On peut dégager du sommaire rappel des élections présidentielles de la V° République trois types principaux de stratégie :
- L’appel à l’aile, comme Mitterrand sur sa gauche ou Sarkozy sur sa droite
- Le recentrage comme Giscard d’Estaing
- L’abstraction des partis, comme de Gaulle.
Cette orientation principale a été modulée différemment selon que le candidat pouvait se prévaloir d’un bilan jugé positif ou au contraire tentait de faire oublier son passif. On peut remarquer également que, depuis 1995, le thème de la sécurité a été jugé de plus en plus important. D’aucuns le considèrent comme un moyen pour s’affranchir de la division des électeurs en deux blocs, division accentuée par un second tour n’opposant que deux candidats.
Depuis plusieurs mois, nous assistons à une tentative d’OPA de Manuel Valls qui se présente comme de gauche puisque ministre d’un gouvernement dit de gauche mais aussi soucieux de la sécurité, sujet de préoccupation pour la majorité des Français. Il part ainsi à la pêche aux voix, non pas sur son aile, mais dans le domaine favori de la droite, avec ses partis épris de l’ordre.
Très rapidement, il a entamé une politique que l’on a du mal à différencier de celle de son prédécesseur Brice Hortefeux. Il adopte aussi la position de bien des ministres de l’Intérieur, qui couvrent systématiquement les policiers, appliquant la présomption d’innocence à leurs personnels avant même qu’ils aient été mis en examen. J’ai été stupéfait d’entendre fin avril sur une radio une déclaration de Manuel Valls. Suite à la mort d’un détenu en fuite abattu d’une balle dans le dos par un policier, il commence par verser une larme sur la victime, affirmant qu’on ne saurait se réjouir de la mort d’une personne quelle qu’elle soit. Il enfile ensuite quelques banalités avant de conclure que jamais il n’acceptera que des policiers soient pris pour cible. Curieuse logique qui, partant de la victime d’une possible bavure, aboutit à se poser en défenseur des agents de l’ordre objets d’éventuelles attaques.
Vouloir dépasser l’opposition droite-gauche en se posant comme le garant de la sécurité revient à s’écarter de la tradition de la gauche. Une société est caractérisée par sa position entre deux pôles qui peuvent se révéler antagonistes, l’ordre et la liberté. On ne peut renforcer l’ordre qu’en restreignant les libertés individuelles et, par contre, si l’on ne limite pas celles-ci, c’est le désordre qui menace. On peut estimer que l’ordre appartiendrait plutôt à la droite tandis que la gauche serait plus attachée aux libertés. C’est sur cette ligne de fracture que se place Manuel Valls dans son affrontement avec Christiane Taubira. C’est une démarche gagnante à tout coup : si l’insécurité recule, ce sera grâce à lui. En cas d’échec, ce sera parce qu’on n’aura pas voulu le suivre.