Dans les contextes urbains où la mobilité imposée va se doubler durant la seconde moitié du siècle d'expériences nouvelles pour l'homme, expériences liées à la réalité augmentée et à l'immersion dans des univers parallèles (l'on jugera alors combien l'épithète "virtuel" induit en erreur), dans ces contextes urbains du 21e siècle donc, l'affichage sera omniprésent.
La ville elle-même devient progressivement écran où l'information s'impose à tous de la façon la plus hétérogène.
Déjà aujourd'hui JCDecaux se définit comme "city provider". C'est tout dire, ou presque.
Dans le cadre de cette mutation technocivilisationnelle que nous allons traverser, le polymorphisme du texte et ses enjeux dépassent de loin les problématiques conjoncturelles de l'édition classique et demandent une nouvelle réflexion sur la sociologie de la lecture dans les sphères publiques et privées perméables.
Dans ce contexte, l'e-paper, avec ses trois principales technologies d'e-ink (électrophorétique : qui repose sur le déplacement de particules sous l'effet d'un champ électrique ; à cristaux liquides : qui repose sur la réorientation de molécules sous l'effet d'un champ ; électroméchanique : qui repose sur l'écartement de membranes sous l'effet d'un champ), l'e-paper donc, même pour le texte, n'est qu'une surface d'affichage envisageable parmi tant d'autres possibles : l'OLED (organic light-emitting diode), par exemple, déjà particulièrement performante dans les systèmes d'écrans souples, ou bien, la technologie de l'électromouillage, qui apporterait deux fois plus de luminosité que les écrans LCD tout en ne nécessitant pas de rétroéclairage (comme l'e-paper donc) et qui entre actuellement en phase d'industrialisation, grâce à la récente levée de fonds de huit millions d'euros de la société hollandaise Liquavista ; ou bien encore la technologie iSurface, que j'évoquais récemment ici dans un post titré : L'e-paper n'est pas la panacée.
Personne en 2008 ne peut savoir sur quels supports nous liront en 2020.
Une expérience comme celle de l'Anglais Kyle Bean (photo) interroge sur le champ d'action du design de création industrielle dans le domaine des nouveaux dispositifs de lecture.
Si j'ai quelques raisons de penser que nous reviendrons à moyen terme à la forme du rouleau, et si je nourris personnellement l'impression que ce serait là la forme la plus naturelle et la mieux adaptée à la lecture, il n'empêche que le passage du Codex au rouleau d'e-paper ne sera en aucun cas un retour en arrière, mais, plutôt, un vaste mouvement, à la fois, rétrospectif, et, prospectif.
C'est la raison pour laquelle lorsque je travaille à ces questions, j'évite d'y réfléchir en termes de "morphogénèse du livre", mais, en celui de "transmorphogénèse".
En somme, tout simplement ce que j'exprimais dans l'introduction de Gutenberg 2.0, le futur du livre : « je pense que c'est avec les lumières du passé qu'on se dirige dans l'obscurité de l'avenir... »
C'est, je pense, une dimension indispensable à intégrer dans une méthodologie qui se rapproche en partie de celles des strategic planneurs.
Si la prospective doit laisser une certaine place à l'imagination, elle doit surtout pouvoir anticiper et concevoir, définir et représenter les mutations dans un avenir ni trop proche ni trop éloigné, et, pour ce faire, se fonder sur une triple approche de :
- veille stratégique et concurrentielle,
- benchmark,
-détection des usages émergents.
Pour en revenir directement au futur des livres : le passage de la section de texte lisible des rouleaux de papyrus, aux pages feuilletées des Codex, à une unique page e-paper réinscriptible et personnalisable, oblige à réinventer les codes et usages typographiques.
La technologie e-paper est caractéristique d'une disruptive innovation, ou technologie perturbatrice, c'est-à-dire une nouvelle technologie initialement sous-performante par rapport aux besoins du marché, mais aux progrès rapides la conduisant à y répondre à moyen terme, tandis que la technologie dominante devient elle à son tour sous-performante.
Concernant les nouveaux dispositifs de lecture et avec la concurrence technologique que j'ai évoquée, il faudrait, à mon avis, que l'e-paper "joue la carte" low-tech, aspect qui est loin d'être développé dans l'ergonomie et le design des premiers readers, et alors qu'ils sont commercialisés depuis déjà quatre ans (reader e-paper Librié de Sony au Japon en avril 2004).
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