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Le manuscrit de Voynich

Publié le 25 août 2013 par Leprocrastinateur @Le_procrastin

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Aujourd’hui, je vais vous raconter l’histoire d’un très vieux grimoire… Dont le texte ou la langue n’a à ce jour pu être déchiffré malgrè les connaissances modernes en cryptologie et en linguistique.

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Ce genre de photos 1900′s style ça fait très mystérieux.

Il s’agit du manuscrit de Voynich, du nom de Wilfrid Voynich, un antiquaire Américain d’origine polonaise qui en fit la découverte. En 1912, ce spécialiste en livre ancien fait l’acquisition auprès de la communauté jésuite de trente manuscrits anciens en leur possession.

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Ils avaient besoin d’argent pour rénover cette villa en pensionnat.

Parmi ces trente livres, l’un d’eux attire son attention. Il s’agit d’un petit livre (15*23 centimètre) de 246 pages (mais il semble en manquer peut-être une dizaine dont la couverture). Il est constituée de dessins de plantes (qui n’existent pas), et de texte dans un alphabet inconnu.

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Le texte de la page 39. La pagination en lettre arabe semble avoir été ajouté à postériori par un des propriétaires de l’ouvrage.

Dans ce manuscrit, une lettre y est glissée et retrace son histoire. Elle est écrite par le proviseur de l’université de Prague (un certain Jan Marci) et adressée à Anasthasius Kircher un savant jésuite à Rome. Ce dernier est spécialiste de cryptologie et s’essaie au décryptage des hiéroglyphes. Marci explique que ce document aurait été acheté par l’empereur Rodolphe ll du saint empire romain germanique pour une somme de 700 talers (ça n’a pas beaucoup de signification mais ça représenterait 1 millions d’euros actuel) et qu’il s’agirait d’un texte de Roger Bacon. Il tenait cet ouvrage d’un ami alchimiste (Baresh) qui n’en connaissait pas non plus la traduction et dont on ne sait pas comment il l’a obtenu. Une correspondance entre Barech et Kircher a par la suite été mis à jour.

Bacon, principal philosophe et scientifique du moyen-âge anglo-saxon a vécu au 13 ème siècle et ses écris étaient très renommés, d’où l’intérêt à l’époque d’un texte inconnu écrit de sa main.

Le manuscrit Voynich a depuis été vendu par ses ayants droits et est actuellement en la possession de l’université de Yale aux USA.

Voilà, de ça, on est sur. C’est pour le reste c’est plus compliqué.

Intéressons nous de plus près du manuscrit, ce qui est intéressant c’est que tout porte à croire que le texte a un sens, qu’il ne s’agit pas d’un charabia sans queue ni tête et malgré tout, les cryptanalystes s’y sont tous cassés les dents. Il s’agit du seul texte quel qu’en soit la langue non déchiffrée à ce jour.
L’alphabet est cohérent, composé de de 20 à 30 signes – certains se ressemblant, peut-être des majuscules ? – ainsi qu’une dizaine d’autre n’apparaissant qu’une ou deux fois dans tout le texte. Les mots se répètent et suivent une distribution statistique harmonieuse et cohérente avec une langue, la seule bizarrerie est le nombre anormalement élevé de mot ne se différenciant que par une lettre et parfois des répétitions de plusieurs fois le même mot. Certaines lettres ne se retrouvent que à certaine position d’un mot (au début ou à la fin), ce qui pourrait signifier que certaines lettres se dessinent différemment selon leur place (cela existe en hébreu et en arabe, me semble t-il). Il n’y a pas de ponctuation, à priori.
L’écriture est fluide et semble indiquer que l’auteur comprenait ce qu’il écrivait, contrairement à l’étude de textes écris avec des codes complexes. L’auteur ne semble cependant pas être un copiste professionnel, certaines lignes ne sont pas droites, l’écriture est plus ou moins serrées par endroit et une analyse graphologique montre des différences entre le début et la fin de l’ouvrage. Soit il y a eu deux auteurs (mais avec des écritures très proches) soit le texte a été écris à deux périodes différentes (naturellement, l’écriture d’une personne évolue avec le temps)

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Les lettres à côté de chaque symbole ont été choisis arbitrairement. C’est plus pratique pour utiliser des logiciels de cryptographies.

