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"Fils" d'Antonio Hodgers et Sophie Balbo

Publié le 24 août 2013 par Francisrichard @francisrichard

Antonio Hodgers et sa femme, Sophie Balbo, ont écrit un livre à quatre mains.

Quand Sophie écrit, elle prête sa plume à Silvia Hodgers, la mère d'Antonio, et le fait très naturellement à la première personne.

Quand Antonio écrit, il le fait lui aussi à la première personne, mais c'est bien de lui-même qu'il s'agit.

En fait, ce sont, en un seul volume, les autobiographies de Silvia et Antonio Hodgers qui sont contenues dans Fils. Les mêmes événements étant vus à partir des points de vue parallèles d'une mère et d'un fils.

Ce livre familial est en réalité un livre de piété maternelle et filiale, qui se passe principalement en Argentine et en Suisse et qui explicite l'héritage culturel et politique du président du groupe des Verts au Conseil National.

En 1971 - elle a 24 ans -, Silvia s'engage politiquement, alors que son pays, l'Argentine, est dirigé par un dictateur militaire. Elle est devenue membre actif du Parti révolutionnaire des travailleurs, PRT, qui mène une lutte armée contre le régime:

"D'inspiration guevariste, nous étions d'avis que c'est au peuple lui-même, notamment aux classes sociales opprimées et exploitées, de s'insurger contre les classes dominantes, à travers des foyers révolutionnaires."

Quelques mois plus tard, Silvia connaît la prison, la torture, et n'est libérée qu'au retour au pouvoir de Peron en 1973.

En 1975, elle revoit Hector, un "ancien petit copain",de retour des Etats-Unis où il a fait un Master d'Economie. Ils se sont connus 10 ans plus tôt au Chili, ont vécu ensemble pendant un an et se sont séparés, lui pour aller étudier en Amérique du Nord, elle pour aller danser en Europe:

"Hector me faisait craquer. Au Chili j'avais été séduite par le fait qu'il savait s'imposer. Il était clair sur ce qu'il voulait et ça m'attirait. J'aimais les hommes qui savent prendre l'initiative, qui n'ont pas peur de me prendre dans leurs bras et de m'embrasser. Je le trouvais très intelligent. Et j'adorais faire l'amour avec lui."

D'être révolutionnaire n'empêche pas d'être femme...

Hector sera également le compagnon de lutte de Silvia et le père d'Antonio:

"Ce n'était pas facile, la militance, pour un couple. Il suffisait d'avoir deux caractères forts pour que ça vole en éclats."

En 1976, un autre dictateur militaire prend le pouvoir peu de temps après la naissance d'Antonio. Hector est arrêté deux mois plus tard, le 8 mai 1976, et disparaît à jamais:

"Il serait mort sous la torture à la fin du mois de mai, après avoir été violenté pendant des semaines."

Un jour Antonio demande à sa mère où est son père. Elle lui répond qu'il est "au ciel"...

Avant de se retrouver en Suisse (1981), Silvia et Antonio fuiront en Italie (1977), iront au Mexique (1979), Silvia militant toujours au sein de son parti pour ses convictions marxistes.

En 1991 Antonio entre au parlement des jeunes de Meyrin, dans la banlieue de Genève. Il s'y engage sans compter dès 1993:

"Ces premiers pas dans le monde associatif révèlent mon goût d'entreprendre, au sens social du terme, à savoir de mettre ensemble des moyens et des compétences dans le but de créer."

En 1994, Antonio retourne à Buenos Aires, à ses sources argentines. Mais il n'apprend pas grand chose sur son père de la part de sa grand-mère paternelle:

"La torpeur liée à la disparition de son fils l'accable au point de ne pas pouvoir donner à son petit-fils l'affection qu'il est venu chercher."

Alors, il voyage à travers le sous-continent:

"Si je peine à établir un lien avec mon père à travers sa famille, je compte bien le déceler à travers son engagement politique pour une société plus juste en Amérique latine. Mais pour cela, je dois mieux connaître les peuples sud-américains."

Il fait un périple du Pérou à l'Uruguay en passant par la Bolivie et le Paraguay. Il voit la misère. Il décide de lutter contre les inégalités, car l'injustice le "prend à l'estomac". Il en rend responsables "les implacables règles de l'économie libérale, le plus souvent mises en place par des régimes autoritaires".

Toutefois d'avoir vécu en Suisse et d'y avoir participé à un parlement de jeunes n'est pas sans influence sur lui:

"Bien je sois admiratif des chefs révolutionnaires, Che Guevara en tête, la croyance en l'homme providentiel m'exaspère. Elle ne correspond en rien à ma culture politique suisse, basée sur le partage du pouvoir et la certitude que la solution se trouve dans le collège et non dans l'individu."

En 1996, devenu président du parlement des jeunes de Meyrin, il organise, entre autres, un voyage à Cuba, qui lui dessille quelque peu les yeux:

"Cette expérience cubaine déconstruit un peu plus en moi l'idéalisation du modèle de société socialiste pour lequel se sont battus mes parents, sans pour autant renier ses valeurs fondamentales ou ses succès sectoriels."

Il a de la reconnaissance pour l'exemple d'"efficacité dans l'action" que ses parents lui ont donné, mais il sera fidèle à leurs "valeurs humanistes" autrement:

"Eux ont pris les armes, car ils évoluaient dans le cadre de dictatures militaires. Je prendrai les instruments de la citoyenneté, puisque j'évolue en démocratie."

Et il "accepte la lenteur de la prise de décision comme un gage de stabilité de la démocratie suisse".

Après avoir fréquenté les jeunesses socialistes sans adhérer, il fait un jour le pas chez Les Verts où il est introduit par Pierre-Alain Tschudi, conseiller municipal de Meyrin:

"Il [y] trouve un espace de discussions et de création politique, basé sur des valeurs humanistes, mais sans carcan idéologique strict ou préformaté. Le parti est jeune et ouvert, il [lui] convient parfaitement."

Et Silvia donne sa bénédiction à Antonio quand il lui explique que "pour lui, l'égalité sociale ne [peut] pas faire l'économie de la protection de l'environnement". Elle estime toutefois que Les Verts "sont parfois trop indulgents avec le système capitaliste, comme tous les autres partis de gauche"...

Ce livre présente l'intérêt d'établir clairement la filiation d'Antonio Hodgers avec ses parents, dans les différentes acceptions de ce terme.

En effet Antonio ressemble de plus en plus physiquement à son père. Si l'on en croit sa mère, il a la même détermination que lui. Il a surtout reçu en héritage les mêmes valeurs fondamentales qu'eux deux, qu'il n'a pas trahies, et qui avaient tant d'importance pour eux, l'écologie politique étant la poursuite de la lutte contre les inégalités et l'injustice par d'autres moyens... Ce qui est très bien expliqué dans l'annexe au livre.

Francis Richard

Fils, biographies de Silvia et Antonio Hodgers, Antonio Hodgers et Sophie Balbo,180 pages, L'Aire


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