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Faire payer l'hôpital aux buveurs d'alcool

Publié le 21 août 2013 par Samiahurst @samiahurst
Faire payer l'hôpital aux buveurs d'alcoolEn rentrant de vacances j'ai manqué cet article dans Le Temps qui explique tout à fait sérieusement que "Les buveurs excessifs pourraient devoir payer eux-même l'hôpital". Un extrait et le lien, et ensuite brièvement une partie des raisons pour lesquelles le projet tel qu'il est présenté ici serait une très très mauvaise idée.
D'abord l'extrait:
"Les caisses maladie ne devraient pas assumer les coûts d’une fête trop arrosée qui se termine à l’hôpital. A l’issue d’une discussion de fond sur la prévention de l’alcoolisme, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) est entrée en matière sur un projet de modification législative allant en ce sens."
Pourquoi c'est une mauvaise, idée, ça? On nous précise même que "Comme l’auteur du texte, la majorité de la commission estime que les personnes qui abusent de l’alcool jusqu’au coma éthylique doivent assumer les conséquences de leurs actes. Une telle mesure permettra notamment de renforcer la responsabilité individuelle." Ça semblerait presque raisonnable, dit comme ça. Oui, bien sûr, on ne parle pas de pénaliser l'alcool, simplement de faire prendre leurs responsabilité à ceux qui abusent de manière clairement excessive. Et nous sommes tous d'accord que le coma éthylique relève de la consommation clairement excessive, qu'elle est dangereuse, qu'il serait bon d'en éviter autant que possible la survenue.
Alors, vous trouvez pourquoi c'est une mauvaise idée?
Premièrement, vouloir faire une différence entre boire un peu et boire beaucoup, c'est vouloir faire faire cette distinction à des personnes qui seront souvent déjà en état d'ébriété. Et l'alcool, c'est notoire, trouble le discernement. On veut donc responsabiliser des individus, mais des individus dont la lucidité sera souvent déjà atteinte. Étrange responsabilisation.
Deuxièmement, comme le souligne d'ailleurs l'article, certaines personnes sont véritablement malades de leur dépendance à l'alcool. Ne pas prendre en charge les conséquences de cette maladie alors que l'on prend en charge les conséquences d'autres maladies (pour des coûts et des effets comparables qui plus est) serait contraire au principe de solidarité. Cela pourrait aussi contraire à l'égalité de traitement devant la loi, si on se base sur cet arrêt du Tribunal Fédéral qui fondait l'équité d'accès aux soins de santé dans ce principe...
Troisièmement, la consommation d'alcool jusqu'au coma est dangereuse. Nous étions d'accord sur ce point. Mettons, pour rester cohérent, qu'une personne comateuse ne soit pas apte à consulter elle-même. C'est donc d'autres qui devront appeler les secours. S'ils savent que cela peut entrainer des coûts considérables, et à une personne qui est pour le moment inconsciente, il y a fort à parier que certains ne le feront pas ou plus tardivement. Souhaitable, ça? Bien sûr que non. Un exemple de responsabilisation des individus? Pas vraiment non plus.
Quatrièmement, comment les caisses maladie sauront-elles qu'un coma est 'de la faute' de ce patient? A moins d'instaurer un devoir de dénonciation de la part des professionnels de la santé, il est difficile de voir comment une telle mesure pourrait être appliquée. Vous avez dit 'confidentialité'?
Cinquièmement, c'est appliquer une logique de la punition à une situation que nous réprouvons. Qu'on veuille la réprouver, cette situation, OK. Mais on applique cette logique de la punition ici à la place de la logique des soins à une personne malade. C'est une autre logique, la sanction: très différente de celle des soins aux personnes malades. L'une et l'autre importent, certes, mais il convient de ne pas les mélanger. Les garder distinctes exigerait ici de faire du coma éthylique un délit, plutôt qu'une maladie non prise en charge par la poche publique. C'est même un point central, en fait. Car déterminer la véritable part de responsabilité personnelle dans chaque cas est plus difficile qu'il n'y parait à première vue. Faire du coma éthylique un délit en ferait un enjeu à traiter au tribunal, avec des règles claires, un droit à une défense, la présomption d'innocence, tout ça. Mais si la mesure proposée était celle-là, de criminaliser le coma éthylique, l'accepterait-on? Pas dit...mais alors pourquoi accepter l'autre?

Sixièmement...
Mais c'est votre tour, peut-être. Je m'arrête. Qu'en pensez-vous, de votre côté?

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