvrage intitulé Le féminin de l’Être, Annick de Souzenelle met en pièces le conte, fallacieux et humiliant, de la création d’Ève à partir d’un bout d’os arraché à la poitrine d’Adam. Reprenant le texte original hébreu de la Genèse, elle montre que Dieu n’a pas voulu donner à Adam la servante, qui paie son infériorité depuis des millénaires, mais mettre à ses cotés une autre face de lui-même, ce «  Je est un autre » chanté par Rimbaud. « Nos traducteurs, dit-elle, on lu à l’aide de leurs lunettes d’exilés », avec « les yeux de l’extériorité » ce mythe de notre incarnation sexuée, pierre angulaire de notre civilisation.

De cette nouvelle lecture, s’impose une découverte de taille : le péché originel qui empoisonne la sexualité des Occidentaux disparaît au profit de quelque chose de nouveau : le féminin. Le féminin n’est pas la femme puisqu’il est en l’homme aussi bien, mais la femme en possède une part qui la caractérise et qu’il lui faut assumer. C’est de ce féminin de la femme dont nous allons parler maintenant.

Le féminin est-il assimilable au maternel et être une femme équivaut-il à être une mère ? Cette confusion des rôles et des genres est partout présente dans notre culture, le religieux ayant, de longue date, donné le ton.

Didier Dumas n’hésite pas, quand à lui, à situer le rapport culturel à la féminité comme l’un des « baromètres » de l’évolution humaine : « l’évolution spirituelle de l’être humain, dit-il, est complètement lié au statut que nous donnons à la féminité, celle de l’homme comme celle de la femme. Le féminin c’est l’ouverture à ce qui vient de l’extérieur. Dans notre culture, c’est la Vierge accueillant ce mystère que la religion appelle Dieu. Sans cette ouverture aux énergies de l’inconnu et du mystère, je ne vois pas comment l’être humain pourrait devenir adulte, gouverner sa vie et évoluer. Les Cieux dont parle la Bible ne renvoient pas au ciel matériel mais à « l’autre réalité » dont il est question chez les mystiques et les chamans. En psychanalyse, c’est ce qui s’appelle l’inconscient, et l’écoute est féminine. La féminité est donc pour moi ce qui, en chaque être, fait place à l’écoute, au dialogue avec l’inconscient et au mystère de ce que nous sommes. Alors, pourquoi la femme a-t-elle été le bouc émissaire dans la plupart des grandes civilisations ? Dans la notre, au Moyen Age, la femme ne pouvait qu’être mauvaise, puisque le péché était attribué à Ève. Elle n’a pu obtenir un statut d’être humain à part entière qu’à travers la figure de Marie. Mais c’est alors en tant que mère qu’elle a été socialement reconnue. Et socialement, elle doit toujours être mère et ne pas dire un mot du sexe, de ce qui fonde le plaisir de la vie. D’où  la classique dichotomie entre la Maman asexuée, adulée, dont la figure emblématique est la Vierge, et la femme qui jouit, c’est-à-dire la Putain, objet de plaisir, n’ayant pas droit d’existence au sein d’une famille. C’est la l’aspect le plus perfide de notre héritage en matière de sexualité. Car une mère qui n’est que mère et ne peut se montrer femme à ses enfants, en fait obligatoirement des névrosés.

L’identité de la femme n’est pas le maternel et il faut voir, dans cette confusion entre maternel et féminin, la puissance d’un matriarcat occulte et dévastateur qui substituant l’enfant à l’homme, tend à en faire le seul objet de jouissance valable. C’est à notre époque le premier problème que l’on rencontre au niveau de la santé mentale des enfants : permettre à leur mère de pouvoir être des femmes tout en restant des mères. »

Dans la succession des générations, le déni de la féminité se paie en effet fort cher. C’est une hypothèque considérable sur la santé des lignées. Il est à l’origine de l’hystérie féminine, et lorsque la haine de la féminité se transmet de mère en fille, du fait qu’elle rend la femme dépendante de l’homme, ses effets d’abord souterrains, sont toujours dévastateurs, et se font sentir jusqu’à la troisième génération. Nous avons eu un exemple avec la jeune Alice, du premier chapitre, cette adolescente autiste qui vivait ses règles comme une pure blessure, et dont les graves troubles mentaux avaient pour origine un rejet du sexe féminin, transmis de sa grand-mère à sa mère, et remontant, à partir de la, aux femmes de ses lignées sur plusieurs générations.

Ce n’est pas mon analyste qui m’a permis de découvrir ma propre féminité, car elle semblait plutôt coincée dans une théorie qui n’en était pas une. Sa référence en la matière était un texte de la psychanalyste Piera Aulagnier ( Remarques sur la féminité et ses avatars) défendant l’idée que la femme n’avait pas de désir propre et qu’elle devait pour cela, s’en remettre à celui de l’homme qui lui, heureusement, en avait un, mais dont il n’avait pas conscience. Encore fallait-il que la femme, qui n’en avait pas, lui révèle le sien. Bref, cette histoire me faisait tourner en rond, et ce n’est que bien plus tard, en travaillant sur le transgénérationnel, que j’ai compris que la sexualité adulte – féminine et masculine-, le plaisir, la jouissance et l’orgasme, n’avaient, contre toute apparence, aucun statut théorique sérieux dans la pensée freudienne. Depuis, j’ai pu constater, auprès de mes amies, en analyse ou non, que l’expression avec laquelle Freud qualifiait cette grande inconnue qu’était pour lui la sexualité féminine, le fameux « continent noir » de la psychanalyse, méritait bien son nom. La jouissance féminine n’a, en effet, pas de statue légitime dans le langage depuis des temps immémoriaux, et le psychanalyse n’a guère modifié cet état de fait. J’en ai fait l’expérience dans ma cure. Dés que j’essayais d’aborder le sujet avec mon analyste, les paroles avec lesquelles elle me répondait fonctionnaient comme un rideau de fumée, voilant pudiquement le fait qu’elle ne savait réellement pas quoi penser, ni dire, au sujet de la communication érotique. La seule analyste qui, à ma connaissance, en a écrit quelque chose de concret, même lorsqu’elle emploie un vocabulaire de spécialiste, assez ésotérique, est, paradoxalement, une analyste d’enfants : Françoise Dolto. […]

Femmes, levez-vous, revendiquez votre féminité et jouissez de votre être sans culpabilité !!! Carmen G.M.

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