Donc, ce ne sont pas des signes lancés au hasard, soit cela a un sens soit l’auteur c’est donné énormément de mal pour que ça ait l’air d’avoir un sens. A l’époque de son écriture la cryptographie en est à ses tout début et rien n’est codé de manière si compliqué.Il y a aussi de nombreux dessins qui permettent de couper le livre en 4 chapitres, un premier qui traiterait de botanique, un second d’astrologie, un troisième appelé pharmacopée met en scène des êtres baignant dans un liquide et différents conduits et récipients contenant ce fluide et les différentes plantes décrites précédemment. La théorie la plus courante est qu’il s’agirait d’un élixir de vie ou d’une fontaine de jouvence. Enfin la dernière partie n’est composée que de texte. Ces dessins ne ressemblent absolument pas au style des enluminures du 13 au 16ème siècle. Cela en fait donc en manuscrit totalement hors de son contexte d’un point de vue artistique. Au niveau de l’époque, la parchemin (en peau de veau mort-né, sisi) aurait été fabriqué début 15ème siècle ce qui élimine Roger Bacon – qui a vécu au 13ème siècle – comme auteur, puisque rien ne laisse supposer qu’il ne s’agit pas d’un original.

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Le dessin relativement archaïque des personnage et leurs coiffures semblerait – d’après les experts – plus proche du 15ème siècle également. Une des plante pourrait ressemblé à un tournesol, une plante d’origine américaine ce qui repousserait la date au 16ème siècle (après 1492 au moins) mais dans la mesure ou aucune autre plante n’existe il paraît raisonnable de penser qu’il s’agit d’une coïncidence.

Enfin, un château représenté

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Quoique, ça ressemble pas mal à un tournesol quand même….

On peut émettre de nombreuses hypothèses sur la signification de ce texte, aucune d’entre elle n’étant totalement satisfaisante.

Si on simplifie à l’extrême, il y a deux hypothèses de travail. Soit le texte a un sens, soit il n’en a pas.

S’il n’a pas de sens – ce qui n’est pas très probable, comme expliqué plus haut les hypothèses suivantes me semblent plausible :

_Il s’agit d’une arnaque, l’auteur a fait ce manuscrit dans le seul but de le vendre. Il n’y a pas de signification sous-jacente, c’est juste très bien fait. Cette hypothèse peu sexy reste bien sur assez tentante puisqu’il y a pas mal de suspects, à commencer par Voynich lui même qui aurait pu écrire ce texte sur du vieux vélin et essayer de la faire passer pour un écris de valeur – bon, mais il n’a jamais essayé de le vendre.

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John Dee, alchimiste de la cour de la reine Elizabeth 1er en Angleterre et son médium Edward Kelley feraient aussi des coupables idéaux. Dee était connue pour son immense collection sur Roger Bacon, de plus il a passé quelques temps à la cours de l’Empereur Rodolphe ll en Bohème, enfin et surtout ils prétendaient converser avec les anges – avec l’aide du medium sus-cité. Ils avaient d’ailleurs transcrits la  »langue des anges », l’énochien, ils n’en seraient donc pas à leur premier coup considérant l’invention d’une nouvelle langue, d’ailleurs les légères différences dans l’écriture pourraient être le signe que le manuscrit eut été écris à quatre mains par Dee et Kelley. Curieusement J.Dee qui tenait un journal méticuleux de tous ses projets et activités ne fait aucune mention du manuscrit Voynich ou d’un travail sur une autre langue que l’énochien.

_Il s’agit d’un exercice de style littéraire, on a un exemple moderne avec le Codex Seraphinianus écris par l’italien Luigi Serafini en 1970 et écris dans une langue inventée de toute pièce par l’auteur sans aucune clef pour la décrypter, ce texte est très proche du manuscrit Voynich dans sa conception – dessins fantastiques et texte dans un alphabet inconnu. Pour un manuscrit du moyen-âge, cela ne me semble pas être dans l’air du temps, d’autant que le matériel d’écriture et le vélin servant de support coutait extrêmement cher. Mais, enfin, pourquoi pas.

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_Il s’agit d’un exercice de cryptographie. Le texte sous-jacent n’aurait pas d’intérêt particulier autre que de servir de support à un code. le 15ème siècle et surtout le 16ème siècles sont des renouveaux en ce qui concerne le chiffrement avec l’influence des sciences arabes et la redécouverte des manuscrits antiques. Cependant, les dessins de plantes et symboles mystérieux semblent biens inutiles dans ce contexte.

Un proche de J.Marci, Raphael Mnishovsky (que des noms qui fleurent bon l’Europe de l’est) clamait avoir inventé une méthode de cryptographie inviolable. Nous n’en avons pas traces à ce jour. Peut-être a t-il appliqué cette méthode au manuscrit Voynich, puis via Jan Marci envoyé son écris à un expert (Kircher) pour tester son inviolabilité. Si c’est le cas, ça fonctionne bien puisqu’il n’a toujours pas été décodé. Mais la date du parchemin (début 1400) ne correspond pas, Mnishovsky ayant vécu 2 siècles plus tard.

