Il y a une douleur insidieuse à laquelle beaucoup de candidats à l'adoption ne sont pas ou peu préparés : celle ressentie lorsqu'on prend la lourde et difficile décision de refuser un apparentement, parce qu'on ne se sent pas capable(s). Pas capable d'accepter un dossier médical qui fait trop peur ou dont les conséquences à assumer dans la vie future au quotidien semblent trop lourdes. Plus capable car soudain devant la réalité de la dossier d'un enfant la largesse de l'ouverture de se projet se rétracte subitement. Pas capable pour plein de raisons, celles-ci ou d'autres, que personne n'a à juger, à condamner ni à moquer.
Mais après il faut vivre avec. Avec le doute que cette décision n'était pas la bonne, que finalement "on aurait pu". Ou bien avec le pincement au coeur lorsque l'on le reconnait et qu'on croise cet enfant si mignon au rassemblement de son OAA (ou ailleurs !). Ou bien au contraire qu'on vive avec cette culpabilité pour lui, et qu'on se demande sans cesse s'il a pu finalement trouver une famille ou non. Se sentir aussi abandonnant pour lui et avoir un peu honte au fond de soi.
Difficile de gérer, difficile de vivre avec, certains parlent de deuils à faire, d'autres parlent de "fausse-couches". On rentre dans l'intimité de cet enfant, on s'attache à lui un peu, forcément, on devine ses blessures, on a envie de le "sortir de là", de l'aider. Et puis après souvent de longues semaines d'investigations et d'hésitations, on doit lui dire "non". On ferme définitivement son dossier, on le range loin des regards, dans une boite à archive tout en haut de l'étagère où l'on ne sera plus tenté de le regarder. Et malgré les semaines et les mois qui passent, la douleur peut rester là, sournoise. Elle se cache, tapie dans votre esprit, et refait des apparitions furtives et régulières, semant avec ses souvenirs le doute et la tristesse...
Pourtant seule une décision est la bonne : s'écouter et connaître ses limites (on en a tous !) et les respecter lorsqu'il s'agit d'accepter ou non un apparentement...