Magazine Humeur

Perdre son estime pour mieux le retrouver

Publié le 29 août 2013 par Raymondviger

Quand la confiance en soi n’est plus au rendez-vous

Estime de soi à rebâtir

Pierre est un être sensible qui a longtemps été étiqueté bon à rien. Pour retrouver son estime qui lui faisait défaut et prendre sa place, il a dû se battre toute sa vie contre le regard des autres… et du sien.

Dominic Desmarais  Dossiers Toxicomanie

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Âgé de 57 ans, ce colosse avec quelques kilos en trop déplace de l’air. Tantôt combattif, tantôt émotif, il cherche constamment le mot juste, fouille dans sa mémoire pour en ressortir l’information exacte, passe d’un sujet à l’autre pour revenir à son propos initial. Pierre est un volcan de mots et d’émotions. Il parle sans interruption comme si personne ne l’avait jamais écouté.

Élevé par un père autoritaire qui décidait de tout, Pierre n’a pas appris, enfant, à avoir des idées et à les défendre. C’est en s’exilant de son Joliette natal, pour faire ses études collégiales à Montréal, qu’il goûte pour la première fois à l’autonomie. «Mes amis allaient tous au cégep de Joliette. Je voulais m’isoler.» Pierre, qui aspire à des études de psychologie, est refusé dans ce programme contingenté. Il opte pour la philosophie. «Les étudiants de sciences pures me demandaient ce que j’allais faire dans la vie avec un tel diplôme. Je leur répondais qu’en premier, j’allais apprendre à penser et, une fois que je saurais penser, je penserais à ce que j’allais faire!»

Défendre ses idées

Dans ses cours, Pierre est encouragé à donner son opinion et défendre ses idées. La possibilité de s’exprimer le grise au début, mais, très vite, elle devient un poids. Pierre est toujours à contresens du troupeau. La classe pense blanc, lui répond noir. «Parfois, ça m’inquiétait. Je me retrouvais seul contre les autres. Dans une classe, s’il y en a un ou deux qui ne sont pas d’accord avec toi, ça peut aller. Mais quand c’est tout le groupe, c’est dur. Je me sentais mal à l’aise.» En plus de penser différemment, Pierre est isolé. Il n’a pas d’amis, lui qui a quitté les siens pour la grande ville. Il a peur de couler ses cours, car ses opinions ne rejoignent personne. Nerveux, il rencontre l’un de ses professeurs qui le rassure. Il lui fait comprendre que la philosophie, c’est défendre ses idées. «Tout le monde est contre toi et tu tiens ton bout, tu n’enlèves pas ta fougue.» Pierre se rappelle cet épisode qui l’a marqué. Lui, le grand gaillard, se laisse aller à pleurer.

Après le cégep, Pierre est animé par une soif d’apprendre. Après le monde des idées, il s’oriente vers celui de la logique pour étudier les mathématiques. Il y met toute son énergie et sa passion. Mais le côté rationnel des équations l’étouffe. «Pendant un examen, je me suis demandé ce que je faisais là. J’ai laissé ma copie et je suis parti.» Impulsif, Pierre rentre à son appartement aviser ses colocataires qu’il quitte sur-le-champ pour l’Ouest canadien. «C’était la rébellion. Je n’étais plus capable d’entendre le mot logique. Comme si ce mot avait force d’évangile.» Pierre se laisse aller. Lui si discipliné dans ses études et son travail dans la sécurité, laisse tout tomber. Il prend la route pour quelques mois.

D’un métier à l’autre

Un an plus tard, il retourne à l’université pour compléter son baccalauréat en mathématiques. «Ça faisait un an que j’étais sur la go. Le retour a été trop raide. Je n’étais pas prêt, j’ai abandonné.» Mais Pierre, incapable de ne rien faire, trouve une nouvelle passion pour assouvir son trop-plein d’énergie. Il décide de suivre des cours pour piloter des avions.

Comme pour les mathématiques, Pierre délaisse son nouveau passe-temps. Il retourne à temps partiel à l’université et commence à s’initier aux arts martiaux. Il y trouve une dimension spirituelle et un code de vie qui le nourrissent. Les cours de karaté et d’aïkido deviennent plus importants que les maths. «Je voulais changer la texture de mes muscles. Au lieu qu’ils soient puissants, je les voulais résistants et endurants. C’était l’objectif de ma vie. Pas devenir ceinture noire. Les compétitions, je n’aimais pas ça même si je figurais bien. C’était plus une discipline intérieure.»