_Enfin, cette œuvre peut-être issue d’un délire. Son sens, évident pour l’esprit malade de son auteur, nous serait inintelligible. En élargissant un peu, cela pourrait être la transcription d’une rencontre mystique (réelle ou imaginaire, à vous de juger) avec une entité divine, ou au contraire démoniaque. Mais enfin, une œuvre d’une telle constance sur autant de page ne ressemble par à l’écris d’un fou en transe mais bien d’un esprit précis et cohérent.

Le manuscrit de Voynich

écriture démoniaque ou délire ? En tous cas, aucun exemple ne fais plus de quelques pages.

En revanche s’il s’agit d’un texte dont le sens est volontairement brouillé par l’auteur, probablement un traité d’alchimie – la pseudo-science à la mode à l’époque – au vue des illustrations de plantes, d’astrologie, qui peut-être parleraient de la fontaine de jouvence ou autre potions miraculeuses (le chapitre trois est illustré de jeunes femmes baignant dans un fluide ou, moins cool pour elle, dont un extrait le fluide vital). Le style des gravures ne correspond pas aux codes de l’alchimie – qui de peur de finir plus ou moins brûler par l’église, rendaient leurs écrits les moins intelligibles possible. Un homme dans un cercueil, un aigle, des caractères hébraïques ou grecs mélangés servaient d’illustration et correspondaient aux ingrédients.

En ce cas, si l’auteur a jugé nécessaire de coucher son savoir par écris c’est que le texte devrait être décryptable. Sinon, à quoi bon écrire, il faut bien que les lecteurs disposent d’une clef pour déchiffrer le code. Il est curieux qu’aucune technique moderne n’est été efficace, alors que les techniques de chiffrements crédibles pour cette époque nous sont bien connue – merde, on a des ordinateurs maintenant !

Et s’il s’agit d’une langue inventée, ce que la structure du texte laisse supposer, cela pose le même soucis. Quel intérêt d’inventer une langue puis d’écrire un livre dans celle-ci si personne ne la parle ? C’est sur que le secret serait bien gardé – d’autant que la recette contient des plantes qui n’existent pas, ce qui ne facilite pas l’affaire.

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Une hypothèse un peu syncrétiques serait qu’on eut affaire à un fou savant, qui aurait créé ce langage – peut-être le seul capable de traduire sa pensée, peut-être soufflé par quelque esprit ? – et aurait écris son savoir, en toute bonne foi. Seuls les élus, selon sa logique illogique seraient capable de déchiffrer ? Peut-être que seule la découverte de ces plantes imaginaires permettrait de créer ce fluide vital ? C’est l’hypothèse la plus amusante, je trouve.

Dernière question, quel est le langage ou le code ?

Si on savait, on aurait déjà traduis, et aucune hypothèse n’est vraiment formidable.

Un chiffrement lettre à lettre est facile à décoder sauf à utiliser des techniques plus sophistiqués qui font évolués le codage au fur et à mesure du texte, mais dans ce cas les caractéristiques statistiques de la langue auraient du disparaître : les mots ne se répéteraient pas, par exemple.

Les techniques de décryptages qui ont obtenus un résultat sur quelques pages utilisent plusieurs stratégies imbriqués les une dans les autres (par exemple, un codage lettre à lettre polyalphabétique avec ajout de caractères inutiles et soustractions de toutes les voyelles du texte qui serait un mélange de plusieurs langues… Le résultat nécessite tellement d’interprétation qu’on peut lui faire dire ce qu’on veut.)

Une théorie voudrait que ce soit de l’Hébreu distordus. Les lettres ressembleraient vaguement à des caractères hébreux et le lecteur devrait décoder à l’œil chaque mot, le tout rendu un peu plus difficile par des répétitions de mots et des différences dans l’orthographe… Encore une fois, on interprète le texte comme on veut avec cette méthode.

Certains ont imaginés que seule une petite partie du texte a une signification, noyé dans une masse d’information inutile (un peu comme les gênes dans l’ADN ou la lettre de Georges Sand pour Alfred de Musset). Cela rend le déchiffrage plus ou moins impossible sans la clef, et l’écriture beaucoup plus laborieuse que semble indiquer l’écriture fluide de l’auteur.

Certains y ont vu une tentative de transcription d’une langue étrangère orale, mais alors pourquoi ne pas utiliser des caractères latin ? Du reste, les dessins font tout à fait européens.

On en reviens à une langue inventée…

Bakenji me disait, « finalement ton manuscrit il a peut-être été écris par des extra-terrestres ? » Pourquoi pas au point ou en est.

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Si vous voulez le essayer, le manuscrit est disponible en haute définition ici => http://brbl-dl.library.yale.edu/vufind/Record/3519597?image_id=1006150

Bonne chance !


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