Pour la lecture de Paix et guerre, j’utiliserai la codification suivante : le premier chiffre romain signifiera Ière partie, le second chiffre romain indique le chapitre de cette partie. Je conserverai les chiffres romains pour indiquer les grands paragraphes ou sections données par Aron, et qui ne constituent pas en tant que tels es chapitres. Surtout, parfois je n'évoquerais qu'une section, parfois plusieurs, parfois un chapitre entier... selon ce que la lecture m'inspirera. Commençons donc par ce premier chapitre de la première partie.
Il s'intitule "Stratégie et diplomatie", avec pour sous-titre "utilité de la politique étrangère". Et les premiers mots commencent par la citation de Clausewitz : "la guerre est un acte de violence destiné à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté". (p 33). Il s'agit d'un "point de départ", mais le ton est donné.
La première section s'intitule "guerre absolue et guerres réelles" (remarquez au passage la distinction entre le singulier - théorique- et le pluriel - expérimental). "Car la cause profonde de la guerre, c'est l'intention hostile, non le sentiment d'hostilité (34). "La guerre n'est gagnée qu'au moment où l'adversaire se soumet à notre volonté. Or, à la rigueur, on mesure les moyens dont il dispose et l'on proportionne son propre effort en conséquence". C'est ce que j'appelle le rapport de force, et j'ai dit quelques mots récemment sur ce rapport de forces qui n'est que "calcul" sur des "estimations". Cependant, je ne comprends pas ce que veut dire Aron par son "à la rigueur".
Ajoutons quelques phrases : "Le sort des nations ne se joue pas en un seul instant" (ce qui relativise notre propension occidentale à survaloriser la bataille décisive). "L'action guerrière change de nature, elle n'est plus action technique (...) elle devient action aventureuse. (...) la guerre est un jeu." (35).
Ainsi, "l'élément initial, animal autant qu'humain, est l"'animosité guerrière.(...) Puis un jeu de probabilités et de hasards (...) enfin, la guerre est un acte politique". (35) : je trouve particulièrement éclairant ce réalisme qui ne se paye pas de mots. Alors que la plupart des commentateurs partent de la nature politique de la guerre, il faut rappeler, comme Aron, ses conditions initiales. Du coup, "la guerre n'est pas une fin en elle-même, la victoire militaire n'est pas le but en soi". Quant à la politique : "sil 'on définit celle-ci comme "l'intelligence de l’état personnifiée".
Mais venons en au titre de la section : "Clausewitz est un théoricien de la guerre absolue, non un doctrinaire de la guerre totale". Il écrit en 1832, par en 1935 comme Luddendorf. (même si j'ai appris récemment que l'expression de guerre totale appartenait en premier à Léon Daudet auteur d'un livre éponyme). Dès lors, "stratégie et diplomatie sont toues deux subordonnées à al politique" (36). Et plus loin : "n'est vaincu que celui qui se reconnait comme tel" (37) : voici l'essence de l'affrontement des volontés, à cent lieues de la bataille décisive (car on peut toujours continuer la lutte par des petites guerres), et l'échec irrémédiable des "guerres contre la terreur" totalisantes et donc totalitaires. (même si l'adjectif en vogue est panoptique).
O. Kempf