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La réforme des retraites... à gauche... ou à droite.

Publié le 28 août 2013 par Juan
Il y a trois ans, le temps d'un siècle, un ancien président qui a encore quelques nombreux fidèles nous avait promis la réforme de toutes les réformes, la mère de toutes les batailles. De déplacements en tables rondes, de discours en tribunes, Nicolas Sarkozy avait, deux années durant, propagé cette curieuse idée selon laquelle il avait sauvé le régime de retraites d'une faillite inévitable et proche.
Dès la révélation du fameux plan, en juin 2010, nous avions la confirmation par les chiffres, les propres données du gouvernement, que cette réforme ne donnait qu'un répit aux prix de quelques injustices supplémentaires et de joyeux mensonges: primo, le bilan financier de la réforme laissait une quinzaine de milliards d'euros par an de déficit sur le budget de l'Etat; secundo, la réforme reposait sur des prévisions de retour au plein emploi et à la croissance déjà farfelues à l'époque; tertio, l'administration Sarkozy elle-même ne croyait pas vraiment à la vantardise présidentielle puisque la loi du 9 novembre 2010 prévoyait un nouveau rendez-vous dès ... 2013, après les élections.
La question de la pérennité de nos systèmes de retraite sera réglée à l'automne prochain” Nicolas Sarkozy, 15 février 2010
Bref, ce grand cirque du printemps puis de l'été 2010 avait surtout servi à affaiblir une fois de plus l'équité du régime général: report de l'âge minimal, report de l'âge de retraite à taux plein, augmentation de la durée de cotisations,  et, suprême arnaque sémantique, assimilation de la pénibilité au handicap professionnel avéré... Juste après son élection, François Hollande a corrigé partiellement une injustice, en ré-autorisant la retraite à 60 ans pour les salariés aux cotisations complètes (*). Le parti socialiste avait depuis longtemps digéré l'idée qu'il faudrait cotiser plus longtemps. En 2013, quelques grincheux sincères faisaient mine d'ignorer qu'en 2010 déjà tout ce que compte le PS de dirigeants assumaient la chose. En revanche, et c'était là la différence, il ne fallait ajouter de report de délais, ni négliger la pénibilité.
Reste le déséquilibre, né de la crise et de la démographie. N'en déplaisent à certains, il est difficile de nier l'impact de la crise. Les cotisations vieillesse "rentrent" moins bien qu'avant. Elles étaient déjà insuffisante. La masse salariale du secteur privé régressait même au premier trimestre 2009, au plus fort de la dégradation.
"La progression de la masse salariale du secteur privé s’est fortement ralentie depuis deux ans avec la dégradation de la conjoncture et de la situation de l’emploi. Après 3,6 % en 2011, elle a été de 2,2 % en 2012 et l’hypothèse retenue pour 2013 est de 1,3 % ce qui constitue le taux le plus bas depuis vingt ans à l’exclusion de 2009 (-1,3 %)." Source: Les comptes de la sécurité sociale : résultats 2012, prévisions 2013, page 21, La Documentation Française
Ceci n'empêchait pas Jean-Luc Mélenchon d'expliquer qu'après 5 ans de crise, une réforme restait inutile ("La réforme ne sert strictement à rien", 27 août 2013). Par un tout de passe-passe argyumebtaire dont il a le secret, il nous enfumait d'une formule que la CGT devait pourtant contester:
"Ces gens-là prétendent savoir quel va être le niveau de déficit des caisses de retraite en 2020. Ce qui veut dire qu'ils ne croient pas à leur propre politique, car si elle conduisait à inverser la courbe du chômage et à créer de l'emploi, le déficit des retraites disparaîtrait". Jean-Luc Mélenchon, 27 août 2013.
Car à la CGT, le son de cloche est bien différent: oui, assure-t-on depuis longtemps, il manque structurellement des ressources ! La CGT sait lire les chiffres. Depuis 2008, le déficit de cotisations par rapport aux dépenses varie, chaque année, de 5 milliards d'euros (2008) à 13 (2011), et encore 9 milliards d'euros (2012).  En 2011, après la réforme Sarkozy, la CGT privilégiait déjà une double explication aux déficits de la Sécurité sociale: un manque structurel de recettes et la faiblesse conjoncturelle de l'emploi à cause de la crise.
Lundi soir vers 22 heures, elle appelait encore à "récupérer les 80 milliards de fraude et d'évasion fiscales" et à "revenir sur les 200 milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises, notamment en supprimant les exonérations de cotisations sociales".
En d'autres termes, nous avions, à gauche de la gauche, et quelques heures trop tôt, deux positions: l'une du leader contesté du FDG qui clamait - comme d'autres au Parti socialiste - qu'il suffisait de "résoudre" le problème du chômage. L'autre, de la CGT, qui clamait que le déséquilibre deu financement était tel qu'il fallait remettre en cause 200 milliards d'euros de niches et attaquer 80 milliards de fraude... Une broutille...
Sans attendre de connaître les modalités exactes de la réforme, les critiques se sont donc multipliées. C'est chose habituelle désormais, en cette période d'hystérisation systématique du débat politique. Ayrault teste cette semaine quelques idées, avant une présentation plus complète de la réforme ... le 18 septembre prochain.
Mardi 28 août, vers 19 heures, les services de Matignon balancent les grandes lignes retenues après ces deux journées de conciliabules syndicaux.  Chacun y va de sa formule immédiate. Rares sont les lecteurs de la dite réforme. Nous n'avons qu'un dossier de presse et, sans doute, quelques éléments, de part et d'autres.
Il y aura matière à dire, plus tard, bientôt.
Et à droite ?
Le centriste François Bayrou fustige trop tôt un "bricolage": "Au lieu de rééquilibrer le système, on va augmenter les cotisations, soit celles des entreprises, soit des salariés. C'est le même type de bricolage qui a été fait les années précédentes auxquelles la gauche s'était à l'époque opposée". Manque de chance pour lui, le Bayrou, le gouvernement ne retient pas l'augmentation de la CSG. Pire, l'augmentation proposée ne concerne que les cotisations vieillesse. Et elle est ... ridiculement faible.


