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Procédés stratégiques

Publié le 20 août 2013 par Egea
  • Stratégie

La littérature stratégique s'est depuis longtemps préoccupé de la notion de "principes stratégiques". Plusieurs écoles se sont succédé, avec des approches différentes. Les listes établies correspondent plus ou moins, selon qu'on cherche à ramasser en quelques rares principes, au risque qu'ils soient tellement généraux et simplistes qu'ils n'aient plus vraiment de sens (c'est d'ailleurs un des reproches qui a pu être adressé aux trois -ou quatre- principes fochiens), ou alors vouloir être complet, au risque alors de ne pas avoir des principes vraiment indépendants (et donc, de ne pas être principes, c'est-à-dire premiers). Or, ce n'est pas ce qui m’intéresse aujourd'hui.

En effet, au-delà des principes, il me semble qu'il y a d'autres éléments du calcul stratégique qui méritent d'être appréciés. Il s'agit par exemple des facteurs, dont j'ai déjà parlé par ailleurs, mais aussi, sujet du jour, des procédés. Parlons donc des procédés stratégiques.

Procédés stratégiques
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J'utilise souvent la répartition des trois facteurs stratégiques que le stratège utilise pour parvenir à ses fins : il s'agit de l'espace, du temps et des forces. Pour cela, il va utiliser des procédés stratégiques.

Comment distinguer un facteur d'un procédé ? un facteur me semble "donné", préalable, extérieur au stratège. Il pourra certes chercher à les aménager, par exemple en fortifiant le terrain, ou en mobilisant des réserves : mais ce faisant, il utilise le troisième facteur qui est le temps. Ainsi, à un instant donné, les trois facteurs sont fixes et le stratège devra s'en accommoder au moment de livrer la bataille. C'est ici qu'interviennent les procédés : il s'agit justement de la mise en relation, décidée par le stratège, entre ces trois facteurs. Ces procédés me semblent l'essence du travail stratégique, au moment de la bataille, là où l'on va confronter réellement le "rapport de force", qui n'a été, préalablement, qu'estimé et calculé, mais jamais vérifié.

Au passage, cela présuppose une "bataille", qui appartient au "modèle occidental de la guerre" (Hanson). La chose est d'importance et elle est, en ce moment, largement discutée. Autrement dit encore, on n'aurait plus aujourd'hui de "bataille", pour tout un tas de raisons. Cela rend la "stratégie classique" décalée par rapport aux nouvelles formes de conflit, chaotiques et non réglées ou ordonnées, comme la mise en rang de la bataille.

D'ailleurs, la bataille disparaît : Afghanistan, Libye, Mali, les combattants passent leur temps à éviter la bataille. Et quand elle a lieu, en Syrie, c'est une bataille à mort, de destruction du nouveau champ de bataille, la ville : Qoussair en juin 2013, Homs en ce moment sont les lieux de ces nouvelles batailles,bien loin du modèle traditionnel de la guerre.

En première approche, j'en distingue quatre principaux : le dispositif, le mouvement, le choc et le feu. Il ne s'agit que d'une esquisse.

Le dispositif Le dispositif n'est pas forcément statique, même s'il l'est souvent. Il part du principe que la disposition des forces au préalable permet d'acquérir l'avatange sur l'ennemi. Qu'on pense à Austerlitz : le dispositif de Napoléon consiste à avoir une aile droite en refus, de façon à attirer les Austro-russes sur leur aile gauche et donc d'affaiblir leur centre où portera l'effort de Napoléon.

Mais le summum du dispositif réside bien sûr dans l'art des fortifications : camp romain, château fort médiéval, fortification de ville, places fortes de Vauban, lignes Serré de Rivière puis Maginot, mur israélien. Conséquence, un contre dispositif, autrefois nommé poliorcétique : l'art d'assigéger.

Le mouvement. Faisant la paire avec le dispositif, le mouvement parie sur "la manoeuvre". C'est, au maximum, la percée de Guderian : le mouvement déstabilise tellement le dispositif adverse qu'il s'en trouve asséché stratégiquement. La ligne Maginot se rend sans combattre, parce que quelqu'un sonne à la porte arrière (l'ennemi, qui a fait le tour). L'idéal de ce mouvement, c'est le contournement. Il est à la racine des idées de Liddel Hart sur la "manoeuvre indirecte", mais aussi de la course à la mer de l'automne 14, où le mouvement se transforme en position.

La plupart du temps, bien sûr, il s'agit de composer dispositif et mouvement.

Le choc. Le choc fut premier et il a été oublié. Il traduit l'énergie cinétique de "l'allant", le surcroît d'énergie d'abord physique qui est à la base du duel. La guerre, au début, est un entassement de duels. Celui qui se porte avec le plus d'énergie "emporte dans son élan" la résistance de l'autre. De nombreuses innovations sont venu renforcer ce choc au cours des âges : char de l'antiquité, cavalerie lourde médiévale, phalanges de piquiers, chars d'assaut. Pourtant, le choc a tendance à perdre de son importance, la technique permettant d'obtenir toujours plus de feu.

Le feu. Le feu, c'est le fait de lancer des projectiles à distance. L'énergie directe qu'on ne peut avoir avec le choc, on la compense par le feu qui est une énergie indirecte. Fronde, arc, arbalète, bombarde, mousquet, fusil, mitrailleuse, et la combinaison du choc et du feu que fut, au début, l'avion. La bombe atomique paraît l'archétype du feu. Dès lors, dans son extrémisme même, elle incite à redécouvrir l'autre procédé stratégique, le choc. L'attentat suicide est une de ces formes retrouvées du choc.

J'ai depuis ces deux articulations primaires (dispositif/position, choc/feu), décelé d'autres procédés possibles, par exemple : offensive/défensive, usure/anéantissmeent, campagne/bataille. Il va falloir que je les creuse pour vérifier leur validité.

PS : je ne m'interroge pas ici sur la justesse du mot stratégique par rapport à tactique. Ils sont certainement vrais au niveau tactique, je suppose qu'ils le sont également au niveau stratégique.

O. Kempf


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