En parallèle, il termine ses études universitaires, mais sa soif de connaissances n’est toujours pas assouvie. Il retourne au cégep étudier l’électricité. «Je n’y connaissais rien! J’ai obtenu un diplôme en instrumentation et contrôle. Il y avait de la demande partout pour calibrer les instruments industriels.»

Pierre se sent prêt pour un nouveau défi : affronter le marché du travail. Après avoir développé son côté créatif par la philosophie, son rationnel avec les mathématiques et l’électricité et son intérieur par les arts martiaux, cet autodidacte solitaire est enfin bien dans sa peau. Fidèle à son besoin de découvrir, il s’attaque à un environnement qui lui est inconnu : le monde des ouvriers et des usines. Après une dizaine d’années passées à se découvrir, il doit maintenant apprendre à mettre en pratique ses connaissances en travaillant au sein d’un groupe. Pour Pierre et son estime, ce sera une dure épreuve.

Le travail

Après des années à travailler au sein de petites équipes comme technicien en contrôle d’instruments, Pierre se trouve un emploi dans une usine qui compte plus de 500 employés. L’intégration de cet être original sera difficile.

À son arrivée, Pierre pensait bien s’entendre avec ses nouveaux collègues. Lors d’une visite avec le responsable de l’entretien pour rencontrer les autres employés, il observe l’atmosphère de son nouvel environnement. «À première vue, ça me semblait bien. J’ai rencontré les autres techniciens, des jeunes de 15 à 20 ans de moins que moi. Ils ont une certaine éducation, avec leur DEC. Mais d’autres employés ne savent ni lire ni écrire. Moi, je suis comme je suis. Ma place, ce n’est pas les usines…»

Pierre, avec son franc-parler et son vocabulaire d’intellectuel, est rapidement pris en grippe par les employés de l’usine qui font tourner les machines que lui doit réparer. Ils se moquent de lui quand l’équipement se brise et lui font savoir leur insatisfaction quand les réparations traînent en longueur. Excédé par l’un d’eux, Pierre porte plainte en août 2005 pour harcèlement psychologique. L’employé, en sa présence, lançait des objets contre les murs avec rage, sous les encouragements des membres de son équipe. «J’ai demandé que le syndicat le rencontre. J’étais rendu au point de vouloir lui sauter dessus. Je devenais agressif.»

La déchéance

Le syndicat crée un comité de relations et Pierre demande d’être affecté à un autre département. Rien ne change. Dès que Pierre est appelé pour régler un bris d’équipement, on lui saute au visage. «Je ne pouvais plus vivre avec ça. Je me suis caché dans un bureau. Le représentant syndical est venu me trouver. Je pleurais. J’étais devenu une loque humaine. On ne m’avait même pas battu physiquement. Et j’étais sans défense.»

Pierre rencontre un médecin qui le met en arrêt de travail de 6 mois pour dépression. Côté syndical, il raconte sa version de l’histoire. Aucun grief ne sera déposé contre son intimidateur. Pierre est bouleversé. «Je ne me sentais pas appuyé, pas défendu.» Pour se soigner, Pierre voit un psychiatre. En plus de sa dépression, il souffre de brûlures d’estomac qui l’empêchent de dormir. Son anxiété provoquait des difficultés à digérer. «J’ai demandé à mon médecin quand j’arrêterais de prendre la médication. Il m’a dit que c’était pour la vie. 100$ par mois. Je me sentais mal de savoir que j’allais y être accroché pour le restant de mes jours.»

Maître de sa guérison

Autodidacte, Pierre cherche des solutions. «J’étais à domicile pour un congé de maladie de 6 mois. J’avais du temps pour lire. Internet a tout chamboulé.» En faisant des recherches personnelles, Pierre tombe par hasard sur le site d’un centre de recherche qui travaille sur les ondes et la pensée. «J’ai toujours été intéressé par la recherche intérieure. Là, le site parlait de contrôle de la pensée. Et moi, je me demandais pourquoi, alors que j’ai une colonne vertébrale, que j’ai fait 10 ans d’arts martiaux, je me retrouvais caché dans un bureau à pleurer.»


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