La réforme des retraites... à gauche... ou à droite.

L'UMPiste Bruno Le Maire accuse le gouvernement de lâcheté, rien que cela. L'ancien fidèle ministre de Nicolas Sarkozy, ex-fidèle chiraquien qui tente de porter une autre voie à droite, n'a rien trouvé de mieux.
François Fillon est plus radical. En juin dernier, il se prononce pour un report de 62 à 65 ans. Fin juillet, il lance son programme présidentiel, déjà 2017 en ligne de mire. Double peine, il promeut l'allongement de la durée de cotisation (comme le PS) ET le report de l'âge minimal: "Je propose d’augmenter la durée d’activité en jouant à la fois sur une hausse de l’âge légal de départ en retraite qui doit progressivement atteindre 65 ans et une augmentation de la durée de cotisation."
Jean-François Copé le suit de près, autre illustration de cette course à l'échalote qui se pratique à droite. Dans ses propositions du weekend dernier, en vue de 2017, il réclame aussi le report à 65 ans. En juin, il s'était déjà livré à une succession d'approximations et d'erreurs (sur le nombre d'annuités, l'intégration des primes dans les calculs, les ambitions affichées de la réforme de 2010, etc).
Finalement, pouvions-nous dire que la gauche et la droite de gouvernement étaient deux choses différentes, en cette année 2013 ?
Oui.
Est-ce suffisant ?
Non.
A suivre.
Lire aussi:

(*) Dans les faits, François Hollande a fait autoriser le départ à la retraite dès 60 ans des salariés ayant suffisamment cotisé (soit 41 années pour les départs en 2012).

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